La mise à disposition d’un véhicule d’entreprise

 

Si le salaire, comme contrepartie du travail effectué, prend le plus souvent la forme d’une rémunération en numéraire, la notion de salaire englobe également d’autres formes, « les avantages en nature ».

En droit du travail, ces avantages en nature représentent l’ensemble des prestations que l’employeur fournit ou met à disposition du salarié dont il aurait normalement dû supporter directement les frais. Il est le plus souvent question d’avantage en nature en présence de la fourniture par l’employeur d’un téléphone portable ; de chèques repas ; de logements gratuits ou non ; d’une voiture de fonction…

Contrairement aux avantages en nature, les frais professionnels sont ceux qui correspondent à des frais engagés par le salarié, non pour sa convenance personnelle, mais dans le cadre des missions qu’il exerce pour l’entreprise. D’un point de vue juridique, on considère ces frais comme des charges de caractère spécial, inhérente à la fonction ou à l’emploi du salarié, que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées.  Dans ce cadre, les frais supportés par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle ne peuvent être imputés sur sa rémunération et doivent lui être remboursés.

Si la mise à disposition d’un téléphone portable peut être considérée comme un avantage en nature, l’exemple le plus frappant reste celui du véhicule utilisé par le salarié. La mise à disposition d’un véhicule est une pratique courante au Luxembourg qui fait partie de la politique de rémunération de nombre d’entreprises. Cette pratique, se heurte toutefois aux difficultés de l’espèce quant à la qualification ou non d’avantage en nature laquelle dépend principalement de l’utilisation qui en est faite par le salarié :

  • La mise à disposition permanente

Lorsque le salarié fait l’usage du véhicule qui lui est mis à disposition, non seulement pour des besoins professionnels mais également pour ses besoins personnels, notamment pendant ses jours de repos ou de congés, il est considéré comme un véhicule « de fonction » eu égard à l’avantage personnel qu’en tire le salarié. Ledit véhicule de fonction devient, en raison de cet usage permanent, un avantage en nature faisant partie intégrante de la rémunération du salarié[1] et devient donc un élément essentiel de son contrat de travail qui ne peut être modifié unilatéralement par l’employeur.

Comme tout élément de rémunération, cet avantage doit figurer au contrat de travail. Il prévoira impérativement un décompte exact et détaillé du montant de la rémunération en numéraire et de la valeur de la rémunération en nature.[2] La clause du contrat de travail pourra également fixer les modalités de prise en charge des frais de carburant pendant les congés et pendant les déplacements professionnels. A notre sens, le contrat de travail, ou un accord collectif, peut également, limiter ou encadrer l’utilisation d’un véhicule de fonction pour les périodes de suspension du contrat de travail.

Nous soulignerons le fait que lorsque le modèle de véhicule est expressément prévu au contrat de travail, l’employeur ne peut le modifier sans l’accord du salarié. Il s’agirait en effet d’une modification du contrat de travail nécessitant la rédaction d’un avenant. Dans la même logique, un avantage en nature étant un élément de rémunération, même lorsque le modèle de véhicule n’a pas été contractualisé, il fait partie intégrante du contrat de travail. Ainsi, si cette modification entraine un changement important de gamme, l’avantage en nature s’en trouve modifié et nécessite la formalisation d’un accord entre les parties.

Une attention particulière devra être apportée en cas d’arrêt ou de suspension du contrat de travail. Bien qu’utilisé dans le cadre professionnel, un véhicule de fonction n’est pas un simple outil de travail que le salarié doit restituer dès la cessation temporaire ou définitive de ses activités professionnelles. A défaut de clause contractuelle ou conventionnelle explicite, l’employeur ne peut retirer unilatéralement le véhicule de fonction au salarié. Dans le cas contraire, il commet une faute contractuelle permettant au salarié de demander réparation en justice. Cette position s’applique également durant les dispenses d’activité professionnelle accordée, le cas échéant, pendant la durée du préavis précédant son licenciement[3]. En effet, rappelons que la dispense de préavis par l’employeur ne peut entraîner aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait continué à travailler. Tout au plus, à notre sens, l’employeur qui souhaite exiger la restitution du véhicule de fonction pourra proposer au salarié une indemnisation compensatoire. Nous noterons que la même logique s’applique pendant les périodes de suspension du contrat de travail notamment pour cause de maladie[4].

  • La mise à disposition pour les besoins du service

Lorsque le salarié fait usage d’un véhicule de service uniquement pendant son temps de travail effectif, au même titre qu’un ordinateur ou n’importe quel autre instrument de travail, le véhicule ne sera pas considéré comme un élément de rémunération. Néanmoins, les frais liés à l’utilisation du véhicule, supportés le cas échéant par le salarié, sont des frais professionnels que l’employeur doit rembourser.

  • La mise à disposition tolérée à des fins personnelles

Il importe, à titre préalable, de noter que le régime applicable à la mise à disposition d’un véhicule ne saurait dépendre de la qualification retenue par les parties. Le Tribunal du travail n’étant pas lié par cette qualification, il est important que cette dernière réponde au critère déterminant de l’utilisation à des fins personnelles. A ce titre, il est fréquent que l’employeur tolère l’utilisation à des fins personnelles du véhicule de service, sans que cela ne soit stipulé dans le contrat de travail. Si d’un point de vue purement contractuel, l’usage de ce véhicule de service ne constitue pas un avantage en nature, il n’en reste pas moins qu’un arrêt de la Cour d’appel du 27 juin 2013 a confirmé que la mise à disposition gratuite au salarié d’une voiture de service pour son usage privé constitue un avantage en nature soumis à l’impôt sur le revenu.

Par ailleurs, si l’avantage en nature n’est pas contractuel, il peut toutefois résulter d’un usage non écrit. Dès lors, pour que le salarié puisse se prévaloir de cet « avantage en nature », en cas de période de suspension du contrat de travail, il lui incombera d’apporter des éléments permettant de prouver l’utilisation du véhicule de service à des fins privées. A défaut, il devra le restituer dès la fin de son activité professionnelle, conformément à l’arrêt rendu par la Cour d’appel en date du 7 février 2002.

  • Le sort du leasing en cas de démission

Le leasing, autrement dit crédit-bail, constitue un avantage en nature par lequel l’employeur donne en location un ou plusieurs biens à son salarié qui, à un moment quelconque du contrat, le plus souvent à l’échéance, peut décider d’en devenir propriétaire. Si de prime abord le leasing constitue une opération gagnant-gagnant pour chacune des parties, la mise à disposition de ce type de véhicule peut amener certaines contrariétés, notamment en cas de démission du salarié. En effet, il peut arriver qu’aucune clause du contrat de travail n’ait été rédigé concernant le rachat automatique du véhicule si bien que l’employeur se trouve dans l’obligation de conserver le véhicule. Le crédit-bail n’est donc pas une opération à prendre à la légère puisqu’il peut amener l’entreprise à devoir faire face à un alourdissement imprévu de sa trésorerie.

Pour éviter de se retrouver devant un tel désagrément, il est nécessaire de contractualiser l’opération par l’intermédiaire d’une clause spécifique ou d’un avenant au contrat de travail prévoyant expressément le sort du véhicule en cas de rupture du contrat de travail, et particulièrement en cas de démission. En effet, là où les juridictions étrangères, notamment la Cour de cassation française, annulent les clauses automatiques de rachat, les juridictions luxembourgeoises valident quant à elles la rédaction de ces clauses en considérant qu’elles ne restreignent pas le droit fondamental à mettre fin unilatéralement à son contrat de travail[5].

  • Le rachat du véhicule de société

Lorsque l’employeur revend un véhicule de fonction au salarié, que ce véhicule soit la propriété de l’entreprise ou qu’elle ait fait l’objet d’une location avec option d’achat, deux options sont à envisager. La première est celle dans laquelle la revente du véhicule s’effectue au prix du marché. Dans ce cas, la revente est opérée par un simple accord contractuel entre les parties qui n’est pas considéré comme un avantage en nature. La seconde option est celle dans laquelle le rachat s’effectue à un prix inférieur du marché. Dans cette hypothèse, cette vente constitue un avantage en nature imposable et est soumis aux cotisations de sécurité sociales.

En toute hypothèse, il est nécessaire de prendre position sur toutes les problématiques susceptibles d’être soulevées par la mise à disposition de matériel confié au salarié. Si la qualification donnée par les parties est un élément déterminant, il est important de garder à l’esprit que cette qualification dépendra principalement des éléments de faits entourant la mise à disposition : utilisation, entretien, assurance… Afin d’éviter d’éventuel conflit futur, il est nécessaire de clarifier au préalable l’ensemble des éléments susceptibles d’influencer la mise à disposition de matériel.

Etude Giabbani.

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[1] Article L. 221-1 du Code du travail

[2] Article L.121-4 (2) alinéa 7 du Code du travail

[3] Article L. 124-9 (1) alinéa 2 du Code du travail

[4] Article L. 121-6 (3) du Code du travail

[5] Cour d’appel, 8 juin 2010, n°35198 du

 

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