REGIME 3G : votre employeur peut-il vous priver de salaire ?
Le régime 3 G est entré en vigueur sur le lieu du travail le 15 janvier 2022.
Cette brève analyse nous amène à dire que la sanction pécuniaire prévue par la Loi Covid viole le principe de légalité des délits et des peines.
Rappel: tout salarié doit être en mesure de présenter sur son lieu de travail son certificat 3 G. L’employeur est en charge du contrôle.
Le salarié qui refuse ou est dans l’impossibilité de présenter l’un des certificats n’a pas le droit d’accéder à son lieu de travail.
Surtout, il perd le droit à la rémunération.
L’employeur peut-il licencier le salarié qui ne respecte pas la mesure 3 G?
Le principe
La non-présentation d’un certificat et l’absence au lieu de travail ne constituent pas un motif de licenciement ou de sanctions.
La résiliation du contrat de travail effectuée en violation du présent paragraphe est nulle et sans effet.
Le salarié peut demander au président de la juridiction du travail de constater la nullité du licenciement. Le délai est de 15 jours.
Ainsi, la perturbation du service en cas de l’absence prolongée de son salarié, n’est pas une cause de licenciement. Ce motif sera inopérant, puisque l’absence prolongée du salarié sera la conséquence directe de la non production du certificat.
L’exception
Il existe cependant un domaine qui échappera au contrôle du juge : le licenciement économique.
Toute absence prolongée a des conséquences sur la bonne marche d’une entreprise.
En effet, l’absence prolongée du salarié peut nécessiter des mesures d’adaptation en interne. L’employeur peut alors décidé de réorganiser son entreprise. Il n’existe pas d’obligation de maintenir le poste du salarié absent ni même l’obligation de lui assurer un poste équivalent à son retour. L’employeur peut licencier son salarié lorsque l’intérêt de l’entreprise économique de la société prime.
Tout sera ici question d’appréciation de la bonne foi de l’employeur. Il appartient au salarié de prouver la mauvaise foi.
Principe du non-paiement de la rémunération
Le paiement de salaire est un élément essentiel du contrat de travail
Par principe, le salaire est la contrepartie dont bénéficie le salarié en échange de son travail. Il s’agit donc d’un élément essentiel du contrat de travail sans lequel le contrat est vidé de substance.
Selon le droit commun, le non-paiement d’une ou de plusieurs mensualités de salaire est à considérer comme faute grave dans le chef de l’employeur. Dès lors, si le salarié n’est pas payé, il a en tout état de cause la possibilité de démissionner avec effet immédiat et de réclamer des indemnités conséquentes.
Ce n’est que si le salarié ne se présente pas au travail sans justificatif que l’employeur est en droit de ne pas lui payer sons salaire.
Une sanction pécuniaire illégale ?
Le non-paiement de salaire est une sanction pécuniaire. Cette sanction existe et est admise en droit luxembourgeois avec de grandes réserves.
Il est admis qu’un employeur cesse de rémunérer un salarié qui ne se présente pas au travail sans justificatif.
Dans l’hypothèse qui nous intéresse, on assiste à un véritable renversement de ce principe.
En effet, le salarié s’est montré disponible auprès de son employeur et le non-paiement de salaire résulte du renvoi du salarié chez lui pour ne pas avoir montré un certificat valable.
Cette mesure de non-continuation du salaire nous semble disproportionnée et viole le principe de légalité des délits et des peines.
Le principe de légalité des peines ne concerne pas seulement les peines appliquées par les juridictions répressives mais s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une punition.
En vertu de ce principe, l’intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à la faute (article 49 , EU Charter of Fundamental Rights).
Elle est à notre sens disproportionnée par sa systématisation et son automaticité sans jamais laisser le soin à un employeur de juger de son caractère légitime. L’employeur perd sur ce volet son pouvoir de direction et de contrôle par le jeu d’une immixtion abusive de l’Etat dans les rapports contractuels entre parties.
La protection contre le licenciement est une sanction qui ne dit pas son nom
Compte tenu des développements qui précèdent, LA PROTECTION CONTRE LE LICENCIEMENT EST UN CADEAU EMPOISONNE et apparaît en réalité comme une deuxième sanction après avoir renvoyé le salarié chez lui sans solde.
Il vaut mieux en effet être licencié en pareille circonstance et percevoir des indemnités de chômage que de rester à la maison sans salaire. Cela est d’autant plus vrai si la loi est reconduite.
De plus, cette mesure favorise légalement les risques psychosociaux graves. Parmi eux le harcèlement. L‘humiliation pour le salarié consigné est évidente.
A ce propos, les juges répriment sévèrement les employeurs qui mettent à pied leurs salariés pendant une longe période sans autre sanction. Ce procédé est assimilé à une forme de harcèlement moral.
La fausse bonne idée de la production de certificats médicaux
La non-présentation de certificat n’est pas une cause de maladie. Le certificat médical est inopérant.
Attention, l’employeur peut contrôler la véracité du certificat de maladie en procédant à un contrôle administratif à sa demande. Il peut aussi convoquer le salarié chez un médecin de son choix. Il procède alors à une contre-visite. Cette possibilité chez l’employeur doit cependant suivre plusieurs règles dégagées par la jurisprudence.
La prudence est donc de mise.
NB: cette analyse se veut complémentaire de celle faite par mes confrères.
David GIABBANI.