Sanction disciplinaire et principe de légalité des délits et des peines

La Cour retient en premier lieu que contrairement à l’affirmation de l’intimée, le principe de légalité des peines s’applique également aux peines disciplinaires.

En effet, il se dégage de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle luxembourgeoise (arrêts 23/04 et 24/04 du 3 décembre 2004), rejoignant la jurisprudence du Conseil constitutionnel français, que le principe de légalité des peines ne concerne pas seulement les peines appliquées par les juridictions
répressives mais s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une punition même si le législateur a cru devoir laisser le soin de la prononcer à une autorité non judiciaire (cf. Conseil constitutionnel, décision n° 82-155 du 30 décembre 1982).

Il se dégage encore de la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle que les peines disciplinaires prononcées par l’employeur doivent avoir leur fondement dans la loi et doivent obéir au principe de légalité des peines.

Il est vrai que les seules sanctions disciplinaires expressément prévues par le Code du travail sont le licenciement avec préavis et le licenciement avec effet immédiat.

Dans son arrêt du 2 juillet 2015, la Cour de cassation a néanmoins retenu que les articles L.121-3 et L.162-12, paragraphe 6, du Code du travail autorisent les parties au contrat de travail, respectivement à la convention collective, à déroger à ces dispositions dans un sens plus favorable au salarié.

La Cour de cassation a encore retenu que la sanction disciplinaire consistant en un reclassement temporaire dans une carrière inférieure pour une durée de 12 mois, ensemble la diminution de salaire qu’elle comporte, est moins lourde que la sanction du licenciement et est dès lors plus favorable au salarié.

Il en suit que la sanction disciplinaire de la rétrogradation temporaire, tout en n’étant pas expressément prévue par la loi au sens formel, a quand-même son fondement dans la loi du moment qu’elle a été prévue à la convention collective des ouvriers de la commune de B.

Il est dès lors surabondant de saisir la Cour constitutionnelle.

Pour pouvoir s’appliquer valablement, la sanction doit néanmoins obéir à toutes les facettes du principe de légalité des peines qui implique, entre autres, que la peine disciplinaire soit déterminée de façon à permettre à l’intéressé de prédire, avec un degré suffisant de certitude, la nature et le degré de la sanction susceptible d’être infligée.

Ainsi, même si le droit disciplinaire tolère, dans l’établissement des peines à encourir, une certaine marge d’appréciation à l’autorité qui prononce la sanction, les critères de la peine doivent permettre à la personne concernée de prévoir avec une sûreté suffisante l’importance de la peine qu’elle risque d’encourir en cas de manquement avéré.

Suivant l’article 39, points 1 et 2, de la convention collective applicable aux ouvriers de la commune de B versée par l’intimée, l’ouvrier, qui ne remplit pas consciencieusement ses devoirs et obligations, peut subir une sanction fixée en fonction de la gravité des faits.

L’article 39 point 3 de la convention litigieuse prévoit six sanctions, à savoir :
1) Verwarnung durch den Schöffenrat ;
2) Tadel durch den Schöffenrat;
3) Festsetzung einer Geldstrafe in Höhe eines Zehntels des Normallohns;
4) Zeitweilige Verweigerung des Aufsteigens im Lohn;
5) Zeitweilige Einstufung in eine niedrigere Lohngruppe;
6) Ausserordentliche Kündigung gemäss den gesetzlichen Bestimmungen.

Si les parties à la convention ont encore retenu spécialement l’absence du salarié sans autorisation de l’employeur comme comportement fautif au point 1 de l’article 39 de la convention collective et que quatre absences non autorisées du poste de travail au courant de douze mois peuvent entraîner un licenciement, la Cour constate que le libellé de la sanction en cause, à savoir la sanction de « rétrogradation temporaire dans une classe de rémunération inférieure », prévue au point 5, est trop vague et imprécis pour permettre à un salarié de prévoir la sévérité de la sanction susceptible de lui être infligée.

En effet, le libellé de la sanction de rétrogradation ne précise pas les critères déterminants du choix de la catégorie salariale dans laquelle la personne concernée risque d’être placée. Le texte ne prévoit pas non plus de limite inférieure de la rétrogradation alors que pourtant l’influence sur le salaire peut sensiblement varier en fonction de la catégorie dans laquelle un salarié est effectivement rétrogradé.

Aucune référence n’est par ailleurs faite quant à la durée ou au moins à la durée maximale de la sanction temporaire pouvant être prononcée.

Dans ces conditions, le caractère évaluable de la sanction de la rétrogradation n’est pas donné et la formulation ne remplit pas les exigences de précision du principe de légalité des peines.

Il en suit que la demande de A tendant à l’annulation de la sanction du 24 mai 2011 lui infligée est, par réformation du jugement du 11 novembre 2011, à déclarer fondée. (C.S.J., 12/10/2017, 38055).

 

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