Vol en entreprise commis par un délégué
Par une note de service intitulée «Vol de Matériel, de Ferraille et de Cuivre », l’ensemble du personnel fut informé le 30 mai 2012 que « nous avons une forte suspicion que des déchets contenant des résidus de produits précieux tels que le cuivre, ne restent pas dans la propriété de SOC2.) et ne sont pas revendus moyennant une note de crédit, mais que ces déchets sont directement éliminés par les salariés avec un grand avantage pour leur propre gain personnel » et fut averti qu’il lui « est strictement interdit de récupérer des déchets, plus précisément des déchets de valeur ou des restes de câble » et « qu’il s’agit de vol ».
Un rappel de cette note de service fut diffusé au personnel de l’entreprise en date du 10 octobre 2013, cette note mentionnant qu’ « il est strictement interdit de vendre ce matériel ou ces métaux pour un compte autre que celui de SOC2.). Ceci sera considéré comme un vol ».
Dans son attestation testimoniale du 1er avril 2014, C.), responsable des ressources humaines, déclare avoir été informée lors d’un entretien en date du 26 novembre 2013 avec D.), chef de chantier, que A.) détiendrait et gérerait une caisse noire alimentée principalement par des ventes de cuivre (chutes de cuivre ou mêmes bobines neuves) émanant des chantiers sous sa responsabilité.
Le constat d’huissier dressé en date du 5 décembre 2013 mentionne qu’on a détecté dans le tiroir du bureau de l’appelant une caisse rouge fermée à clef contenant une somme de 2.907,74 € ainsi qu’un certain nombre de factures relatives à la vente de cuivre. D’autres factures concernant la vente de cuivre ont été trouvées dans un autre tiroir de son bureau, de même que des quittances signées établissant que des montants substantiels (500 €, voire 600 €) ont été payés à des personnes privées.
L’implication de A.) dans le trafic de cuivre est établie par les attestations testimoniales produites par l’employeur, qui sont régulières en la forme, et qui énoncent notamment ce qui suit:
« A.) envoyait des gens vendre le cuivre au Luxembourg. E.) est venu me voir pour me dire qu’il était pas d’accord que A.) lui a demandé de vendre le cuivre, il a ramené une enveloppe de 3.000 € en liquide. Il l’a fait une fois parce qu’il n’avait pas le choix. J’ai aussi vendu du câble du chantier SOC3.) juin 2013 et j’ai ramené une enveloppe de 800 € à A.)….Je l’ai vu mettre les 800 € dans une enveloppe dans son tiroir de son bureau » (attestation de Monsieur D.)).
« Je sais qu’il y a du trafic de métaux. A l’époque où je travaillais pour Monsieur A.), il y a 5 ou 6 ans, quand je suis passé conducteur de travaux, A.) demandait de faire le tour des chantiers et de dire aux gars de chantiers de vendre les déchets de cuivre, de récupérer les enveloppes et de lui redonner. C’était de l’argent liquide, l’argent servait à dépanner les gars en galère (avances sur salaire et achat de micro-ondes et cafetière)……En ce qui concerne la revente de métaux, je passais 1 fois par semaine sur chantier et redonnais les enveloppes à A.), celle-ci contenait entre 600 € et voir plus de 1.000 €. J’ai fait ça pendant quelques mois. Après je suis parti sur le chantier de Beaulieu. A.) appelait cet argent la « caisse noire » (attestation de F.)).
« Je sais que les chefs d’équipe vendaient les chutes de cuivre des chantiers et donnaient l’argent liquide à A.). J’ai aussi rapporté des sacs de chute de cuivre environ 3 ou 4 sacs par quinzaine, chaque sac pour environ 35 kg » (attestation de G.)).
« Pour le cuivre, on laissait la moitié des sacs à A.) à sa demande. Apparemment A.) avait une enveloppe avec des billets. Il parait qu’il allait acheter des polaires avec cet argent, mais on ne les a jamais vus. On vendait nous-même le cuivre et on payait le gîte. Il y avait beaucoup de liquide qui circulait. Après comme en France, on ne recevait plus de liquide en vendant du cuivre, il a demandé à ce qu’on ramène les sacs à Luxembourg » (attestation de H.)).
« J’ai commencé dans la société comme ouvrier, les chefs d’équipe vendaient les chutes de vieux cuivre et donnaient l’argent à Monsieur A.) et à Monsieur I.). J’ai vendu aussi du vieux cuivre à des ferrailleurs autour des chantiers. A.) et M. I.) nous disaient de garder un peu d’argent liquide pour nous et de leur donner le reste….. » (attestation de J.)).
« Pour ce qui est des chutes de cuivre, je pense que tous les sacs remontaient à Foetz. Le cuivre était vendu et les factures et l’argent étaient placés dans une boîte dans le bureau de A.)» (attestation de K.)).
« A.) m’a raconté que souvent les gens stockent les sacs de cuivre derrière les bungalows de chantier. Il a essayé de freiner le personnel. Il leur demande de ramener le cuivre et avec l’argent du cuivre, il m’a dit qu’il a acheté du matériel aux gars : des machines à café et un micro-onde notamment » (attestation de L.)).
« A.) nous disait de faire 50/50 pour le cuivre. On gardait la moitié des sacs pour nous et on remontait l’autre moitié au dépôt à Foetz. Je n’ai jamais su ce qu’il faisait avec l’argent. Il nous avait promis des gilets etc….Je ne comprends pas car on recevait des polaires de la direction….On n’a jamais rien vu » (attestation de M.)).
N.) déclare dans son attestation testimoniale du 29 avril 2014 ce qui suit: « Ich trage die Verantwortung der internen Buchhaltung der Firma SOC2.) SARL seit Mai 2009. Ich kann bestätigen, dass seitens Herrn A.) oder einem seiner Mitarbeiter, nie Zahlungseingänge gekommen sind, bezüglich oder insbesondere von Kupferabfällen, herrührend von Baustellen, die Herr A.) geleitet hat. Seit dem Verlassen der Firma des Herrn A.) werden die Kupferabfälle auf den Baustellen, die Herr A.) geleitet hat, durch Herrn L.), unseren Lagerverwalter, verwaltet. Seither hat SOC2.) SARL regelmäβig Zahlungseingänge über den Bankweg aus Kupferverkäufen verzeichnet“.
Ces attestations testimoniales, ensemble avec les factures et l’argent liquide retrouvés dans le bureau de A.), démontrent que celui-ci a organisé un important trafic de vente de cuivre au détriment de son employeur, qu’il détenait et gérait la caisse y relative et qu’il s’enrichissait personnellement.
L’affirmation de l’appelant que la direction aurait eu connaissance du trafic de cuivre et aurait toléré cette pratique ne résulte pas, tel que l’a retenu à juste titre le tribunal du travail, des éléments du dossier. D’une part les attestations produites par le salarié et concernant Madame O.), Messieurs P.), Q.), R.), S.) et T.) n’ont pas trait au grief de trafic de cuivre et, d’autre part, les attestations établies par U.) et Messieurs V.), W.), X.), Y.), Z.) et ZZ.) sont trop vagues, aucune précision n’étant donnée quant à des faits précis desquels la Cour pourrait déduire que l’employeur aurait eu connaissance et aurait autorisé ledit trafic.
La remarque contenue dans le formulaire d’entretien d’appréciation de A.) du 25 octobre 2012 sous le paragraphe « Quels sont les comportements professionnels de votre collaborateur que vous souhaitez voir évoluer ? », à savoir « Arrêter le « business » interdit et inacceptable du cuivre…», si elle prouve que l’employeur était au courant de l’existence d’un trafic de vente de cuivre dans le département Poste II/EA dont A.) était le responsable, n’établit pas que l’employeur disposait effectivement à l’époque déjà de preuves suffisantes de l’implication personnelle de A.) dans ce trafic.
A cela s’ajoute que l’employeur a réitéré par la diffusion de la note de service du 10 octobre 2013 son interdiction formelle de vendre des métaux lui appartenant pour un compte autre que celui de l’entreprise et que les documents saisis dans le bureau de A.) démontrent que le salarié a continué le trafic de vente de cuivre après cette date.
Force est de constater que l’offre de preuve de A.) n’indique pas l’identité de la ou des personnes de la direction qui aurait/aient autorisé la vente des métaux laissés sur les chantiers afin de financer notamment des repas et fêtes de fin d’année, ni quelle(s) étai(en)t la ou les personnes de la direction qui aurai(en)t eu connaissance de ces pratiques et les aurai(en)t cautionnées. Elle ne précise pas quand cette autorisation aurait été donnée, ni quand des réunions auraient eu lieu entre les chefs de chantier et la direction pendant lesquelles le sujet de l’emploi des fonds était discuté, ni quelles auraient été les décisions prises lors de ces réunions.
Il résulte encore clairement tant de la remarque contenue dans le formulaire d’appréciation du 25 octobre 2012 que des notes de service des 30 mai 2012 et 10 octobre 2013 que l’employeur n’a pas toléré un tel trafic.
L’offre de preuve de A.) est partant à écarter pour défaut de pertinence et pour être contredite par les autres éléments du dossier.
Il suit des développements qui précèdent qu’il est établi que A.) a organisé un trafic de vente de cuivre au détriment de son employeur. Il n’est par contre pas prouvé que l’employeur ait eu connaissance de l’implication personnelle de A.) dans ce trafic avant d’en avoir été informé par D.) lors d’un entretien que celui-ci a eu avec la responsable des Ressources Humaines en date du 26 novembre 2013.
C’est dès lors à bon droit et pour des motifs que la Cour adopte que le tribunal du travail a retenu que le grief a été invoqué par l’employeur dans le mois à partir de la connaissance des faits et que l’employeur a à suffisance rapporté la preuve d’une faute grave commise par A.).
A l’instar de la juridiction de première instance, la Cour retient que, sans qu’il y ait lieu d’analyser les autres faits reprochés à A.), la demande en résolution judiciaire du contrat de travail conclu entre parties avec effet au 5 décembre 2013 pour faute grave est dès lors justifiée. L’appel interjeté par A.) n’est pas fondé.
Le jugement du tribunal du travail du 14 octobre 2014 est partant à confirmer. (C.S.J., 09/06/2016, arrêt 85/16, 41859).