Vol domestique – plainte pénale – surséance à statuer (non) – licenciement abusif (oui)
La Cour rappelle que l’énoncé de la lettre de licenciement doit être suffisamment précis, non seulement pour permettre le contrôle par les juges des motifs invoqués, mais encore pour permettre au salarié de vérifier leur bien-fondé et de rapporter le cas échéant, la preuve de leur fausseté. (…). Compte tenu du caractère imprécis du prédit motif du licenciement, il n’y a dès lors pas lieu de surseoir à statuer en attendant le résultat de la plainte pénale déposée le 2 octobre 2017 contre A du chef de vol domestique.
A l’appui de son appel, la société S1 fait valoir qu’il s’est avéré, après vérification des données de l’ordinateur de bord du véhicule conduit par A, que les quantités de carburant indiquées sur sa fiche du mois de décembre 2015 n’étaient pas compatibles avec les données du prédit ordinateur ; que les différences relevées entre les informations transmises par A et les données certaines de l’ordinateur de bord du véhicule ont été constatées les mêmes jours pendant lesquels A a fait un détour avec le camion de la société à son domicile au lieu de se rendre directement à la destination de livraison ; que le but de ces détours était de vider le réservoir du
camion à son domicile, après l’avoir dûment rempli de gasoil aux frais de son employeur ; que par ailleurs A s’était vanté auprès d’autres chauffeurs de la société S1 de voler du gasoil.
Soutenant encore qu’elle a déposé le 2 octobre 2017, une plainte avec constitution de partie civile auprès du juge d’instruction de Luxembourg contre A du chef d’infraction de vol domestique sur base de l’article 464 du Code pénal, la société S1 demande actuellement à la Cour de surseoir à statuer en attendant l’issue la prédite procédure pénale en cours.
A s’oppose à la demande en surséance et demande à voir appliquer les règles issues du droit de travail en ce qui concerne la précision, la réalité et le gravité du motif relatif au vol de gasoil.
Il fait grief aux premiers juges d’avoir considéré que ce point de la lettre de motivation était suffisamment précis, alors que l’employeur n’indique aucune soustraction de gasoil à son préjudice et ne fait état que d’une « surconsommation » ; que la lettre de licenciement omet d’indiquer les circonstances de temps et de lieu entourant le prétendu vol de gasoil, qu’elle n’indique pas non plus comment ce vol a eu lieu et quelle est la personne qui aurait constaté ce vol ; que le fait d’indiquer une « surconsommation » pour supputer un
vol ne saurait être considéré comme un motif précis et qu’il ne saurait être permis à l’employeur de fournir après l’envoi de la lettre de licenciement de plus amples détails à l’appui du supposé vol ; que l’offre de preuve ne tendrait pas non plus à prouver le fait de siphonage du gasoil du réservoir au domicile du concluant et que l’employeur ne saurait suppléer à sa carence par le dépôt d’une plainte pénale pour établir une faute grave justifiant un licenciement.
La Cour rappelle que l’énoncé de la lettre de licenciement doit être suffisamment précis, non seulement pour permettre le contrôle par les juges des motifs invoqués, mais encore pour permettre au salarié de vérifier leur bien-fondé et de rapporter le cas échéant, la preuve de leur fausseté.
Dans la lettre de licenciement, la société S1 indique sous le point intitulé « vol de gazole », les éléments suivants :
« Sur la période du 1er au 5 décembre, nous constatons une consommation de gazole de 44,46 litres/1000 kilomètres, alors que l’ordinateur du camion, n’affiche que 36,5 litres/100 kilomètres, soit une surconsommation de 7,96 litres/100 kilomètres».
Force est de constater que la lettre de licenciement n’indique pas d’éléments concrets permettant à l’employeur de conclure à une consommation réelle inférieure à la consommation relevée sur les fiches de gasoil remplies par le salarié et que la « surconsommation » ne pouvait s’expliquer que par des manoeuvres frauduleuses de ce dernier, aucune indication n’étant fournie quant à son prétendu mode opératoire.
Aucune précision n’est non plus fournie quant aux chiffres sur lesquels l’employeur s’est basé pour opérer une comparaison entre la quantité de gasoil utilisée résultant des fiches remplies par le salarié et les données de l’ordinateur de bord du camion pour les jours en question. Dans ces circonstances, une preuve contraire des faits reprochés à A ne s’avère guère possible.
Il ne saurait être permis à la société S1 de remédier à l’absence de précision originaire de la lettre de licenciement en apportant des précisions supplémentaires dans l’acte d’appel en rapport avec le prétendu mode opératoire reproché au salarié, en l’occurrence d’avoir procédé à un siphonage du gasoil à son domicile, manœuvres qui ne sont par ailleurs pas non plus précisées dans l’offre de preuve en instance d’appel.
Compte tenu du caractère imprécis du prédit motif du licenciement, il n’y a dès lors pas lieu de surseoir à statuer en attendant le résultat de la plainte pénale déposée le 2 octobre 2017 contre A du chef de vol domestique.
Il résulte des développements qui précèdent qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, en ce que le tribunal de première instance est venu à la conclusion, bien que partiellement pour d’autres motifs, que le licenciement du 8 décembre 2014 était abusif. (C.S.J., 26/04/2018, 44671).