Travailler dans un pays avec un contrat dont le droit découle d’un autre Etat.
Interprétation de l’Article 6 § 2 de la convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles.
Principe de la loi applicable à un contrat de travail.
Par principe la loi applicable à un contrat de travail est fonction du lieu d’exécution du travail du salarié.
Ainsi, un salarié travaillant en France se verra appliquer le droit français, un salarié travaillant au Luxembourg se verra appliquer le droit luxembourgeois.
Est-il possible d’en décider autrement ?
Lorsque rien n’a été prévu entre l’employeur et le salarié, le contrat de travail est régi par les règles de principe. Il est donc régi par la loi du pays où le salarié accomplit habituellement son travail.
Il est toutefois possible de déterminer le droit applicable au contrat de travail en application de l’article 6, § 2 de la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux contrats, permet à l’employeur et au salarié de décider contractuellement quelle loi s’applique au contrat de travail.
La Cour de justice de l’Union Européenne considère d’ailleurs que les juges doivent tenir compte de l’ensemble des éléments qui caractérisent la relation de travail et apprécier ceux qui sont les plus significatifs pour déterminer quelle loi s’applique au contrat. Ils doivent, pour cela, partir du postulat que le critère du lieu d’accomplissement habituel du travail prime, sauf si le contrat est relié de façon plus étroite à un autre Etat (CJUE 12 septembre 2013, aff. C-64/12). Il est donc admis que les stipulations prévues au contrat de travail puissent être écartées par le juge au profit des conditions d’exécution du contrat de travail et des liens étroits qui peuvent exister avec un autre Etat.
En cas de doute, comment interpréter les choses, notamment lorsqu’un salarié a un contrat de travail qui ne prévoit pas la loi applicable ?
La décision rendue par la Haute juridiction Française le 13 octobre 2016, nous donne quelques pistes qui peuvent trouver application au Luxembourg.
Dans cette affaire, un salarié travaillait habituellement en Inde. Saisie au fond, la cour d’appel avait décidé que le contrat de travail relevait du droit Français en raison d’une étroitesse de liens plus importante avec la France. En effet, le salarié travaillait pour une association dont l’objet était de dispenser une instruction en français ; son mode de fonctionnement lui imposait l’homologation de l’établissement par le ministère de l’éducation nationale ; la nomination du chef d’établissement était assurée par l’agence pour l’enseignement français à l’étranger ; et de nombreux collègues exerçaient les mêmes fonctions que la salariée sous le régime des expatriés (donc sous contrat de droit français).
Face au pourvoi, les hauts magistrats ont commencés par rappeler qu’au regard de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, à défaut de choix d’une loi exercée par les parties, le contrat de travail est régi par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat de travail, accomplit habituellement son travail, à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.
Ils soulignent ensuite que selon l’arrêt du 12 septembre 2013 (CJUE, Schlecker, aff. C-64/12), la Cour de justice de l’Union européenne a jugé qu’il appartient à la juridiction de renvoi de procéder à la détermination de la loi applicable au contrat en se référant aux critères de rattachement de l’article 6 et en particulier au critère du lieu d’accomplissement habituel du travail.
Ils rappellent enfin que, lorsqu’un contrat est relié de façon plus étroite à un État autre que celui de l’accomplissement habituel du travail, il convient d’écarter la loi de l’État d’accomplissement du travail et d’appliquer celle de cet autre État.
De fait, la juridiction de renvoi doit tenir compte de l’ensemble des éléments qui caractérisent la relation de travail et apprécier celui ou ceux qui, selon elle, sont les plus significatifs.
Le juge est donc appelé à statuer sur un cas concret et ne peut automatiquement déduire que la règle énoncée à l’article 6, paragraphe 2 de la convention de Rome doit être écartée du seul fait que, par leur nombre, les autres circonstances pertinentes, en dehors du lieu de travail effectif, désignent un autre pays.
Dans le cas d’espèce, au visa de l’article 6 § 2 de la convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, la Cour de cassation a censuré la cour d’appel au motif que ce salarié a été embauché directement en Inde ; qu’il accomplissait exclusivement son travail à Delhi ; que si les contrats étaient rédigés en langue française ou anglaise, ils contenaient des références à la monnaie locale ; que les bulletins de paie étaient établis à Delhi en roupies ou en euros ; et que le salarié en question ne démontrait pas payer ses impôts en France.
Suite à cette décision de cassation, la cour d’appel saisie pour rejuger l’affaire devrait décider que la loi applicable sera indienne.
Cass. soc. 13 octobre 2016, n° 15-16872 FSPB.