Transfert d’entreprise et reprise immédiate des contrats
Tandis que A fait grief aux premiers juges de s’être prononcés sur son licenciement alors que, d’une part, la société B n’aurait à aucun moment exprimé de refus de lui assigner de travail et que, d’autre part, il n’aurait pas été fait application du bénéfice de la réintégration, la société B critique le jugement entrepris en ce que les premiers juges ont considéré que le contrat de travail de A en ce qui concerne les activités de nettoyage des parties communes sur le chantier « D » lui a été transféré avec effet au 1er janvier 2013.
Il y a dès lors lieu dans un premier temps d’examiner s’il y a eu transfert du contrat de travail de A.
Au soutien de son appel incident, la société B fait valoir que dans le cadre du chantier « D », la société F avait retenu son offre concernant le nettoyage de parties communes, tandis qu’elle avait confié le nettoyage des parties privatives à la société C laquelle avait conservé l’intégralité du matériel préalablement utilisé pour nettoyer l’ensemble des différentes parties du chantier ; que du fait de la division en deux du chantier initial et du fait que la société C conservait l’ensemble des moyens matériels destinés au nettoyage du chantier, elle avait raisonnablement pu croire que les salariées, y affectées totalement ou partiellement, seraient réparties entre les deux entreprises en fonction de leurs précédentes affectations.
A, de son côté, fait valoir que le transfert d’entreprise entre les parties C et B concernant le chantier « D » ne saurait en tout état de cause s’analyser en sa défaveur, alors qu’elle avait dès le début exprimé vouloir continuer à occuper son poste de travail et que cette volonté impliquait qu’elle désirait faire usage de son droit à réintégration.
La Cour entend pour l’exposé des faits se référer à la relation détaillée faite par les premiers juges.
C’est à juste titre et pour les motifs que la Cour adopte que les premiers juges ont, sur base des pièces et en application de l’article L.127-2 du code du travail et de l’article 5 de la Convention collective de travail pour le personnel du secteur « nettoyage de bâtiments » relatif au transfert d’entreprise en matière de contrats d’entretien, retenu que les conditions d’un transfert d’entreprise consistant dans le maintien d’un ensemble de moyens de production et la poursuite d’une activité identique ou similaire étaient remplies, ce alors même que le contrat d’entretien qui avait préalablement existé entre la société D Luxembourg et la société C avait encore comporté d’autres activités que le nettoyage des parties communes et que la société C avait conservé l’intégralité du matériel utilisé pour nettoyer l’ensemble des différentes parties du chantier.
C’est encore à bon droit que les premiers juges ont relevé, au vu de l’attestation testimoniale de E, qu’il était établi que A était exclusivement affectée au nettoyage et à l’entretien des parties communes du lundi au vendredi de 13 heures à 17 heures, soit pour une durée de 4 heures par jour, pour en déduire que l’activité de A faisait partie de l’activité transférée de nettoyage des parties communes, nonobstant le fait qu’il ne s’agissait que de 20 heures par semaine.
La société B fait encore valoir qu’après avoir reçu le courrier de la société C le 3 janvier 2014, elle avait demandé des précisions, mais que les documents qui lui avaient été adressés par la société C au cours du mois de janvier 2013 n’auraient pas permis ni de prouver que les salariées mentionnées par la société C travaillaient effectivement sur le chantier, ni de distinguer les salariées qui travaillaient sur les parties privatives de celles qui travaillaient sur les parties communes.
Aux termes de l’article L.127-3(2), le cédant doit notifier en temps utile au cessionnaire tous les droits et obligations qui lui sont transférés (…), dans la mesure où ces droits et obligations sont connus ou devraient être connus du cédant au moment du transfert (…). Le fait que le cédant omet de notifier au cessionnaire l’un ou l’autre de ces droits ou obligations n’a pas d’incidence sur le transfert de ce droit ou de cette obligation ni sur les droits des salariés à l’encontre du cessionnaire ou du cédant en ce qui concerne ce droit ou cette obligation.
Il en découle qu’une notification tardive voire incomplète des documents relatifs aux contrats de travail transférés ne saurait retarder le transfert des droits et obligations qui est automatique et de plein droit. Il s’impose aux salariés, à l’ancien employeur et au nouvel employeur, dans la situation juridique telle qu’elle se présente au jour du transfert.
Il résulte d’un courrier du 3 janvier 2013 que la société C avait notifié à la société B « la liste du personnel à reprendre à compter du 1er janvier 2013 », ainsi qu’« une copie des avenants et du contrat de travail des personnes concernées, les données personnelles, fiche de retenue d’impôt 2012, les feuilles de congés 2013 validés ainsi que les trois dernières fiches de salaires ». Il n’est pas contesté que parmi les salariées en cause figurait A.
Il en découle que la société B qui avait été, bien que tardivement, informée de la liste des salariées concernés par le transfert, ne pouvait dès lors pas s’y opposer sous prétexte qu’elle avait des doutes sur la question de savoir si les salariées faisant l’objet du transfert travaillaient effectivement sur le chantier « D », respectivement si elles travaillaient sur les parties communes de ce chantier et devaient être intégrées dans ses effectifs.
A, de son côté, critique le jugement entrepris en qu’il a prononcé la résiliation du contrat de travail pour cause de licenciement. Elle dit qu’elle a, de bonne foi, mis à disposition sa force de travail, tant à l’égard de son ancien employeur, que de son nouvel employeur et que son nouvel employeur n’a, par ailleurs, jamais « refusé » de lui assigner du travail, mais qu’il aurait uniquement pensé qu’il n’était pas lié par un contrat de travail envers elle, de sorte il ne devait pas lui assigner un travail.
L’appelante demande dès lors de déclarer fondées ses demandes tendant à sa réintégration et au paiement d’arriérés de salaires du 1er janvier 2013 au jour de l’acte d’appel.
La société B s’y oppose au motif qu’en première instance, A n’avait pas formulé de demande fondée sur le licenciement du 2 janvier 2013; dès lors, en formulant une demande relative au licenciement pour la première fois en appel, A aurait formulé une demande nouvelle.
A résiste aux motifs que le fait de réfuter le raisonnement des premiers juges quant au licenciement ne constitue pas une demande nouvelle et que la réintégration ne constitue qu’une demande complémentaire, sinon accessoire à la demande principale tendant à la reconnaissance du transfert d’entreprise, à fortiori donc au maintien de son emploi et subséquemment au paiement d’arriérés de salaires. Le lien étroit et inamovible entre ces demandes entre elles serait évident.
En ordre subsidiaire, l’intimée conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il n’a jamais été dans l’intention de B d’intégrer l’appelante au sein de son personnel que ce soit sur le chantier précité ou sur un autre site.
La Cour relève d’abord qu’en critiquant le jugement entrepris en ce que les premiers juges ont constaté un licenciement, l’appelante n’a pas formulé de demande nouvelle, mais a formulé un moyen d’appel sur un point qui lui a causé grief.
Le moyen n’est cependant pas fondé.
A l’instar des premiers juges, la Cour constate qu’en déniant tout accès à son lieu de travail à A qui, dès le 2 janvier 2013 s’était présentée sur le chantier « D », la société B a résilié fautivement son contrat de travail.
C’est dès lors à juste titre que les premiers juges ont retenu qu’il s’agissait d’un licenciement oral avec effet immédiat.
En ce qui concerne la demande en réintégration, le moyen d’irrecevabilité est fondé.
En effet, si l’article L.124-12 (2) prévoit une possibilité pour le salarié de solliciter la réintégration dans l’entreprise à titre de réparation, force est de constater que A n’a pas présenté en première instance une demande en réintégration fondée sur un licenciement abusif. Sa demande formulée pour la première fois en instance d’appel constitue dès lors une demande nouvelle par sa cause.
Eu égard à la décision de confirmation à intervenir quant au licenciement abusif du 2 janvier 2013, c’est encore à bon droit et pour les motifs que la Cour adopte que les premiers juges ont retenu que la demande en paiement de salaires n’était fondée que pour les journées des 1er et 2 janvier 2013, soit pour le montant de 72,67 euros.
Par ses conclusions du 20 août 2015, A demande la condamnation de la société B à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts au motif que la société B a commis une fraude à la loi, sinon un comportement frauduleux, sinon une entente frauduleuse.
La société B soulève encore l’irrecevabilité de cette demande formulée pour la première fois en instance d’appel pour être nouvelle.
S’agissant en l’espèce d’une demande présentée pour la première fois en instance d’appel qui repose sur une autre base juridique et qui ne répond pas aux critères posés par l’article 592 du NCPC, elle n’est dès lors pas recevable.
La société B conclut encore à la réformation du jugement en ce qu’elle a été condamnée à payer à A une indemnité de procédure de 500 euros.
Au vu de l’issue du litige en première instance, c’est à bon droit et pour les motifs que la Cour adopte que les premiers juges ont alloué à A une indemnité de procédure de 500 euros.
Chacune des deux parties succombant dans son appel respectif, leurs demandes respectives sur base de l’article 240 du NCPC et tendant à l’obtention d’une indemnité de procédure pour l’instance d’appel ne sont pas fondées. (C.S.J., 20/10/2016, 41831).