Télétravail – congé maladie – motifs nouveaux – reprise du travail

Quant à la détermination des griefs invoqués à l’encontre du salarié

Il convient de préciser au préalable que le salarié a été engagé par la société anonyme SOCIÉTÉ 2) suivant contrat de travail à durée indéterminée du 25 février 2008 en tant que cadre administratif.

Par avenant audit contrat de travail signé en date du 30 mars 2011, il a été convenu, suite à une mesure de reclassement interne, de diminuer la durée de travail à 20 heures par semaine et de fixer le lieu de travail à domicile dans le cadre d’un télétravail.

Le contrat de travail a été résilié avec effet immédiat par courrier recommandé du 10 avril 2017.

Selon l’article L.124-10 (3) du Code du travail, la lettre de licenciement doit énoncer avec précision le ou les faits reprochés au salarié et les circonstances qui sont de nature à leur attribuer le caractère d’un motif grave.

C’est à bon droit et pour des motifs que la Cour fait siens que la juridiction de première instance a retenu que l’employeur n’est pas autorisé à invoquer des motifs nouveaux par rapport à ceux indiqués dans la lettre de licenciement.

Dans ladite lettre, l’employeur énonce la situation du salarié qui était en congé de maladie suivant plusieurs certificats médicaux depuis le 21 novembre 2016 jusqu’au 31 janvier 2017. Ensuite, il relate que le salarié aurait en date du 10 février 2017 pris contact avec C) pour demander le nombre de jours de congé auxquels il avait encore droit et l’informer qu’à partir du mois de mars, il serait à nouveau en incapacité de travail. C) lui ayant écrit dans un courriel du même jour qu’il avait encore droit à 11 jours de congé, il aurait déclaré prendre congé du 13 au 27 février 2017. Du 1er au 31 mars 2017, il aurait été en congé de maladie. Depuis le lundi 3 avril 2017, il ne se serait plus présenté à son poste de travail sans fournir aucune justification quant à une telle absence. Cette absence de 6 jours ouvrables serait totalement injustifiée, puisque le médecin conseil du contrôle médical l’aurait déclaré capable de reprendre le travail à partir du 1er avril 2017. L’employeur reproche encore au salarié de ne pas avoir « repris l’exercice de ses fonctions » et de « l’avoir laissé sans nouvelle par rapport à la reprise de travail » et précise que « son attitude et son manque de prévoyance »envers son employeur sont totalement inadmissibles alors que « sa présence au travail et l’exécution de la prestation de travail conformément au contrat de travail conclu le 25 février 2008 et modifié par un avenant conclu le 30 mars 2011, constituent une obligation de résultat dans son chef ». Il ajoute que cette absence injustifiée de 6 jours ouvrables aurait gravement perturbé le fonctionnement et l’organisation de l’entreprise, et que ce comportement rendrait impossible le maintien des relations de travail alors qu’il ne pourrait plus compter sur sa collaboration pour garantir le fonctionnement normal de la société.

Il suit de ce qui précède que, contrairement à ce qu’ont retenu les juges de première instance, l’employeur a également reproché au salarié de ne pas avoir repris l’exercice de ses fonctions et de ne pas avoir exécuté son travail conformément à son contrat de travail et à l’avenant du 30 mars 2011, c’est-à- dire dans le cadre du télétravail.

Il n’y a cependant pas lieu de tenir compte des autres reproches dont l’employeur n’a fait état que plus tard dans ses conclusions, et notamment du fait que le salarié n’aurait jamais contacté son nouvel employeur afin de discuter de leur collaboration future, qu’il n’aurait pas repris son travail en date du 1 février 2017 et qu’il se serait trouvé en absence injustifiée jusqu’au 13 février 2017, qu’il aurait informé son employeur le 2 février 2017 que son congé de maladie n’avait pas été prolongé « pour des raisons indépendantes de sa volonté », et que malgré la réponse automatique du 2 février 2017 l’informant de l’absence de destinataire de son mail, il n’aurait pas pris la peine de contacter C) pour s’enquérir du travail à effectuer chez lui. De même, il n’y a pas lieu de tenir compte du reproche tiré de son activité professionnelle principale de « Senior Relationship Manager » de la Société Financière de (…), ni de la simple dépose sur le parking de l’entreprise du véhicule mis à sa disposition, ces faits ayant été découverts après le licenciement.

Quant au caractère réel et sérieux des motifs

Il résulte des pièces versées au dossier que du 9 septembre 2016 au 31 janvier 2017 et du 1er au 31 mars 2017, le salarié a été en incapacité pour cause de maladie suivant 7 certificats médicaux (d’une durée de 2 semaines ou un mois).

Par courriel du 2 février 2017, le salarié a informé son employeur que son arrêt de travail n’avait pas été reconduit et il lui a demandé de lui fournir du travail, qu’il pourrait effectuer à la maison, ainsi que son décompte-congés.

L’employeur lui a répondu par courriel du 6 février 2017 « Nous allons revenir vers toi asap avec D) et C) » et lui a fait part de son solde de congés jusqu’à fin janvier (9 jours).

Le 8 février 2017, l’employeur lui a envoyé par courriel son bulletin de salaire.

Le 10 février 2017, l’employeur a informé le salarié que son solde de congés fin février était de 11 jours et lui a transmis en pièce jointe un formulaire de demande de congé.

Le même jour, le salarié a informé l’employeur qu’il serait en congé du 13 au 27 février 2017 inclus.

Du 1er au 31 mars 2017, le salarié était en arrêt de maladie.

Par courrier du 27 mars 2017, l’employeur a été informé par la Caisse Nationale de Santé que le salarié avait été considéré comme capable de reprendre le travail à partir du 1er avril 2017 par le médecin-conseil du Contrôle médical de sécurité sociale.

Par courrier du 5 avril 2017, le salarié a demandé à l’employeur de lui envoyer sa fiche de salaire du mois de mars 2017.

Le certificat médical couvrant la période du 1er au 31 mars 2017 n’a pas été prolongé.

Il suit de ce qui précède qu’il incombait au salarié de reprendre le travail le lundi 3 avril 2017.

Au vu de l’avenant du 30 mars 2011 qui précise que « la durée de travail sera à temps partiel avec un minimum de 20 heures par semaine, réparties sur 5 jours ouvrables » que « les heures de travail quotidiennes seront adaptables » et que « le lieu de travail sera à domicile (télétravail) », l’employeur ne peut reprocher au salarié ni « de ne plus s’être présenté à son poste de travail », ni une « absence de 6 jours ouvrables injustifiée », ni soutenir que sa « présence au travail » constitue une « obligation de résultat » dans son chef.

Pour autant qu’il lui reproche de ne pas avoir repris « l’exercice de ses fonctions » et de l’avoir « laissé sans nouvelles par rapport à la reprise du travail » alors que « l’exécution de la prestation de travail conformément au contrat de travail conclu le 25 février 2008 et modifié par avenant conclu le 30 mars 2011 constitue une obligation de résultat », il y a lieu de dire que s’il incombait au salarié, au plus tard le 3 avril 2017, de se manifester auprès de l’employeur, par courriel ou par téléphone ou même en personne, afin de s’enquérir du travail à faire chez lui, rien n’empêchait l’employeur, qui n’avait plus reçu de certificat médical après le 31 mars 2017 et qui avait été informé par courrier de la Caisse Nationale de Santé du 27 mars 2017 que le salarié était apte à reprendre le travail à partir du 1er avril 2017, de lui fournir du travail à effectuer à la maison. Or, tel ne fut pas le cas. Force est d’ailleurs de constater que suite à la demande du salarié en date du 2 février 2017, l’employeur ne lui avait pas non plus transmis de travail à faire, bien que le salarié ait été à sa disposition jusqu’au 12 février 2017.

La Cour retient partant que l’attitude passive du salarié qui ne s’est pas manifesté auprès de l’employeur à la fin de son congé de maladie, n’est pas de nature, eu égard aux circonstances et au désintérêt manifeste de l’employeur, à constituer une faute grave dans son chef de nature à rendre immédiatement et irrémédiablement impossible la continuation des relations de travail et à justifier un licenciement avec effet immédiat.

L’offre de preuve présentée par l’employeur est à rejeter pour défaut de pertinence, alors que les faits offerts en preuve sont soit d’ores et déjà établis, soit ne figurent pas dans la lettre de licenciement et ne sont dès lors pas à prendre en considération.

Le jugement entrepris est partant à confirmer, quoiqu’en partie pour d’autres motifs, en ce qu’il a déclaré le licenciement avec effet immédiat du 10 avril 2017 abusif. (C.S.J. , 25/10/2020, Numéro CAL-2018-00421 du rôle.).