Résiliation d’un commun accord et transaction

Résiliation d’un commun accord et transaction

Il y a lieu de rappeler que, d’un point de vue juridique, la distinction entre résiliation amiable et transaction repose sur des textes légaux différents : la rupture amiable, encore appelé résiliation d’un commun accord de l’article L.124-13 du code du travail, trouve son fondement dans l’article 1134 du code civil, qui consacre le principe de la liberté contractuelle et ne fixe aucune restriction quant à son appréciation.

En revanche, dans la transaction régie par les articles 2044 et suivants du code civil, l’une des deux parties a pris l’initiative de la rupture.

Le juge qui n’est pas lié par la qualification juridique donnée par les parties à leur accord, doit rechercher la véritable nature de la convention en se fondant sur les éléments caractéristiques.

La convention litigeuse du 22 mars 2011, intitulée « Vereinbarung », se lit comme suit :

La Cour retient que les concepts de résiliation d’un commun accord et de transaction dans un même document ne sont pas exclusifs l’un de l’autre.

Il a en effet été décidé relativement à un accord comportant résiliation d’un commun accord de la relation de travail en vertu de l’article L.124-13 du code du travail et transaction sur certains droits des parties :

(…).

« Concernant le moyen de nullité basé sur ce que les relations de travail n’avaient pas pris fin lors de la rédaction de la transaction, c’est à tort que l’appelant invoque une prétendue spécificité de la matière du droit de travail pour conclure que la transaction ne peut être formalisée qu’après la rupture du contrat de travail, dès lors que pareille réserve ne résulte ni des articles 2044 et suivants du code civil ni de la loi sur le contrat de travail. Si l’appelant soutient qu’ « il est un fait que cet écrit a été signé à un moment où les parties étaient encore contractuellement liées », entendant par là que les relations de travail auraient encore existé à ce moment-là, il ne faut cependant pas perdre de vue que les parties, faisant usage de la faculté offerte par l’article 33 de la loi modifiée du 24 mai 1989 et dans le respect des formes y prévues, ont convenu de la résiliation d’un commun accord du contrat de travail les liant, rien ne les empêchant à cette occasion de transiger sur un différend les opposant et né au cours de leurs relations de travail. » (Cour d’appel 4 mai 2000 rôle n° 23354)

Tel que l’a partant à bon droit retenu la juridiction de première instance, il est loisible aux parties, dans le cadre d’une résiliation d’un commun accord du contrat de travail, de fixer les conditions de cette résiliation et de transiger sur leurs droits.

Suivant les dispositions de l’article L.124-13 du code du travail :

« Le contrat de travail conclu à durée déterminée ou sans détermination de durée peut être résilié par le commun accord de l’employeur et du salarié.

Sous peine de nullité, le commun accord doit être constaté par écrit en double exemplaire signé par l’employeur et le salarié. »

En l’espèce, outre le fait que les parties disposent elles-mêmes à l’article 2 de la convention du 22 mars 2011 que le contrat de travail les liant depuis le 12 juillet 2004 est résilié d’un commun accord et conformément à l’article L.124-13 du code du travail avec effet au 31 janvier 2012, il y a lieu de constater que les conditions de forme et de fond du prédit article du code du travail sont remplies pour qu’il y ait résiliation d’un commun accord valable des relations de travail. Il est dans ce contexte sans incidence de qui, de l’employeur ou du salarié, émane l’initiative de la résiliation.

Il échet partant, dans une deuxième étape, de vérifier si les conditions de la transaction sont données en l’espèce.

Pour prospérer dans la susdite vérification, il est cependant nécessaire de rappeler qu’une première convention intitulée « Ausscheidungsvereinbarung » a été signée entre les mêmes parties le 20 juillet 2010 au contenu sinon identique du moins similaire, sauf en ce qui concerne le montant de la « Abfindungzahlung » qui s’élevait à la somme de 370.000 euros, alors que celle fixée dans la convention du  22 mars 2011 est de 255.000 euros.

Concernant cette première convention, le témoin D entendu en première instance a déclaré, en sa qualité d’administrateur-délégué de B Luxembourg ce qui suit :

«  (…)

Ich habe dir erste Ausscheidungsvereinbarung Ende 2010 analysiert und fand nicht nur dass sir hoch war sondern dass sie die internen Prozeduren der Gruppe nicht respektierte. Herr C  und Herr A hätten eine Zustimmung in STUTTGART beantragen müssen und den disziplinarischen Vorgesetzten von Herrn A in Kenntnis setzen müssen. Ich habe mit Herr F, ehemaliger CFO der B LUXEMBURG, Ende 2010 darüber gesprochen und dieser sagte mir dass er sich bei dem Ganzen nicht wohl fühlte. Frau G, ehemalige HR Westeuropa hat mich dann Mitte Januar 2011 kontaktiert und hat mir mitgeteilt dass sie mit den Leistungen von Herrn A wenig zufrieden war. Ich habe herausgefunden dass Herr A wenig kommunikativ gegenüber der Zentrale war. Frau G wollte über A sprechen und ich habe sie dann über die erste Ausscheidungsvereinbarung informiert. Diese waren davon recht überrascht. Nachdem sie die Ausscheidungsvereinbarung von Herr A zugeschickt bekommen hatte, gab sie diese zur Prüfung. Der Gutachter hat festgehalten dass die Vereinbarung überhöht war und dass die Informationsprozesse nicht respektiert wurden. Er sagte dass dies ein Grund für eine Kündigung sein könnte. Das Gutachten kam am 11ten März und gab an dass die Kündigungsfrist an diesem Tag ablaufen würde. Es konnte Herr A also danach nicht gedroht werden dass ihm gekündigt würde falls er nicht auf die erste Ausscheidungsvereinbarung verzichten würde da die Frist am 11ten März abgelaufen war. Ich wollte Herr A nicht kündigen da dieser schon 30 Jahre in der Gesellschaft gearbeitet hat. Ich habe mit STUTTGART telefoniert und mit ihnen ausgehandelt dass wir eine neue Ausscheidungsvereinbarung mit einem angemessenen Betrag und unter Einhaltung der Prozesse abschliessen würden.

(…)

Ich habe am 11ten März um 17 Uhr ein Mail von Herrn A bekommen das mich informiert hat dass er bereit sei eine neue Ausscheidungsvereinbarung abzuschliessen. Ich nehme an dass er vor diesem Mail mit Herr C gesprochen hat. Wir haben uns dann alle 3 am 11ten März gesehen. Wir waren alle ziemlich fertig. Ich sagte zu Herr A dass es keine Kündigung geben würde, dass es aber eine Abmahnung dafür geben würde.

Ich habe Herr A nie mit einer Kündigung gedroht weil ich ihm nicht kündigen wollte. Nachdem ich das Mail von Herr A erhalten hatte war ich zuversichtlich dass wir eine Lösung finden würden. STUTTGART hätte ihm nicht kündigen können da er einen Luxemburgischen Arbeitsvertrag hatte und ich die Luxemburger Firma geleitet habe. »

Le témoin C, quant à lui, a fait les déclarations suivantes:

« (…) 

Später habe ich erfahren dass man um März versucht hat Herr A fristlos zu kündigen. Es gab Spannungen zwischen den Berliner Vorgesetzten und Herr A dass er die Arbeit schlecht verrichtet hätte. Nach Rücksprache mit dem Anwalt hat sich jedoch ergeben dass eine fristlose Kündigung nicht gerechtfertigt war, so dass sie nicht ausgesprochen wurde. Es wurde aber Herr A gedroht dass ihm fristlos gekündigt würde falls er nicht schnell eine zweite Ausscheidungsvereinbarung unterschreiben würde. Da einen geringen Unterschied zwischen beiden Vereinbarungen bestand, habe ich Herr A zugeredet die zweite Vereinbarung zu unterschreiben um einen Strich unter die Angelegenheit zu bringen. (…)

Zum Zeitpunkt der Gespräche für die erste Ausscheidungsvereinbarung war es noch nicht klar ob die Stelle der Human Ressources abgeschafft werden würde. Es ging darum eine gewisse Freiheit für die Umstrukturierung zu haben. Dafür musste die Stelle von Herrn A frei sein.

Frau H, die zur Zeit in der Rechtsabteilung der E AG arbeitete hat vorgeschlagen Herr A mit einer fristlosen Kündigung zu drohen. Herr I hat dann die Entscheidung genommen Herr A fristlos zu kündigen falls dieser die zweite Ausscheidungsvereinbarung nicht unterschreiben würde. Nach dieser Entscheidung haben Frau D und ich Herr A die Situation erklärt und wir haben sehr auf ihn zugesprochen die zweite Vereinbarung anzunehmen. »

Aux termes de l’article 2044 du code civil la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.

L’annulation de la première convention par la deuxième établit l’existence d’une contestation née sinon à naître entre les parties.

Contrairement aux conclusions de l’employeur, il y a lieu de constater que l’écrit en question du 22 mars 2011 termine, comme il résulte à suffisance de droit des déclarations faites par les deux témoins en première instance reproduites ci-avant, une contestation née entre les parties et qui avait trait, d’une part à la validité de la première convention signée le 20 juillet 2010, validité remise en cause par l’employeur, qui l’a cependant signée, d’autre part et d’une façon plus générale non seulement à la validité, mais encore à la nature juridique de la terminaison prématurée du parcours professionnel de A au sein de la société B S.A., résiliation

à l’amiable au licenciement, qui plus est, pour faute grave, et finalement relative au montant forfaitaire du départ négocié de A.

Un autre élément primordial pour valoir transaction est la condition de concessions réciproques, même si cette condition ne résulte pas de la définition de la transaction donnée par l’article 2044 du code civil.

Une première concession dans le chef de A consiste dans la renonciation par lui alors qu’il n’était pas établi qu’elle eût été non valide, à la première convention cependant  financièrement plus favorable pour lui.

D’autre part, l’écrit du 22 mars 2011 fait état de concessions réciproques.

En effet, dans le chef de l’employeur, la concession consiste dans la dispense de travail par lui accordée pendant la période de préavis (article 4 de la Convention).

Cette dispense étant une faculté et non une obligation prévue par la loi, constitue une renonciation de sa part, puisque, sans bénéficier de services du salarié, donc sans obtenir une quelconque contrepartie, l’employeur règle sa rémunération (article 3 de la Convention). Le salarié, de son côté, renonce à son droit d’intenter une action judiciaire tendant à voir remettre en cause la résiliation du contrat de travail et à obtenir le cas échéant paiement de diverses sommes en relation avec la relation de travail, telles qu’elles sont énumérées non limitativement aux articles 3 et 9 de l’écrit du 22 mars 2011.

Le salarié, bien qu’ayant prétendu avoir été mis sous pression pour signer la convention du 22 mars 2011, soutenant qu’il l’a signée sous la pression d’un licenciement pour faute grave, n’en tire cependant aucune conclusion juridique quant à sa validité, de sorte qu’il y a lieu de retenir que la transaction est juridiquement valable entre parties.

Il suit des développements qui précèdent, que la convention du 22 mars 2011 contient à côté de la résiliation d’un commun accord des parties de leur contrat de travail, une transaction au sens de l’article 2044 du code civil.

Il suit des considérations qui précèdent, que l’appel est fondé, de sorte que le jugement est à réformer. (C.S.J., 1205/2016, n°41134 du rôle).