Réponse à un style de plaidoirie . Railler en audience un confrère est-il un argument de droit ?
Lorsqu’un employeur décide de licencier un salarié, la loi lui impose, dans certaines structures, de passer par l’entretien préalable. Ce moment-là, en droit, devrait être l’occasion d’un dialogue sincère. En pratique, tout est déjà joué.
Nombreux sont ceux qui ont vu, dans leur lettre de convocation, la formule suivante : « congé extraordinaire à ne pas confondre avec une mise à pied ». Le salarié n’a rien demandé. On le dispense de travail, on lui coupe ses accès, on le fait disparaître du système d’information, tout en prétendant que rien n’est encore décidé. Il est prié d’attendre, en silence, que le couperet tombe.
Certains appellent cela une “mesure de confort”. Je propose une autre appellation : stratégie de déstabilisation procédurale, qui vise, en réalité, à empêcher le salarié de se ménager la preuve des motifs qui le visent. Et tout cela, avant même qu’il ne soit licencié.
On m’a récemment reproché, en audience, de dénoncer ce type de pratiques. Un confrère s’est même permis de citer mon analyse, non pour en discuter les fondements, mais pour la railler — en la qualifiant d’“opinion personnelle”, presque avec un rictus.
Ce genre de remarque dit beaucoup sur une certaine idée de la profession.
Ce que j’ai formulé est effectivement une opinion. Et je la revendique pleinement. Elle repose sur l’observation quotidienne du droit du travail réel, celui que l’on pratique en dehors des salles feutrées, celui que vivent ceux qui sont mis dehors sans accès à leur messagerie, sans leurs documents, sans leurs fichiers, et sans possibilité de se défendre.
Est-ce excessif de voir là une atteinte aux droits de la défense ? Je ne le crois pas. Est-ce “juridiquement discutable” ? Parfait. Que le débat ait lieu. Mais qu’on ne vienne pas me reprocher de penser en droit, sous prétexte que cela bouscule une habitude installée ou une zone grise confortable pour l’employeur.
Qu’on le veuille ou non, le salarié a droit à une loyauté procédurale, même lorsqu’on s’apprête à s’en séparer. Et le juge a toute compétence pour sanctionner des manœuvres visant à priver ce salarié de l’accès aux éléments de preuve dont il pourrait avoir besoin.
Je maintiens donc : la fiction du “congé extraordinaire” imposé, déguisé, unilatéral, doit être requalifiée. Et lorsque ce subterfuge précède de peu un licenciement, il est permis d’en tirer des conséquences sur la validité de la rupture.
Si cela dérange, tant mieux. Le droit n’est pas fait pour rassurer les habitudes. Il est fait pour protéger les déséquilibres.
Et pour ceux qui souhaitent continuer à suivre mes “opinions personnelles”, je suis disponible sur LinkedIn. Je publie régulièrement. Ce serait dommage de rater la prochaine audience