Qualité de cadres supérieurs – conditions cumulatives
Concernant les conditions posées à l’article L.162-8 (3), alinéa 3, du Code du travail, – à savoir * un salaire nettement plus élevé que celui des salariés couverts par la convention collective, * un véritable pouvoir de direction effectif ou dont la nature des tâches comporte une autorité bien définie, * une large indépendance dans l’organisation du travail et une large liberté des horaires du travail – , le tribunal a rappelé à juste titre que ces conditions doivent être remplies cumulativement pour se voir attribuer la qualité de cadre supérieur.
C.S.J., 17.02.2022, numéro CAL-2020-00655 du rôle
Il convient de rappeler que A.) a été engagé par SOC.1.) suivant contrat de travail du 4 août 2006 avec effet au 16 août 2006 et qu’un avenant fut signé entre parties le 11 janvier 2011, avenant qui dispose notamment que : « Als aussertariflicher Mitarbeiter (‚cadre supérieur‘) hat der Mitarbeiter keinen Anspruch auf etwaige zusätzliche Zahlungen. Der Arbeitnehmer hat insbesondere keinen Anspruch auf zusätzliche Vergütung für Mehrarbeit, Sonn- und Feiertagsarbeit ».
° Concernant la charge de la preuve de la qualité de cadre supérieur, il importe de rappeler les dispositions de l’article L.162-8 du Code du travail qui se lit comme suit :
« (1) Sont soumises aux dispositions d’une convention collective ou d’un accord subordonné toutes les personnes qui les ont signés personnellement ou par mandataire.
(2) Lorsqu’un employeur est lié par de tels conventions ou accords, il les applique à l’ensemble de son personnel visé par la convention ou l’accord en cause.
(3) Sauf disposition contraire de la convention collective ou de l’accord subordonné, les conditions de travail et de salaire des salariés ayant la qualité de cadres supérieurs ne sont pas réglementées par la convention collective ou l’accord subordonné conclus pour le personnel ayant le statut de salarié.
Toutefois, les parties contractantes qualifiées au sens des dispositions qui précèdent peuvent décider de négocier une convention collective particulière pour les cadres supérieurs au sens des dispositions ci-dessus visées.
Sont considérés comme cadres supérieurs au sens du présent titre, les salariés disposant d’un salaire nettement plus élevé que celui des salariés couverts par la convention collective ou barémisés par un autre biais, tenant compte du temps nécessaire à l’accomplissement des fonctions, si ce salaire est la contrepartie de l’exercice d’un véritable pouvoir de direction effectif ou dont la nature des tâches comporte une autorité bien définie, une large indépendance dans l’organisation du travail et une large liberté des horaires du travail et notamment l’absence de contraintes dans les horaires.
La convention collective ou l’accord subordonné mentionnent les catégories de personnel non couvertes au sens de la présente disposition.
Sont nulles toutes les clauses d’une convention collective, d’un accord subordonné et d’un contrat de travail individuel prétendant soustraire aux effets de la convention collective ou de l’accord subordonné applicables des salariés qui ne remplissent pas l’ensemble des conditions fixées à l’alinéa 3 du présent paragraphe.
Par ailleurs, l’ensemble de la législation du travail, y compris en matière de durée de travail et d’heures supplémentaires est applicable aux salariés ne remplissant pas toutes les conditions fixées aux alinéas qui précèdent ».
Il en découle, sauf disposition contraire de la convention collective ou encore de l’existence d’une convention collective spécifique applicable aux seuls cadres supérieurs, hypothèses non remplies en l’espèce, que les conditions de travail et de rémunération des salariés ayant la qualité de cadres supérieurs ne sont pas réglementées par la convention collective.
En outre, il y a lieu de constater que l’article 1er de la convention collective de travail des salariés de banque 2014-2016 exclut expressément de son champ d’application les cadres supérieurs visés par l’article L.162-8 du Code du travail.
C’est à juste titre que le tribunal a relevé que l’employeur, excipant le statut de cadre supérieur de son salarié, doit en principe établir que ce dernier exerçait en son sein des fonctions dirigeantes de cadre supérieur ou dont la nature des tâches comporte une autorité bien définie, rémunérées par un salaire nettement plus élevé que celui des salariés couverts par la convention collective, et qu’en signant l’avenant du 11 janvier 2011, A.) a marqué son accord exprès à ce qu’il fasse désormais partie des cadres supérieurs et soit exclu du champ d’application de la convention collective.
Le libellé de l’avenant, reproduit ci-avant, étant univoque, le reproche de A.) selon lequel l’avenant ne soit pas suffisamment clair en ce qui concerne le statut de cadre supérieur n’est pas fondé.
De même, le soutènement de l’appelant qu’il n’aurait pas donné un consentement éclairé lors de la signature de l’avenant en 2011, reste, faute d’éléments fournis par A.) susceptibles de caractériser dans son chef l’existence d’un consentement vicié d’une manière ou d’une autre, à l’état de pure allégation et ne porte pas à conséquence.
A défaut de plus amples développements et arguments concrets, A.) n’établit en effet pas que son consentement ait été vicié lors de la signature de l’avenant ou encore que cette disposition contractuelle soit contraire à la loi sur le contrat de travail, respectivement à la convention collective.
L’argumentation de A.) selon laquelle l’avenant serait « a priori nul » et qu’il incomberait à l’employeur de prouver que « l’accord n’est pas entaché de nullité au sens de l’article L.162-8 (3 ) », ne saurait pas valoir non plus, l’article invoqué prévoyant précisément que « les conditions de travail et de salaire des salariés ayant la qualité de cadres supérieurs ne sont pas réglementées par la convention collective ou l’accord subordonné conclus pour le personnel ayant le statut de salarié », un avenant y relatif ne saurait dès lors être « a priori nul », la question de savoir si A.) jouissait effectivement des attributs de la fonction de cadre supérieur restant évidemment à analyser.
Dès lors que A.) a signé ledit avenant qui le qualifie de « aussertariflicher Mitarbeiter ‘cadre supérieur’ » et qui précise qu’il n’a pas droit « auf etwaige zusätzliche Zahlungen » et qu’il n’a, en particulier, pas droit « auf zusätzliche Vergütung für Mehrarbeit, Sonn- und Feiertagsarbeit », il a expressément marqué son accord à ce qu’il fasse désormais partie des
cadres supérieurs et soit exclu du champ d’application de la convention collective, et il n’incombe plus à l’employeur SOC.1.), mais au salarié A.), qui soutient que les conditions de ce statut telles que fixées à l’article L.162-8 (3), alinéa 3, du Code du travail, ne sont pas remplies, d’en rapporter la preuve (dans le même sens CA, 19 avril 2007, n°30831 et 30833; CA, 28 avril 2016, n° 41270 du rôle).
A cet égard, force est de constater que A.) affirme lui-même, aux termes de son acte d’appel et de ses conclusions ultérieures, que le seul salarié conventionné s’étant trouvé dans une situation comparable à la sienne, était le dénommé B.), « Local Head of Treasury ».
Dans la mesure où A.) dispose des données relatives à la rémunération de ce dernier, le moyen de l’appelant tiré d’une atteinte à l’égalité des armes en ce qui concerne la charge de la preuve du critère du salaire nettement plus élevé, est inopérant.
Il s’y ajoute qu’il ne résulte d’aucun élément du dossier que A.) ait manifesté un quelconque désaccord concernant sa qualité de cadre supérieur jusqu’au moment de l’introduction de sa requête en décembre 2018, soit presque huit ans après la signature de l’avenant lui attribuant le statut de cadre supérieur, et que durant toute cette durée d’exécution de la relation de travail, A.) a nécessairement dû avoir connaissance et conscience qu’il était considéré comme cadre supérieur, aucune heure supplémentaire n’ayant été comptabilisée et aucune prime prévue par la convention collective ne lui ayant été payée.
° Concernant les conditions posées à l’article L.162-8 (3), alinéa 3, du Code du travail, – à savoir * un salaire nettement plus élevé que celui des salariés couverts par la convention collective, * un véritable pouvoir de direction effectif ou dont la nature des tâches comporte une autorité bien définie, * une large indépendance dans l’organisation du travail et une large liberté des horaires du travail – , le tribunal a rappelé à juste titre que ces conditions doivent être remplies cumulativement pour se voir attribuer la qualité de cadre supérieur.
*Quant au niveau de rémunération de A.)
A.) soutient en premier lieu, tel qu’évoqué déjà ci-avant, que le seul salarié conventionné dans une situation comparable à la sienne était B.). Il fait valoir que ce dernier aurait touché en 2017 un salaire mensuel brut de base de 8.026,53 euros et une prime mensuelle de fonction de 323 euros, auxquels se seraient ajoutés le treizième mois ainsi que les primes de conjoncture et de signature, faisant un total annuel brut de 110.455,69
euros, sinon de 109.811,89 euros. Il estime encore qu’à ancienneté et poste égaux, B.) aurait touché, primes de conjoncture et de fonction incluses, un salaire annuel de 116.873,89 euros. En 2018, le salaire annuel brut de B.) se serait élevé à 114.105,39 euros. A.) en déduit que son salaire n’était pas nettement supérieur à celui de B.).
L’appelant affirme en outre que son salaire n’était pas nettement supérieur à celui des salariés intégrés dans la catégorie de salaire la plus élevée de la convention collective et présentant la même ancienneté de service que lui, à savoir la catégorie des salariés classés dans la catégorie VI, seuil 2, dont le salaire annuel minimum aurait été de 90.245,89 euros, auquel il faudrait ajouter la prime de fonction, portant le salaire annuel à 98.729,89 euros, soit un écart de 18.931,79 euros par an. Il avance encore un autre calcul selon lequel le salaire annuel du salarié conventionné classé au groupe salarial VI, seuil 2, s’élèverait à 105.000 euros.
A.) fait encore état de ce que les rémunérations du « management » s’élèveraient au triple, voire au sextuple de sa propre rémunération.
SOC.1.) estime que la comparaison de la rémunération de A.) doit être faite par rapport à la grille de la convention collective dont il invoque le bénéfice et non par rapport à ses collègues de travail, cette solution permettrait de pallier toute difficulté pour le salarié de bonne foi de comparer sa rémunération.
Elle explique en outre que la rémunération de B.), auquel A.) entend se comparer, a été exceptionnellement augmentée en raison d’une prise de fonctions additionnelles de ce dernier, l’employeur étant libre de rémunérer un salarié pour des services particuliers ou additionnels. Ce serait dès lors à juste titre que le tribunal a retenu que A.) ne saurait se comparer avec un seul salarié conventionné se trouvant dans une situation comparable.
L’intimée considère encore qu’en suivant les propres explications de A.), selon lesquelles la convention collective prévoyait pour le groupe VI, seuil 2, une rémunération brute annuelle de 84.135,09 euros, sinon de 90.245,89 euros en y ajoutant les différentes primes prévues conventionnellement, il n’en resterait pas moins que la différence entre la rémunération de A.) et la rémunération des salariés de l’échelon le plus élevé sous convention collective bancaire applicable à l’époque serait encore de 27.415,79 euros, faisant une différence de 23,5 %.
SOC.1.) donne par ailleurs à considérer que même à admettre le nouveau calcul de A.) présenté dans ses conclusions ultérieures, il resterait un écart de rémunération de 18.931,79 euros, soit plus de 19%, et partant toujours
une rémunération nettement supérieure à celle résultant du barème de la convention collective, dont A.) demande application.
SOC.1.) s’oppose finalement à la demande subsidiaire de l’appelant en communication forcée des documents sollicités, au motif qu’une telle communication se heurterait au respect des données personnelles des salariés concernés, et que ces documents n’auraient en tout état de cause aucune pertinence pour la solution du litige.
La Cour constate qu’il résulte des pièces versées que le salaire mensuel de base brut de A.) s’élevait à 9.098 euros, auquel s’est ajouté une « Funktionszugabe » mensuelle de 707 euros, soit une rémunération brute annuelle de 117.661,68 euros.
C’est à bon droit que le tribunal a retenu que la comparaison de la rémunération de A.) ne saurait être faite par rapport à un seul autre salarié conventionné, en l’occurrence B.), dont A.) affirme, à plusieurs reprises (acte d’appel p. 7 et conclusions du 15 juillet 2021, p.3) qu’il était le seul salarié se trouvant dans une situation comparable, ce d’autant plus que SOC.1.) explique que B.), engagé en 2015, s’est vu attribuer en 2018 de nouvelles fonctions qu’elle a entendu rémunérer et qu’au vu de la fermeture prochaine de SOC.1.) au Luxembourg, il fut décidé de ne pas remettre en cause le droit de B.) aux bénéfices de la convention collective, ces explications fournies par SOC.1.) n’étant pas sérieusement démenties par A.). À ces circonstances particulières s’ajoute que l’employeur reste libre d’octroyer unilatéralement des droits à certains de ses salariés remplissant des fonctions additionnelles ou ayant des compétences particulières.
A.) se prévaut en outre de ce que la convention collective prévoirait pour le groupe VI, seuil 2, groupe salarial le plus élevé, une rémunération brute mensuelle de 6.471,93 euros, soit un montant brut annuel de 84.135,09 euros. En ajoutant les différentes primes prévues conventionnellement, primes d’ancienneté, de conjoncture et de signature, le montant total annuel s’élèverait à 90.245,89 euros, auquel il faudrait encore ajouter ses propres primes de fonction et contractuelles, ce qui porterait le salaire annuel d’un salarié conventionné, faisant partie dudit groupe salarial, à 105.000 euros.
Tel que l’a retenu à bon escient la juridiction de première instance, A.) ne saurait inclure dans le calcul d’un salaire conventionné comparable au sien ses propres primes de fonction et primes contractuelles. Même en admettant, pour les besoins de la discussion, le chiffre avancé de 90.245,89 euros, force est de constater qu’il existe toujours un écart considérable avec le salaire annuel de A.) qui s’est élevé à 117.661,68 euros.
De même, le calcul avancé par A.) selon lequel le salarié conventionné « placé dans les mêmes circonstances que A.) » aurait touché un montant de 98.729,89 euros, constituant un écart de 18.931,79 par an, ne saurait justifier son argumentation. Même à admettre ce calcul, le salaire de A.) resterait nettement supérieur à ce qu’il aurait théoriquement perçu en qualité de salarié conventionné.
Dans ce sens, il a été jugé qu’une différence de salaire de 20%, sinon de 13,60%, était suffisante pour constituer un salaire nettement plus élevé que celui des salariés couverts par la convention collective dont le salarié se prévaut (Cour d’appel, 28 avril 2016, n° 41270 et Cour d’appel, 7 juin 2018, n°45229).
Quel que soit finalement le montant à retenir, soit 90.245,89 euros, soit 98.729,89 euros, la Cour retient, au vu des considérations qui précèdent, que le salaire de A.) était nettement supérieur à ce qu’il prétend avoir dû théoriquement percevoir en qualité de salarié conventionné. Il s’ensuit que l’appelant reste encore en défaut d’établir que sa rémunération annuelle n’est pas nettement supérieure à celle d’un salarié conventionné du groupe VI, seuil 2.
Il en suit que les développements de l’appelant tenant à voir comparer sa rémunération à celles d’autres salariés de la banque sont dépourvus de pertinence, étant rappelé que A.) affirme lui-même que la seule personne s’étant trouvée dans une situation comparable à la sienne était B.), A.) ayant précisé à cet égard dans ses dernières conclusions que « c’est par rapport à B.) qu’une comparaison entre rémunérations peut et doit être effectuée – les autres salariés conventionnés de SOC.1.) avaient manifestement des responsabilités moins importantes que lui-même et B.), et ne se trouvaient ainsi pas dans la même situation, respectivement dans les mêmes conditions ».
La demande subsidiaire de A.) tendant à voir ordonner à SOC.1.) de « délivrer les fiches de salaire de B.) et des autres salariés concernant l’année 2017 » et de « délivrer pour les années 2013 à 2018, les noms, fonctions et tâches des personnes reprises dans la rubrique ‘Geschäftsführer inklusive Abteilungsleiter’ sinon ‘Mitglieder der Leitungsorgane’ des bilans et d’informer la Cour sur la ventilation exacte du montant entre les différents bénéficiaires », indépendamment des questions de savoir si cette demande en production forcée de documents est légalement admissible touchant à la protection des données
personnelles des personnes concernées et si elle satisfait au degré de précision requis, manque de pertinence et est partant à rejeter.
De même, les documents versés en pièces 22 à 24 sont dépourvus de toute valeur probante dans la mesure où ils se réfèrent à des rémunérations du « management » et qu’ils se rapportent aux années 2011 à 2013, alors que les demandes de A.) concernent les années 2015 à 2018.
Il s’ensuit que A.) n’a pas établi que le critère du salaire nettement plus élevé que celui des salariés couverts par la convention collective ne soit pas rempli.
Le jugement est partant à confirmer sur ce point.
*Quant au pouvoir de direction effectif ou dont la nature des tâches comporte une autorité bien définie
A.) se réfère aux fonctions telles qu’énoncées au contrat de travail conclu le 4 août 2016 et aux fonctions des salariés du groupe VI telles que définies par la convention collective. Il soutient par ailleurs que le poste qu’il occupait s’inscrirait dans le cadre des « fonctions de contrôle interne » décrites à la partie I, chapitre 6, sous-chapitre 6.2 de la circulaire CSSF 12/552, telle que modifiée, pour affirmer qu’il a exécuté les tâches y renseignées sans disposer d’un pouvoir décisionnel effectif.
Aucune des tâches lui dévolues ne témoignerait d’un véritable pouvoir de direction effectif, ces tâches ayant été accomplies sous l’hiérarchie et le contrôle de C.).
La Cour constate que l’obligation de A.) de rendre compte à la direction autorisée, à savoir à C.) en sa fonction d’administrateur délégué et de « Chief Risk Officer » ainsi qu’à la CSSF, – outre que ce report constitue une obligation prudentielle -, n’exclut pas l’exercice d’une autorité bien définie dans l’exécution des tâches qui lui incombaient.
Dans la mesure où A.) fait plaider lui-même que la fonction de contrôle interne exercée par lui nécessite impérativement une certaine indépendance et une autorité particulière, telle que régulée par la circulaire 12/552 de la CSSF à laquelle il se réfère, notamment au point 109 de cette circulaire, les développements de l’appelant quant à l’absence dans son chef d’un pouvoir décisionnel effectif sont inopérants.
De même, le fait d’avoir été soumis par un lien de subordination à son employeur, ce qui constitue l’essence même d’un contrat de travail, ne remet pas en cause la qualité de cadre supérieur de A.). Le fait qu’il soit placé sous l’autorité d’un supérieur n’exclut, à lui seul, pas une autorité bien définie et une large indépendance dans son chef dans l’exécution de son travail.
L’affirmation de A.) qu’il était le seul salarié du département « risk management » ne porte pas à conséquence non plus, un salarié pouvant être cadre supérieur, sans qu’il ne dirige une équipe déterminée (Cour d’appel, 19 avril 2007, no 30833 du rôle).
A.) ne saurait pas davantage se prévaloir de la convention collective de 2020, cette convention n’ayant pas été applicable entre 2015 et 2018.
L’appelant reste encore en défaut d’établir qu’il n’ait pas rempli en tant que « Head of Risk & Management Control » les responsabilités telles que décrites au certificat de travail, dont il n’allègue pas qu’il contienne des contre-vérités.
Ce certificat énumère en effet un certain nombre de tâches, dont il y a lieu de relever, entre autres, celles de „tägliche Uberwachung der Einhaltung der vom Verwaltungsrat festgelegten Limits und Richtwerte zur Steuerung der Liquiditäts- und Marktrisiken mittels eigenständig konzipierter und stetig weiterentwickelter Reports, Anfertigung und Präsentation einschlägiger Beschlussvorlagen für die Geschäftsführung sowie den Verwaltungsrat der Bank“, „Vorsitz im lokalen Kreditkommittee und Mitglied im SOC.1.) Management Risk Committee“.
En plus des responsabilités en tant que « Head of Risk & Management Control », A.) disposait d’un pouvoir de signature de type A, pouvoir de signature le plus élevé au sein de la banque. Le fait que tout engagement de la société requérait une double signature n’enlève en rien l’existence d’une autorité bien définie de A.) dans l’exécution de ses fonctions de contrôle interne.
Finalement, l’argumentation de A.) selon laquelle son reclassement professionnel en mi-temps exclurait le statut de cadre supérieur ne saurait tenir, étant précisé que pour des raisons de santé, raisons indépendantes de la volonté de l’employeur, A.) a réduit, pendant quelques semaines, sa durée de travail journalière, la Cour y reviendra ci-après.
Il s’ensuit que A.) n’a pas établi que la nature des tâches qui lui incombaient ne comportaient pas une autorité bien définie au sens de l’article L.162-8 (3), alinéa 3, du Code du travail.
Le jugement est encore à confirmer à cet égard, quoique pour des motifs différents.
*Quant à l’organisation du travail et les horaires
A.) renvoie aux dispositions relatives aux horaires de travail contenues dans son contrat de travail pour contester une large indépendance dans l’organisation de son travail ainsi qu’une importante liberté quant à ses horaires. L’article 7 de son contrat de travail prévoirait non seulement un horaire de travail, mais également la possibilité d’instructions organisationnelles de la part de l’employeur.
Affirmant avoir été soumis aux « Grundsätze der flexiblen Arbeitszeit im Team », il n’aurait pas été « en mesure d’organiser son travail et son horaire en toute liberté et en dehors de toute contrainte ».
SOC.1.) réplique que chaque contrat de travail doit comporter en vertu de l’article L.121-4 du Code de travail, des mentions obligatoires quant au lieu, à la durée et à l’horaire de travail, sans que ces dispositions du contrat de travail ne puissent être considérées comme indice ou preuve d’une absence d’autonomie du salarié dans l’organisation de son travail.
L’intimée estime en outre qu’au regard de l’indépendance structurelle attachée au poste de A.), ce dernier aurait bénéficié d’une grande flexibilité dans ses horaires de travail, qui en outre n’auraient jamais fait l’objet d’une surveillance.
C’est à bon droit que le tribunal a relevé que si l’article L. 121-4. (2) du Code du travail prévoit certes diverses mentions obligatoires quant à l’organisation du travail, ces mentions ne suffisent néanmoins pas à établir l’absence d’autonomie et d’indépendance dans l’organisation du travail.
Dans la mesure où l’avenant signé en 2011, précité, précise que: „Als aussertariflicher Mitarbeiter (‚cadre supérieur‘) hat der Mitarbeiter keinen Anspruch auf etwaige zusätzliche Zahlungen. Der Arbeitnehmer hat insbesondere keinen Anspruch auf zusätzliche Vergütung für Mehrarbeit, Sonn- und Feiertagsarbeit », la question de savoir si et quelles dispositions du « Grundsätze der flexiblen Arbeitszeit im Team », document interne daté du 27 avril 2010, soit d’une époque antérieure à la signature de l’avenant, manque de pertinence, A.) n’ayant pas été rémunéré pour des heures supplémentaires, ni pour le travail les jours de fête et les dimanches.
Même à supposer que ce document ait été applicable à A.), ce dernier reste en défaut d’indiquer et de prouver comment les dispositions y relevées étaient concrètement mises en oeuvre à son égard.
A.) ne fournit pas la preuve qu’il ait dû se soumettre à un système d’horaire flexible surveillé.
A.) se prévaut encore d’une attestation testimoniale émanant de D.) et des emails échangés avec ce témoin ainsi qu’avec C.). SOC.1.) conteste la pertinence des déclarations de ce témoin et des pièces versées relatives à des congés.
L’attestation testimoniale de D.), outre qu’elle est rédigée en des termes vagues, manque de précision en ce qui concerne l’époque visée. Sachant que ce témoin a travaillé pour la société-mère à Munich jusqu’en décembre 2014, ses déclarations ne sauraient viser les années 2015 à 2018, seules années auxquelles se rapportent les revendications de A.), et sont partant dépourvues de pertinence. L’échange d’emails avec ce témoin remonte à l’année 2013 et manque dès lors également de pertinence. L’échange d’emails avec C.) les 22 et 23 octobre 2017 confirme que A.) disposait d’une large liberté dans l’organisation de ses congés, ce dernier n’ayant seulement informé son employeur, le dimanche 22 octobre 2017, qu’il comptait prendre congé le lendemain.
L’appelant affirme encore qu’il aurait dû demander « de pouvoir prendre congés » et les inscrire au système interne E-days.
L’obligation pour A.) de se voir avaliser ses congés et les inscrire dans un système interne de la banque relève du bon fonctionnement de l’entreprise aux fins d’en assurer une continuité sereine, et n’exclut aucunement ni une large liberté des horaires du travail ni une large indépendance dans l’organisation de son travail.
A.) affirme encore que suite à une mesure de reclassement interne du 12 novembre 2016, il lui aurait été interdit de prester des heures de travail au-delà de huit heures par jour, ce qui serait incompatible avec le statut de cadre supérieur, dont la présence à l’entreprise serait indispensable pour en assurer le fonctionnement.
SOC.1.) réplique que A.) a fait l’objet d’une mesure de reclassement professionnel fin 2016 se traduisant par une limitation de ses horaires de travail pendant quelques semaines à quatre respectivement huit heures par jour pour raisons de santé. Par la suite, A.) n’aurait pas fait l’objet d’un reclassement professionnel voire de réévaluations de son état de santé. Le fait que pour des raisons de santé, A.) n’aurait travaillé que pendant quatre heures par jour n’enlèverait en rien sa liberté dans l’organisation de ce temps de travail.
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La Cour constate qu’outre le document versé en pièce 9, qui se prononce sur une limitation de la durée de travail de A.) à quatre heures par jour durant la période du 12 novembre au 25 novembre 2016 et à huit heures par jour jusqu’au 12 décembre 2016, A.) ne verse aucun justificatif relatif à l’époque postérieure et n’établit pas que cette réduction temporaire de la durée de travail journalière, pour raisons de santé, ait eu une incidence sur ses libertés des horaires et d’organisation de son travail. Ce moyen ne saurait dès lors valoir.
Finalement, quant à la demande subsidiaire de A.) tendant à voir ordonner à SOC.1.) de produire le fichier « Zeiterfassung » pour la période du mois de novembre 2015 au mois de mars 2018, il convient de rappeler qu’une demande en production forcée de documents, en application des articles 288, 284 et 285 du Nouveau Code de procédure civile, ne saurait aboutir que dans la mesure où les pièces requises sont déterminées avec précision, où leur existence est vraisemblable et où les pièces sollicitées sont pertinentes pour la solution du litige.
Outre que cette demande de A.) manque de précision en ce qui concerne le document sollicité, il ne résulte pas des éléments soumis qu’un tel document devait exister. La condition de la vraisemblance de l’existence dudit document n’étant pas remplie, la demande en production forcée est à rejeter.
A.) reste partant en défaut de prouver l’absence d’une large indépendance dans l’organisation de son travail et d’une large liberté de ses horaires du travail.
Etant donné que l’appelant n’a pas réussi à prouver qu’il ne remplit pas au moins une des conditions cumulatives prévues par l’article L.162-8 (3) alinéa 3 du Code du travail, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce que le tribunal a retenu que A.) a eu le statut de cadre supérieur et qu’en conséquence la convention collective et ses avantages financiers accordés aux salariés concernés ne lui sont pas applicables.