Président du Tribunal du travail – juge de référé

Par requête déposée le 12 mai 2016 au greffe du tribunal du travail de Luxembourg,
A a fait convoquer son ancien employeur, la société anonyme S1 (ci-après en
abrégé S1 Luxembourg SA), devant le président du tribunal du travail siégeant
comme juge des référés, aux fins de se voir condamner à lui payer, entre autres, une
provision de 19.794,24 euros, avec les intérêts de retard légaux à partir de la mise
en demeure, sinon à partir de la demande en justice, jusqu’à solde, du chef de
remboursement de frais professionnels.

La société S1 Luxembourg SA formula deux demandes reconventionnelles tendant
d’une part, au remboursement des frais d’inscription de la salariée à un tournoi de
golf organisé par l’S2 d’un montant de 206 euros et d’autre part, au remboursement
de la somme de 2.117,18 euros pour la remise en état du véhicule de service mis à
la disposition de la salariée et qui présentait à la fin de la relation de travail de
nombreux dégâts.

Par ordonnance du 13 juillet 2016, le président du tribunal du travail siégeant en
matière de référé a déclaré irrecevables, car sérieusement contestables, les
demandes principales et reconventionnelles et débouté la salariée de sa demande
basée sur l’article 240 du NCPC.

Contre cette ordonnance, lui notifiée le 27 juillet 2016, A a régulièrement interjeté
appel par exploit d’huissier du 3 août 2016 demandant à la Cour, par réformation,
de condamner la société à lui payer par provision la somme de 19.794,24 euros
avec les intérêts tels que de droit, ainsi qu’une indemnité de procédure de 2.500
euros pour les deux instances.

La société S1 Luxembourg SA réitère en instance d’appel ses deux demandes
reconventionnelles à l’égard de A.

– Demande principale :

A soutient que sa demande tendant au remboursement de ses frais professionnels
n’est contestée par l’employeur ni dans son principe ni dans son montant, de sorte
que sa créance n’est pas sérieusement contestable et devrait être payée.
La société S1 Luxembourg SA prétend que la salariée est forclose à réclamer le
remboursement de ses frais professionnels dès lors qu’elle n’a pas demandé le
remboursement dans le délai de trois mois prévu à l’article 5 point a) du règlement
d’ordre intérieur.

La salariée réplique qu’elle n’a pas eu connaissance de ce règlement intérieur qui ne
lui a pas été soumis et qu’elle n’a pas signé, de sorte qu’il ne lui est pas opposable
et qu’elle n’était partant tenue par aucun délai pour réclamer le remboursement des
frais litigieux.

L’employeur précise d’une part, que le contrat de travail en son article 1.2. renvoie
expressément au règlement d’ordre intérieur et d’autre part, qu’il résulte des pièces
du dossier des présomptions que la salariée devait le connaître.

À cet égard, l’employeur cite la fonction de « Head of Compliance » attribuée à la
salariée qui impliquerait qu’elle devait nécessairement connaître tous les
règlements internes de la société, ensuite le fait qu’elle a rempli l’«expense
reimbursement form » (pièce 5), la circonstance qu’elle-même approuvait les
demandes de remboursement de ses collaborateurs (pièce 13) et finalement, le fait
que le « Business Management Comitee » avait demandé aux chefs de département,
dont A, pour la période de la fin de l’année 2014 de faire en sorte que toutes les
demandes en remboursement des frais professionnels des salariés soient rentrées
dans ce délai de trois mois (pièces 8, 9 et 10).

Il verse encore des attestations testimoniales aux fins d’établir la connaissance par
la salariée du règlement d’ordre interne.

L’employeur en conclut que la salariée devait avoir connaissance du règlement
intérieur lui imposant un délai de trois mois pour faire sa demande de
remboursement, de sorte qu’en étant hors délai, sa demande serait à rejeter.

À défaut, l’employeur estime que les présomptions avancées par lui constituent des
contestations sérieuses rendant la demande de la salariée irrecevable.

La Cour constate, à la lecture des pièces soumises à son appréciation par
l’employeur, que les nombreuses critiques formulées par ce dernier à l’égard de la
demande de A ne sont pas dénuées de fondement et la conduiraient à procéder à une
analyse approfondie des moyens des deux parties.

Or, le juge des référés est le juge de l’évident et de l’incontestable et il y a
contestation sérieuse dès lors que l’un des moyens de défense opposés à la
prétention du demandeur n’est pas manifestement vain, dès lors qu’il existe une
incertitude sur le sens dans lequel trancherait le juge du fond.

Il s’ensuit qu’en l’espèce, la Cour serait amenée à se substituer au juge du fond, de
sorte que la demande en provision de A doit être déclarée, par confirmation de la
décision déférée, irrecevable. (C.S.J., ord, 26/10/2017, 43838).