Période d’essai et éligibilité au congé parental

Par requête régulièrement déposée le 4 juillet 2016, A a fait convoquer devant le Président du tribunal du travail son ancien employeur, la société à responsabilité limitée B, B1, pour voir annuler son licenciement avec préavis du 29 juin 2016 et voir ordonner son maintien dans l’entreprise de la société défenderesse.

 

A l’appui de sa demande en maintien dans l’entreprise, la requérante expose que la résiliation intervenue contreviendrait aux dispositions de l’article L.234-48 (2) consacrant la protection de la femme à partir du dernier jour du délai pour le préavis de notification de la demande de congé parental (2 mois avant le début du congé de maternité) et pendant toute la durée du congé parental (en l’espèce dès le 1er décembre 2015, le congé de maternité commençant le 1er février 2016). Il résulterait des dispositions de l’article L.234-48 précité, prévoyant l’hypothèse d’un contrat de travail assorti d’une clause d’essai, que le législateur n’a pas entendu déroger à la protection légale contre le licenciement en cas de congé parental, même si le contrat de travail est assorti d’une clause d’essai.

La société défenderesse, tout en se rapportant à prudence de justice quant à la compétence du tribunal saisi, demande à voir déclarer irrecevable, sinon non fondée la demande, au motif que A, se trouvant en période d’essai, n’était, selon la loi, pas en droit de demander un congé parental.

Par une ordonnance contradictoire du 12 août 2016, la Présidente du tribunal du travail de et à Luxembourg a, après avoir rappelé les dispositions de l’article L.234-48 (2) et (3) du code du travail, dit la demande de A irrecevable.

Pour statuer comme elle l’a fait, la Présidente du tribunal du travail a relevé que « la loi dispose que le salarié lié par un contrat à durée indéterminée comportant une clause d’essai ne peut demander le congé parental qu’après l’expiration de la période d’essai.

En l’occurrence, le bénéfice du congé parental a été demandé par A en date du 17 novembre 2015, soit en période d’essai et même avant le début du congé de maternité.

Or, la demande en vue de se voir accorder un congé parental au cours de la période d’essai ne peut être valablement formée.

La demande du congé parental n’étant pas régulière de ce fait, la requérante ne peut pas bénéficier de la protection de l’article L.234-48(2) et (3) du Code du travail.

Il y a dès lors lieu de rejeter tant la demande en nullité que la demande en maintien dans l’entreprise B. »

A a régulièrement interjeté appel de la susdite ordonnance par requête déposée au greffe de la Cour le 23 août 2016.

L’appelante demande de déclarer son appel fondé et, par réformation, de l’ordonnance entreprise, de dire que la résiliation de son  contrat de travail est nulle et de nul effet, partant d’ordonner son maintien dans la société employeuse.

Elle fait grief à la Présidente du tribunal du travail, d’avoir omis, dans son appréciation, de tenir compte du fait « qu’en l’espèce, l’intimée (soit l’employeur) avait expressément accepté qu’elle bénéficie d’un congé parental à l’issue de son congé de maternité ; que cette circonstance est pourtant un élément central en l’affaire. Elle estime en effet, qu’en signant la demande de congé parental pour accord, l’employeur ne peut plus se prévaloir du report de l’essai pour s’opposer à la protection contre la résiliation du contrat de travail .. ».

Il est constant en cause, comme résultant des pièces soumises à l’appréciation de la Cour, que suivant contrat de travail ayant pris effet le 1er juin 2015, A a été engagée par la partie défenderesse.

L’article 9 du dit contrat de travail stipule une clause d’essai de 6 mois.

En date du 31 juillet 2015, la société à responsabilité limitée B, B1, a résilié le contrat de travail à l’essai avec préavis.

Suite à la notification du certificat médical de grossesse du 6 août 2015,  la société à responsabilité limitée B, B1, a annulé la résiliation du contrat de travail avec préavis suivant courrier du 7 août 2015.

Le congé de maternité a débuté le 1er février 2016, l’enfant est né le 5 avril 2016 et le congé de maternité postnatal a pris fin le 27 juin 2016.

Suite à sa demande de congé parental à temps plein du 17 novembre 2015,  A s’est vue notifier une confirmation de congé parental d’une part, par son employeur, qui lui a retourné le formulaire dûment daté et signé en date du 23 novembre 2015, d’autre part, par courrier de la Caisse nationale des Prestations familiales du 28 juin 2016, congé parental à plein temps, dont la durée a été fixée du 28 juin 2016 au 27 décembre 2016.

Suivant courrier recommandé du 29 juin 2016, la société à responsabilité limitée B, B1, a informé A de ce qu’elle résilie son contrat de travail avec un préavis de 24 jours prenant fin le 23 juillet 2016.

Suivant courrier du 12 juillet 2016, la Caisse nationale des Prestations familiales a rejeté la demande en obtention de l’indemnité pour le congé parental à plein temps.

A a formé opposition contre cette décision suivant courrier de son mandataire du 3 août 2016.

D’après l’appelante et depuis le 29 juin 2016, date à laquelle l’employeur a notifié la résiliation de son contrat de travail, elle était légalement protégée contre une telle résiliation en application de l’article L.234-48 (2) du code du travail, sinon que l’employeur ne pouvait plus s’opposer à une protection pour avoir accepté la demande de congé parental, de sorte qu’en conformité avec l’article L.234-48 (3) du code du travail, ladite résiliation devrait être déclarée nulle et sans effet.

L’appelante prétend en outre à l’appui de son recours, « qu’en tout état de cause et contrairement à ce qu’a considéré le premier juge, la disposition de l’article L.234-48 (6) du code du travail ne doit pas être interprétée comme dérogeant aux règles de protection de l’article L.234-48 (2) et (3), ni même à l’article L.234-46 du code, qui règlemente le moment où le salarié doit demander le bénéfice du congé parental. »

Elle soutient que l’article L.234-48 (6) ne dit d’ailleurs pas qu’il déroge aux prédites dispositions et que cet article dispose lui-même qu’il ne fait exception qu’aux dispositions obligeant l’un des deux parents à prendre son congé parental directement après le congé de maternité.

Finalement, elle ajoute que la loi est claire pour dire que dès lors que le parent remplit les conditions de l’article L.234-43 du code, il a droit à un congé parental et que parmi ces conditions, il n’est pas imposé que le parent ne soit plus lié par un contrat de travail à l’essai.

A cela s’ajouterait que la loi prévoit que l’employeur peut refuser le congé parental s’il n’est pas demandé dans les formes et délais prévus à l’article L.234-46 du code.

Elle expose encore que l’article L.234-48 (5) prévoit quant à lui limitativement deux exceptions à la protection légale contre la résiliation du contrat de travail, à savoir l’arrivée du terme d’un contrat à durée déterminée et le licenciement avec effet immédiat pour faute grave.

Dès lors, en observant les dispositions réglementant le congé parental dans son ensemble, on se rend compte que le raisonnement du premier juge implique que, dans tous les cas où une période d’essai est en cours au moment de la grossesse d’une salariée et qu’elle est reportée après son congé de maternité, si la salariée doit attendre l’expiration de sa période d’essai pour demander le bénéfice d’un congé parental, il serait systématiquement loisible à l’employeur de lui en refuser le bénéfice, en lui reprochant de ne pas avoir respecté les délais prévus à l’article L.234-46 du code pour formuler sa demande.

Une telle situation est contraire, d’après l’appelante, au principe constitutionnel d’égalité.

L’intimée conclut à la confirmation de l’ordonnance déférée par adoption de ses motifs.

D’après l’article 234-48 (2) et (3) du code du travail  :

(2) A partir du dernier jour du délai pour le préavis de notification de la demande du congé parental, tel que défini à l’article L. 23446, paragraphes 1er et 2 et pendant toute la durée du congé, l’employeur n’est pas autorisé à notifier au salarié la résiliation de son contrat de travail ou, le cas échéant, la convocation à l’entretien préalable tel que prévu par l’article L. 124-2. Cette disposition s’applique tant au congé à plein temps qu’au congé à temps partiel. La résiliation du contrat de travail effectuée en violation du présent article est nulle et sans effet.

(3) Dans les quinze jours qui suivent le licenciement, le salarié peut demander, par simple requête, au président de la juridiction du travail, qui statue d’urgence et comme en matière sommaire, les parties entendues ou dûment convoquées, de constater la nullité du licenciement et d’ordonner le maintien de son contrat de travail.

L’ordonnance du président de la juridiction du travail est exécutoire par provision; elle est susceptible d’appel qui est porté, par simple requête, dans les quinze jours à partir de la notification par la voie du greffe, devant le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les recours en matière de droit du travail. Il est statué d’urgence, les parties entendues ou dûment convoquées.

Finalement aux termes de l’article L.234-48 (6) du même code  « (6) Dans le cas d’un salarié lié par un contrat à durée indéterminée comportant une clause d’essai, et par exception à l’article L. 23445, paragraphe 3, alinéa 1, première phrase, le droit au congé parental ne peut prendre effet et le congé ne peut être demandé qu’après l’expiration de la période d’essai. »

Au moment de formuler sa demande en obtention du congé parental, soit le 17 novembre 2015, A était en période d’essai.

Or, comme l’a, à juste titre, rappelé la Présidente du tribunal du travail, la disposition de l’article L.234-48 (6) précité, règle non seulement la question de la prise d’effet du congé parental, mais également le moment à partir duquel un salarié en période d’essai est en droit de demander un congé parental.

L’exclusion de la période d’essai de la prise d’effet du congé parental et du droit pour le salarié de demander le congé parental litigieux, s’explique non seulement par la circonstance que la prise du congé parental pendant cette période d’essai empêcherait l’employeur d’utiliser effectivement les mois prévus par la clause d’essai pour vérifier l’adéquation du salarié pour le poste déterminé, mais encore l’empêcherait, ainsi que d’ailleurs le salarié, de rompre l’essai dans l’hypothèse où ce dernier ne serait pas concluant.

Dans la mesure où la susdite disposition, qui est restrictive quant à la demande et aux effets du congé parental, est claire et non équivoque, qu’elle est encore contraignante et s’impose donc de la même manière à toutes les parties au contrat de travail, la salariée n’était pas en droit de demander un congé parental à ce moment-là et l’employeur, ni d’ailleurs la Caisse des prestations familiales, n’étaient autorisés à accorder à la salariée un congé parental, sauf à méconnaître, respectivement violer la loi.

Il y a lieu de relever que les arguments soulevés par l’appelante relativement à la date à laquelle la salariée aurait pu ou dû prendre son  congé parental est, eu égard aux développements faits ci-avant, un faux débat, dans la mesure où le congé parental ne peut pas être demandé pendant la période d’essai, sauf à méconnaître la loi, de sorte que même si un employeur accorde, comme en l’espèce, le congé parental, il n’en reste pas moins que la loi s’applique en ce sens que la demande afférente de la salariée est irrégulière et n’entraîne aucune protection de la salariée contre le licenciement, l’intention du législateur ayant justement été de permettre à l’essai, en raison de la nature non définitive entre parties du contrat à l’essai, de se réaliser, de se concrétiser ou alors de se terminer à l’initiative des parties au cas où il n’aurait pas été concluant.

Quant au principe d’égalité prévu à l’article 10 bis § 1 de la Constitution, qui d’après la salariée aurait été méconnu en l’espèce, sa mise en œuvre suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable au regard de la mesure invoquée.

Partant, le législateur peut, sans violer la règle constitutionnelle d’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes différents à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives et qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but.

Dès lors, dans la mesure où la nature et le régime juridique du contrat à l’essai et du contrat à durée déterminée sont fondamentalement différents, le premier n’étant contrairement au deuxième pas définitif, avec toutes les conséquences que cela implique au niveau des droits et obligations des parties, les deux catégories de salariés, soit celui se trouvant à l’essai et celui dans les liens d’un contrat à durée indéterminée, ne se trouvent pas dans des situations comparables, de sorte que la différence de traitement entre ces deux catégories procèdent bien de disparités objectives, et est rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but.

Le moyen soulevé par A n’est partant pas fondé.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que la Présidente du tribunal du travail a décidé que la salariée n’était pas éligible au congé parental, que sa demande de congé parental n’était partant pas régulière, de sorte qu’elle ne pouvait pas bénéficier de la protection de l’article L.234-48 (2) et (3) du code du travail et que sa demande tendant à l’annulation de la résiliation du contrat de travail, ainsi que sa demande en maintien dans l’entreprise devaient être rejetées.

L’appelante réclame encore une indemnité de procédure de 1.500 euros sur base de l’article 240 du NCPC.

Or, la partie qui succombe et est condamnée aux frais et dépens de l’instance ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 240 du nouveau code de procédure civile, de sorte que sa demande afférente est à rejeter. (Ord, 20/10/2016, 43943).