Non-réalisation des objectifs – insuffisance professionnelle
La Cour retient que le contrat de travail du 21 août 2009 ne contient pas de volume des avoirs de clients que le salarié devrait atteindre dans le délai de six mois ou dans un autre délai.
Même si l’objectif n’est pas fixé au contrat de travail, en vertu de son pouvoir de direction le chef d’entreprise a le droit de fixer au salarié un objectif à atteindre.
En cas de licenciement en raison de ce que l’objectif n’est pas atteint, il appartient à la juridiction de vérifier si l’objectif était réaliste et si le défaut de réalisation de l’objectif est imputable au salarié.
Au vu des développements du salarié, il est établi que l’attente de l’employeur d’un volume de 25 millions était communiquée dès les entretiens d’embauche et réitérée sur toute la période d’activité, notamment en août 2010, où le résultat insuffisant aux yeux de l’employeur a conduit à la suppression du paiement du forfait mensuel de frais de 1.250 euros, acceptée par le salarié.
La Cour note que l’atteinte d’un volume de 25 millions dans un délai de six mois signifie que dans un délai de 26 semaines, le salarié amène 25 clients au volume chacun de 1.000.000 euros, ou 50 clients au volume chacun de 500.000 euros, ou plus de clients au volume moins important.
En contrepartie, le salarié touche en début de contrat une rémunération brute mensuelle fixe de 6.425 euros à partir du 1er octobre 2009 (cote d’application de l’échelle mobile : 702,29), une rémunération variable de 20 % des honoraires perçus par l’entreprise (gratification), ainsi qu’un forfait mensuel de frais de 1.250 euros.
Suivant la lettre de licenciement, la période initiale de six mois pour la réalisation du volume de 25 millions a été prolongée de six mois jusqu’au 30 septembre 2010, fin de la période d’essai.
Le 12 août 2010, le forfait mensuel de frais de 1.250 euros est supprimé avec effet au 1er septembre 2010.
Par avenant du 12 août avec effet au 1er octobre 2010, la rémunération mensuelle est fixée à 6.600 euros (en raison de la législation sur l’indexation des salaires, la rémunération avait été augmentée le 1er juillet 2010 de 2,5% à 6.585,63 euros).
Le contrat de travail n’a pas été résilié avant le 1er octobre 2010, fin de la période d’essai d’un an.
Une nouvelle augmentation légale du salaire de 2,5% à 6.765 euros intervient le 1er octobre 2011 (cote d’application 737,83).
Par avenant du 31 mai 2012, avec effet au 1er juillet 2012, la rémunération est réduite au montant de 4.059 euros (6.765 x 0,6).
Dès lors, à partir du 1er juillet 2012, le salarié ne perçoit mensuellement que 50,64256% du montant fixé initialement au titre de la rémunération mensuelle et du forfait de frais (6.765 + 1.250 = 8.015 euros).
En admettant une proportion entre la rémunération fixe et l’objectif à atteindre, le volume qui correspond à la rémunération réduite s’élève à 12.660.640 euros (25.000.000 x 50,64256%).
Au vu de l’attestation testimoniale de GK, versée par l’employeur, le volume des clients de M. A.), pris en compte pour la gratification, est de 6.818.167 euros en 2010, 8.323.174 euros en 2011 et 9.976.344 euros en 2012.
Suivant conclusions du 20 mai 2015 de l’employeur, le volume acquis par M. A.) était au 31 décembre 2013 de 11,3 millions : sept clients domiciliés en Allemagne avec un volume de 4.600.000 et sept clients domiciliés en Belgique avec un volume de 6.700.000 euros.
Le salarié revendique à son compte deux millions additionnels.
L’employeur soutient que le salarié n’aurait eu en moyenne qu’un rendez-vous par semaine avec un client. En effet, en vue d’une entrevue avec un client il aurait demandé une fiche de travail en 2009, 31 fiches en 2010, 48 fiches en 2011, 41 fiches en 2012 et 48 fiches en 2013.
La Cour note qu’au 31 décembre 2010, le salarié avait acquis un volume de 6.818.167 euros (une fiche en 2009 et 31 fiches en 2010). Le volume a progressé à 8.323.174 euros en 2011 (48 fiches), à 9.976.344 euros en 2012 (41 fiches) et à 11.300.000 euros en 2013 (48 fiches).
La progression n’est donc pas corrélative au nombre de ces rendez-vous avec fiche de travail. La progression de loin la plus importante a eu lieu au courant de la première année de service.
Il n’est pas établi que le salarié ait pu et dû avoir plus d’entretiens de ce type et que le volume de 25.000.000 euros ait alors été atteint soit dès les premiers six mois, soit avant la fin de la période d’essai, soit avant le licenciement.
Le nombre usuel ou normal de ces entretiens et le résultat concomitant ne sont pas établis.
Il n’est pas non plus établi que M. A.) se soit limité à ces entretiens et démarchages avec fiche de travail, et qu’il ait acquis son volume d’avoirs lors de tels entretiens.
L’employeur fait aussi état d’attestations testimoniales d’autres salariés qui auraient atteint les objectifs fixés. Le témoin BP déclare avoir travaillé pour l’entreprise SOC1.) à partir du 15 août 2012. Ayant atteint le volume fixé de 25.000.000 euros au bout de six mois, sa rémunération a été augmentée le 1er février 2013. Il a bénéficié d’une deuxième augmentation après avoir réalisé l’objectif de 50.000.000 euros dans l’année.
Le témoin WF déclare avoir convenu d’un objectif de 50.000.000 euros dans les douze mois à compter de son entrée en service le 1er juillet 2014. Le témoin SP, engagé comme directeur à partir du 1er janvier 2015, avait comme objectif un volume de 50.000.000 euros dans les six premiers mois. Ces deux témoins n’attestent pas la réalisation des objectifs.
Il convient de constater que les objectifs ne sont pas identiques pour chaque personne.
Les rémunérations de ces salariés et leur importance par rapport aux résultats ne sont pas connues.
M. A.) soutient que le témoin BP avait la possibilité d’amener les clients qu’il gérait auprès de l’employeur qu’il quittait, les clients maintenant les polices à long terme auprès de l’ancien employeur, l’entreprise SOC1.) gérant les portefeuilles sous-jacents. Cette explication n’est pas contredite par l’employeur.
M. A.) déclare qu’il n’avait pas la possibilité d’emmener un tel nombre de clients d’une banque universelle auprès de son nouvel employeur.
Au vu des développements de la société SOC1.) et des documents versés en cause, il n’est pas établi que l’attente de l’employeur à l’égard de M. A.) ait été réaliste, compte tenu des antécédents professionnels du salarié, de sa situation sociale, de la fidélisation de clients et des possibilités de recrutement de clients qui s’en dégageaient, ainsi que compte tenu de l’évolution du marché, particulièrement au moment de l’entrée en service de M. A.) le 1er octobre 2009.
Il n’est pas non plus établi que la non-réalisation des attentes soit due à une inaptitude professionnelle ou une activité professionnelle insuffisante ou inefficace du salarié.
Dès lors, le motif du licenciement tiré de la non-réalisation des attentes de l’employeur ne constitue pas un motif réel et sérieux et le licenciement est abusif.
L’appel du salarié est justifié en ce qu’il concerne la décision ayant déclaré le licenciement fondé. (C.S.J., 20/10/2016, 42153).