Transfert d’entreprise – modification du contrat de travail – action en nullité – délai raisonnable à observer

Si la loi n’impose aucun délai particulier endéans lequel le salarié est tenu de réagir, respectivement d’agir contre la modification de son contrat de travail qui lui porte préjudice, il faut admettre que l’action du salarié se fasse cependant dans un délai raisonnable, sous peine de forclusion. Admettre le contraire, permettrait au salarié de laisser son employeur dans une insécurité juridique encore des années après la reprise.
Il en résulte que le salarié qui reste travailler plusieurs années auprès du nouvel employeur est censé, supposé avoir maintenu son contrat aux nouvelles conditions et avoir accepté la modification de son contrat de travail.
Le jugement est partant à confirmer en ce qu’il a décidé, pour rejeter la demande comme non fondée, « qu’à défaut d’avoir agi en nullité contre la modification du contrat dans un délai raisonnable, il faut admettre qu’il a implicitement accepté l’application, moins favorable, des dispositions légales prévues dans le domaine de l’hôtellerie et de la restauration

 

Par requête déposée au greffe du tribunal du travail de Luxembourg le 29 avril 2015, A réclama à son ancien employeur, la société S1 S.A., des arriérés de salaires correspondant aux majorations pour heures travaillées le dimanche et le soir ou les nuits au cours des années 2012, 2013 et 2014, soit un montant de 19.075,04 euros, ainsi que 4 jours de congé conventionnels non payés pour les mêmes années, soit 1.352 euros.

Il fit exposer à l’appui de sa demande que par contrat de travail du 27 septembre 2010, il a été engagé à partir du 16 octobre 2010 en qualité de serveur par la société S2 S.A., le lieu de travail se situant à X dans l’établissement hôtelier H, appartenant à la B (B) et exploité par la société S2 S.A.

Par contrat de bail commercial du 26 mai 2011, la B a donné en location l’établissement H à la société S1 S.A. pour y exploiter à partir du 1er juin 2011 l’activité hôtelière assurée jusqu’au 31 mai 2011 par la société S2 S.A. Le contrat de location, conclu pour une durée déterminée de 37 mois, a expiré le 30 juin 2014.

Dans ce même contrat, la société S1 S.A. s’est engagée à reprendre à partir du 1er juin 2011, le personnel engagé par la société S2 SA, dont le requérant.

Une convention tendant à la reprise du personnel fut signée entre la société S1 S.A. et la société S2 S.A. le même jour prévoyant que l’intégralité des droits et obligations nés des contrats de travail conclus avec la société S2 S.A. sont transférés à la société S1 S.A. en application de l’article L.127-3 du Code du travail.

A soutint que malgré l’engagement de la part de son nouvel employeur, celui-ci ne lui aurait pas payé les heures travaillées le dimanche avec la majoration de 70% ni les heures de travail de nuit prestées après 22.00 heures avec le supplément de 25%.
Il ajoute que la société S1 S.A. ne lui aurait pas non plus accordé les quatre jours de congés conventionnels supplémentaires par an dont il a pu bénéficier auprès de son ancien employeur.

La société S1 S.A. fit valoir qu’elle a, dès la reprise de l’activité et des salariés, appliqué aux salariés travaillant à l’hôtel H le régime applicable aux restaurateurs et hôteliers et plus particulièrement en ce qui concerne le travail du dimanche, elle a attribué à chacun des salariés ayant travaillé plus de 20 dimanches, deux jours de congés supplémentaires. Elle ajouta que le régime dérogatoire au droit commun applicable aux salariés occupés dans l’hôtellerie et la restauration prévoit que pour le travail de nuit, le supplément n’est dû que pour le travail presté après 01.00 heure et que comme le salarié n’a pas travaillé aussi tard, aucun supplément n’était dû.

Elle fit plaider que le contrat de travail d’A, tout comme les contrats des autres salariés repris, ne fait état d’aucun avantage extra-légal qui lui aurait été accordé par la société S2 S.A. et que la convention du 26 mai 2011 ne précise pas non plus l’existence d’avantages accordés aux salariés. Elle fit valoir qu’elle ne s’est fait remettre par la société S2 S.A. que le tableau identifiant les salariés concernés par le transfert avec des informations sur leur fonction, leur âge, leur ancienneté, le classeur contenant les contrats de travail, les cartes d’impôt, les fiches d’aptitude de la médecine du travail et un tableau récapitulatif relatif aux congés payés et récupérations encore dues sans comporter une trace relative à des avantages accordés aux salariés. Elle contesta dès lors que des avantages tels que revendiqués par le salarié lui furent accordés par son ancien employeur.

Elle soutint qu’elle s’estimait dans son droit de leur appliquer les dispositions dérogatoires au droit commun s’appliquant au domaine de l’hôtellerie et de la restauration, notamment par rapport à la durée du travail et les dispositions légales de droit commun en ce qui concerne les jours de congés annuels payés.

A titre subsidiaire, la société S1 S.A. donna à considérer que la société S2 S.A. qui faisait partie d’un groupe de sociétés principalement actif dans le domaine des soins et qui était la seule société non active dans ce domaine a appliqué par erreur à tous
ses salariés les avantages prévus par la Convention collective pour le secteur d’Aides et de Soins et du Secteur social. Cependant comme cette convention collective n’était pas applicable à la société S2 S.A., elle n’a pas pu être transférée et elle ne lui était dès lors pas opposable.

Elle ajouta qu’en tout état de cause elle ne serait pas tenue par cette convention collective, étant donné qu’elle travaille dans le seul domaine de l’hôtellerie. Elle donna, en outre, à considérer que la Convention collective pour le secteur d’Aides et de Soins et du Secteur social a expiré le 30 octobre 2011, de sorte qu’à titre plus subsidiaire, elle n’aurait été tenue que de l’application de cette convention jusqu’au 30 octobre 2011.

Finalement, elle releva que les salariés, dont A, à part un courrier en mars 2012, n’ont jamais protesté contre cette modification de leur rémunération et n’ont jamais agi en nullité de la modification des conditions de travail en application de l’article L.121-7 du code du travail.

Elle considéra, dès lors, que le salarié a implicitement accepté l’application du régime légal prévu dans son secteur d’activité.

Par un jugement contradictoire rendu en date du 15 juillet 2016, le tribunal du travail a dit la demande d’A non fondée et l’en a débouté.
Pour statuer comme il l’a fait, le tribunal du travail, après avoir constaté que l’employeur avait repris l’ensemble des salariés de la société S2 S.A. suite à un transfert d’entreprise, partant tous les droits et les obligations découlant de leur précédent contrat de travail, dont les avantages litigieux, soit les majorations litigieuses allouées au salarié par la société S2 S.A., a relevé que la société S1 S.A.
n’a pas payé à A ces avantages, pour ensuite constater que le salarié, qui avait partant subi une modification substantielle de ses conditions de travail, n’avait cependant pas protesté contre cette modification dans un délai raisonnable, de sorte qu’il en a conclu que le salarié a implicitement accepté l’application, moins favorable, des dispositions légales prévues dans le domaine de l’hôtellerie et de la restauration.

A a régulièrement interjeté appel du susdit jugement par exploit d’huissier du 9 septembre 2016.

L’appelant demande, par réformation du jugement déféré, de dire fondée et justifiée sa demande tendant au paiement du montant total de 20.427,04 € + p.m. du chef d’arriérés de salaires, correspondant à la période allant du 28 avril 2012 au 31 décembre 2014, à titre d’heures prestées la nuit et le dimanche au profit et à la demande de son employeur, prestations demeurées impayées, ainsi qu’à titre de congés conventionnels supplémentaires de quatre jours par an correspondant aux années 2012, 2013 et 2014 également demeurés impayés, ce montant avec les intérêts légaux tels que de droit à partir de la demande en justice, jusqu’à solde.

Subsidiairement, l’appelant demande à voir admettre son offre de preuve formulée en instance d’appel, reprise dans le corps de l’acte d’appel.

Il fait valoir avoir bénéficié auprès de son ancien employeur, la société S2 S.A. d’avantages tels que la majoration de 70% de salaire pour le travail du dimanche, la majoration de salaire de 25% pour toute heure prestée la nuit au-delà de 22 heures, ainsi que quatre jours supplémentaires de congés payés par an, avantages que la société S1 S.A. était partant tenue, suite au transfert, de lui payer sur base de l’article L.127-3 du code du travail.

Il expose qu’aux termes de l’article L.127-3 du code du travail, « les droits et obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert, sont du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire », que la conséquence directe de cette disposition est que les clauses individuelles et autres avantages doivent dès lors rester acquis aux salariés transférés.

Il souligne que les avantages sollicités résultent des pièces versées en cause.

L’appelant fait tout d’abord grief au tribunal du travail d’avoir retenu qu’il n’avait pas prouvé l’octroi par la société S2 S.A. des quatre jours de congés supplémentaires par an revendiqués. Il explique cependant que cette preuve résulte du courrier du 14 mars 2012 de la B, courrier dont le tribunal a fait abstraction bien que l’ayant cité dans son jugement ; son droit aux congés supplémentaires résulterait encore de la fiche de salaire du mois de mai 2011.

II reproche ensuite à la juridiction de première instance d’avoir retenu que son employeur avait procédé à une modification d’une clause essentielle du contrat de travail sans respecter les formes alors qu’il ne pourrait y avoir eu une telle modification d’une clause essentielle du contrat de travail dans la mesure où les avantages lui accordés et transférés ne figuraient pas dans le contrat de travail, de sorte qu’il ne pouvait agir en nullité d’une prétendue modification du contrat de travail.

Il fait encore valoir qu’à supposer qu’il y ait eu une modification, elle ne lui a pas été notifiée légalement, de sorte qu’il ne pouvait pas non plus en demander la nullité.

Il conteste partant formellement avoir renoncé au paiement des majorations  litigieuses et avoir accepté la modification, ce d’autant plus que l’ensemble des salariés a fait les démarches nécessaires, pendant la période d’engagement, pour obtenir le paiement de ces avantages.

A formule finalement une offre de preuve par témoins et par expertise, et demande à la Cour d’enjoindre à la société S1 S.A. de verser les annexes 1, 2, 3 de la convention de cession datée du 26 mai 2011.

L’intimée conclut à la confirmation du jugement déféré et au rejet de l’offre de preuve formulée par le salarié.

Elle qualifie l’opération intervenue entre la B et elle de location-gérance ayant entrainé un transfert du personnel de la société S2 S.A. ayant exploité l’hôtel « H » vers la société S1 S.A. à partir du 1er juin 2011, et précise qu’une convention de cession du personnel d’une société à l’autre fut signée pour matérialiser le transfert du personnel laquelle ne comporta cependant aucune clause par rapport à des avantages extra-légaux qui auraient été accordés par la société S2 S.A. à son personnel et que la société S1 S.A. aurait été contrainte de maintenir, ce d’autant plus que le contrat de travail du salarié ne faisait pas non plus référence à de tels avantages.

En l’absence d’écrit établissant l’existence de ces avantages, la société S1 S.A. est partie du principe que les salariés transférés avaient été soumis aux dispositions de droit commun du code du travail ainsi qu’aux dispositions dérogatoires prévues par ce même code dans le domaine de l’hôtellerie et de la restauration, notamment pour les heures travaillées le dimanche et pour le travail de nuit.
Ces dispositions dérogatoires ayant été appliquées au salarié, ce dernier ne pourrait partant plus prétendre à des majorations de salaire.

Pour la société S1 S.A., il incomberait au salarié, en l’absence de tout écrit, de prouver qu’il bénéficiait de ces avantages, que le courrier du 14 mars 2012 de la société C S.A. qui s’occupe de la gestion du personnel du groupe dont fait partie la B ne suffit pas à faire cette preuve et elle estime qu’elle n’est pas tenue d’appliquer ces avantages qui ne se justifient pas.

Ensuite, l’intimée se rallie à la décision des juges de première instance qui ont décidé que les salariés qui n’ont pas réagi pendant la période d’engagement, soit pendant les 37 mois, ont tous implicitement accepté l’application du régime légal prévu dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration et ne peuvent dès lors plus venir réclamer les majorations litigieuses.

Elle considère finalement que même des avantages non écrits auraient dû être repris par le nouvel employeur et dans l’hypothèse d’espèce de la non-reprise de ces avantages faire l’objet d’une action en nullité sur base de la modification d’une condition essentielle du contrat de travail, ce qui ne fut cependant pas le cas.

Chacune des parties revendique une indemnité de procédure sur base de l’article 240 du NCPC.

La Cour renvoie concernant les faits et circonstances de la présente affaire à la relation correcte et exhaustive faite par le tribunal du travail pour la faire sienne dans son intégralité.

Il échet de rappeler que le salarié revendique à son profit les avantages dont il prétend avoir bénéficié auprès de la société S2 S.A. et qui, d’après lui, ont été transférés à la société S1 S.A., à savoir :

– une majoration de 70% pour le travail du dimanche,
– une majoration de 100% pour le travail des jours fériés.
– une majoration de 25% pour le travail de nuit effectué entre 22hoo et 6hoo,
– un congé conventionnel supplémentaire de 4 jours par an,

demande qui reste contestée par l’intimée dans son principe et montant.

Dans ses dernières conclusions d’appel, le salarié fait état pour la première fois d’heures supplémentaires prestées les dimanches et de leur majoration, demande contestée par l’employeur qui précise qu’il s’agirait d’une demande nouvelle irrecevable en instance d’appel.

Dans la requête introductive d’instance du 29 avril 2015, tel qu’elle a été reprise dans le jugement du 15 juillet 2016 par les premiers juges ainsi que dans son acte d’appel, le salarié n’a toujours réclamé que « des arriérés de salaires, pour la période allant du 28 avril 2012 au 31 décembre 2014, à titre d’heures prestées la nuit et le dimanche et à titre de congés conventionnels supplémentaires de 4 jours par an demeurés impayés », sans jamais avoir fait référence à des heures supplémentaires.

Il s’ensuit que la demande actuelle du salarié en tant qu’elle tend au paiement d’heures supplémentaires est irrecevable pour constituer une demande nouvelle en appel.

Quant au fond de l’affaire, il résulte des pièces soumises à l’appréciation de la Cour, notamment de la convention signée entre d’une part, la société S2 S.A. et d’autre part, la société S1 S.A. en date du 26 mai 2011, que les susdites sociétés ont voulu opérer un transfert d’entreprise au sens de l’article L.127-3 du code du travail par laquelle la société S1 S.A. s’est engagée à reprendre, non seulement l’activité, mais encore les salariés de la société S2 S.A., partant les droits et obligations incombant à la société S2 SA.
La susdite convention précise en effet en son article 1er alinéa 2 « Le Personnel ainsi que tous les obligations et engagements liés aux contrats de travail conclus avec le Personnel seront par conséquent repris par le Futur Exploitant à la date d’effet de la présente Convention, telle que définie à l’article 7 de la présente Convention (ci-après la « Date de prise d’effet ») », ainsi que dans son article 2 sous « modalités de reprise du personnel » :

« En conformité avec l’article L.127-3 du code du travail l’intégralité des droits et obligations qui résultent pour l’Actuel Exploitant des contrats de travail conclus avec le Personnel en vigueur à la Date de prise d’effet seront transférés et devront être maintenus par le Futur Exploitant.

En application de l’article L.127-3(2) du code du travail l’Actuel Exploitant notifie par l’annexe 2 de la présente Convention les droits et obligations relatifs au Personnel, à jour du 26 mai 2011 pour le 31 mai 2011 (prévisionnel), au Futur Exploitant.

Le Futur Exploitant s’engage dès lors à reprendre et à prendre en charge l’intégralité des engagements et obligations liés au Personnel à compter de la Date de prise d’effet.

Par conséquent, le Futur Exploitant tiendra l’Actuel Exploitant quitte et indemne de tous responsabilités, engagements ou autres obligations de quelque nature que ce soit liés au Personnel à compter de la Date de prise d’effet. »

Il y est même précisé à l’article 8 que « la présente convention vaut notification au sens de l’article L.127-3(2) du code du travail ».
D’après l’article L.127-3 du code du travail :

« (1) Les droits et obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire.(…) ».

Au sens du premier alinéa, sont considérés comme relations de travail, notamment, les contrats de mission tels que définis par le titre III du présent livre et existant à la date du transfert.

Le cédant et le cessionnaire sont, après la date du transfert, responsables solidairement des obligations venues à échéance avant la date du transfert à la suite d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert.

Le cédant est tenu de rembourser les montants acquittés par le cessionnaire en application de l’alinéa précédent, sauf s’il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans une convention entre cédant et cessionnaire.

(2) Le cédant doit notifier en temps utile au cessionnaire tous les droits et obligations qui lui sont transférés en vertu du présent article, dans la mesure où ces droits et obligations sont connus ou devraient être connus du cédant au moment du transfert.

Copie de cette notification doit être adressée à l’Inspection du travail et des mines.

Le fait que le cédant omet de notifier au cessionnaire l’un ou l’autre de ces droits ou obligations n’a pas d’incidence sur le transfert de ce droit ou de cette obligation ni sur les droits des salariés à l’encontre du cessionnaire ou du cédant en ce qui concerne ce droit ou cette obligation.

(3) Après le transfert, le cessionnaire maintient les conditions de travail convenues par une convention collective dans la même mesure que celle-ci les a prévues pour le cédant, jusqu’à la date de la résiliation ou de l’expiration de la convention collective ou de l’entrée en vigueur ou de l’application d’une autre convention collective. »

Il en découle que le cessionnaire, en l’occurrence la société S1 S.A., est en principe tenu des obligations et avantages dont les salariés avaient bénéficié auprès du cédant, la société S2 S.A.

Or, tandis que le salarié se prévaut d’avantages acquis auprès de la société S2 S.A. tels qu’énumérés ci-devant, la société S1 S.A. persiste à en contester l’existence, motif pour lequel elle n’en a pas fait bénéficier le salarié après la reprise le 1er juin 2011.

La Cour relève dans un premier temps que ni la B, respectivement la société S2 S.A., ni le salarié d’ailleurs, n’ont à aucun moment précisé avoir été soumis dans le cadre de leur relation de travail à la Convention collective applicable au secteur d’activité d’Aides et de Soins et du Secteur social, partant avoir fait bénéficier les salariés des avantages contenus dans cette convention collective, ce qui est par ailleurs logique compte tenu du secteur d’activité de la société S2 S.A., la restauration et l’hôtellerie, qui n’était partant pas soumise à cette convention.

Cette hypothèse a été avancée uniquement par le cessionnaire dans ses conclusions sans autres preuves, sans doute pour trouver une raison ou explication à l’octroi de ces avantages hors du commun aux salariés de la société S2 S.A., dont l’activité était celle de la restauration et de l’hôtellerie, activité en principe soumise à une autre convention collective qui ne prévoit pas de tels avantages.

Il en résulte que l’ensemble des développements faits de part et d’autre par les parties au sujet de l’applicabilité ou non de la convention collective litigieuse sont à écarter.

Ensuite et en cas de contestations comme en l’espèce, il incombe à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver, partant au salarié de prouver l’existence des avantages dont il sollicite le paiement.

Il est un fait que ni le contrat de travail du salarié, ni son avenant consécutif, ni la convention de cession de mai 2011 conclu entre la société S2 SA et l’intimée ne fait état des avantages sollicités.

Il résulte en revanche d’un courrier du département des Ressources Humaines de la société C du 14 mars 2012 adressé à la déléguée du personnel auprès de la société S2 SA, la dame D, épouse E suite à sa demande afférente que :

« Madame D, Par la présente, nous vous certifions que les salariés de la S2 S.A., Hôtel H, avaient droit à un congé de recréation annuel de 25 jours et d’un congé conventionnel supplémentaire de 4 jours par an (cf. organisation du temps de travail en annexe).
Par ailleurs, les salariés de la S2 S.A. avaient droit aux suppléments suivants :

– Travail du dimanche (majoration 70 %)
– Travail des jours fériés (majoration 100 %)
– Travail de nuit (entre 22.00 et 6.00 heures) (majoration 25 %).

Dans la convention conclue entre la S2 S.A. et la S1 S.A. relative à la reprise de l’Hôtel H, les parties se sont engagées à respecter les dispositions légales en matière de transfert d’entreprise, notamment l’article L.127-3 du code du travail. (…). »

Il n’a pas été contesté que la prédite société C SA était en charge de la gestion centralisée des œuvres de la B, notamment de sa comptabilité, partant de la gestion de la société S2 S.A. et qu’elle était en tant que telle la mieux placée pour confirmer l’existence au sein de la société S2 S.A. des avantages litigieux.

Le contenu de ce courrier et donc de la réalité des avantages revendiqués par le salarié est finalement confirmé par les fiches de salaires d’A des mois de mars, avril et mai 2011 qui reprennent ces avantages.

En présence de ces fiches de salaire et du courrier de la société C, la société S1 S.A. est malvenue d’en contester la réalité, ce d’autant plus qu’il est encore improbable qu’elle n’ait pas eu, comme elle l’affirme, connaissance des fiches de salaires des
salariés de la société S2 alors qu’elle précise s’être vu remettre lors de la reprise des activités de cette dernière, l’ensemble des pièces concernant la situation des salariés au service de la société S2 S.A.

Il suit des considérations qui précèdent que la société S1 S.A. était partant légalement tenu de maintenir ces avantages suite à la reprise de l’activité et des salariés de la société S2 S.A.

Ne l’ayant pas fait, elle a, comme l’a à juste titre retenu le tribunal du travail, opéré une modification d’une clause essentielle du contrat de travail d’A en sa défaveur au sens de l’article L.121-7 du code du travail, modification qui n’est cependant pas intervenue dans les formes prévues par la loi.

En effet, aux termes de l’article L.121-7 du code du travail :

« Toute modification en défaveur du salarié portant sur une clause essentielle du contrat de travail doit, sous peine de nullité, être notifiée au salarié dans les formes et délais visés aux articles L. 124-2 et L. 124-3 et indiquer la date à laquelle elle sort ses effets. Dans ce cas, le salarié peut demander à l’employeur les motifs de la modification et l’employeur est tenu d’énoncer ces motifs dans les
formes et délais prévus à l’article L. 124-5.

La modification immédiate pour motif grave doit être notifiée au salarié, sous peine de nullité, dans les formes et délais prévus aux articles L. 124-2 et L. 124-10.

La résiliation du contrat de travail découlant du refus du salarié d’accepter la modification lui notifiée constitue un licenciement susceptible du recours judiciaire visé à l’article L. 124-11.(…) ».

La portée de l’article L.121-7 du code du travail est double en ce sens qu’il confère au salarié deux possibilités de réagir à une modification d’une clause essentielle en sa défaveur.

Si la modification est notifiée dans les conditions et formes de la loi, le salarié peut refuser cette modification. Son refus vaut résiliation du contrat de travail et la résiliation est considérée comme licenciement, donc comme rupture imputable à l’employeur. Dans ce cas le salarié peut agir en justice du chef de licenciement abusif.

Au cas où la modification n’est pas notifiée dans les conditions et formes de la loi, le salarié peut agir en nullité de la modification.
L’action qui tend à l’annulation de la modification n’est pas soumise à la condition de la démission du salarié.

Au contraire, le recours qui lui est conféré tend à la continuation des relations de travail aux mêmes conditions.

Or, A n’a ni démissionné, ni intenté une action en nullité contre cette modification, mais il a en revanche, continué à travailler pendant trois ans sous les nouvelles conditions de travail.

A soutient encore que comme les avantages acquis auprès de la société S2 S.A. et revendiqués par lui, ne figuraient ni dans son contrat de travail, ni dans l’avenant consécutif ni dans une convention collective déterminée, l’on ne pourrait parler ou invoquer une modification du contrat de travail, de sorte qu’il ne pourrait pas non plus lui être reproché, comme l’a fait le tribunal du travail, de ne pas avoir agi en nullité de la modification du contrat de travail et le fait qu’il n’a pas agi ne pourrait dès lors pas impliquer ni implicitement ni tacitement, qu’il a renoncé à ces avantages, respectivement accepté ses nouvelles conditions de travail moins favorables.

La Cour rejoint cependant à cet égard l’analyse judicieuse faite par la société S1 S.A. qui relève à bon escient, « que les règles qui encadrent la modification des conditions essentielles du contrat de travail s’appliquent à tous les avantages dont le salarié bénéficie en vertu de la relation contractuelle qui s’est nouée avec son employeur, que ceux-ci soient ou non formellement inscrits dans son contrat de travail écrit ».

Il en résulte qu’un avantage même consenti oralement par un employeur ou acquis par l’usage peut faire l’objet d’une révision ultérieure et partant être attaquée par le salarié.

A prétend ensuite avoir protesté à plusieurs reprises pendant les trois années qui ont suivi la reprise contre la révision de son contrat de travail.

S’il résulte bien des pièces versées que le syndicat OGBL a adressé au groupe F deux courriers en date des 22 février 2014 et 3 juin 2014, force est de constater que l’objet de ces contestations était plutôt l’arrêt des activités de la société S1 S.A.

« H » intervenue le 30 juin 2014, que le non-respect depuis 2011 par la même société des avantages acquis aux salariés, qui n’est évoqué que de façon très lacunaire sans la moindre précision.

Finalement, outre le fait que ces courriers de protestation ne sont pas suffisants en tant que tels, puisque la loi impose au salarié soit d’agir en nullité soit de refuser et donc de démissionner suite à la modification, ils interviennent encore et seulement trois ans après la reprise.

Or, si la loi n’impose aucun délai particulier endéans lequel le salarié est tenu de réagir, respectivement d’agir contre la modification de son contrat de travail qui lui porte préjudice, il faut admettre que l’action du salarié se fasse cependant dans un délai raisonnable, sous peine de forclusion. Admettre le contraire, permettrait au salarié de laisser son employeur dans une insécurité juridique encore des années après la reprise.

Il en résulte que le salarié qui reste travailler plusieurs années auprès du nouvel employeur est censé, supposé avoir maintenu son contrat aux nouvelles conditions et avoir accepté la modification de son contrat de travail.

Le jugement est partant à confirmer en ce qu’il a décidé, pour rejeter la demande comme non fondée, « qu’à défaut d’avoir agi en nullité contre la modification du contrat dans un délai raisonnable, il faut admettre qu’il a implicitement accepté l’application, moins favorable, des dispositions légales prévues dans le domaine de l’hôtellerie et de la restauration ».

Au vu la décision de confirmation du jugement déféré, il est superfétatoire d’analyser le problème de l’existence des quatre jours de congés conventionnels revendiqués, de même qu’il y a lieu de rejeter l’offre de preuve formulée par le salarié pour être redondante, ainsi que la demande du salarié en communication forcée des annexes 1 à 3 de la convention de cession datée du 26 mai 2011.
A réclame une indemnité de procédure de 2.500 euros pour les deux instances.

La société S1 S.A. réclame également une indemnité de procédure de 750 euros pour la première instance et de 1.500 euros pour l’instance d’appel.

Le jugement est à confirmer, par adoption de ses motifs, en ce qu’il a rejeté les demandes des parties basées sur l’article 240 du NCPC.

N’établissant pas l’iniquité prévue par l’article 240 du NCPC, les demandes afférentes des parties pour l’instance d’appel sont à rejeter. (C.S.J., 15/03/2018, 44167).