Licenciement : le juge ne peut négliger la présence d’attestations testimoniales.

Tout un chacun connaît l’importance du motif évoqué par l’employeur pour justifier le licenciement d’un salarié. Celui-ci doit reposer sur une cause réelle et sérieuse. La cause est réelle lorsqu’elle est précise, vérifiable et susceptible d’être prouvée. La cause est sérieuse lorsqu’elle justifie la rupture du contrat de travail.

La preuve des faits évoqués à l’appui du licenciement a donc une grande importance aussi bien pour l’employeur, car elle caractérise la réalité des faits ; que pour le salarié car à défaut d’éléments suffisamment probants, les magistrats devront donner une suite favorable à ses demandes en réparation. Chacune des parties, par la représentation de leurs avocats respectifs, apportera donc soigneusement les éléments de fait et de droit qui auront pour but la justification de la rupture du contrat de travail ou l’absence de justification.

Le système de preuve n’est pas uniquement basé sur la production de preuves parfaites (écrit sous seing privé ou authentique, serment décisoire ou aveu) qui s’imposent en principe au juge. Il est également admis que les preuves peuvent découler de modes imparfaits (le témoignage, la présomption, le serment supplétoire) qui laissent au juge un pouvoir d’appréciation beaucoup plus large.

Dans les conflits de droit du travail, l’employeur et le salarié recourent régulièrement aux modes de preuves imparfaits et notamment aux attestations testimoniales, qui relatent les faits auxquels leurs auteurs ont assistés, ou qu’ils ont personnellement constatés. D’un point de vue formel, l’attestation testimoniale d’un tiers est une déclaration écrite, destinée à être produite en justice, datée et signée de la main de son auteur. Elle doit en outre être accompagnée de documents justifiant de l’identité du témoin. En outre, il convient de stipuler la nature des relations que le témoin entretient avec les parties, étant entendu que toute fausse déclaration expose son auteur à des poursuites pénales.

Au regard de la charge de la preuve en matière de droit du travail, la question des témoignages de tiers revêt une importance toute particulière.

Les avocats connaissent bien l’importance du formalisme qui encadre le témoignage par attestations testimoniales. Ils savent également que si l’attestation testimoniale n’est pas un mode de preuve irréfragable car imparfait, elle vise à éclairer le juge dans les faits litigieux dont les tiers ont personnellement connaissance et qui ont l’obligation de concourir à la manifestation de la vérité. De fait, même si une attestation ne garantit pas de la même manière la sincérité et la spontanéité des témoins, elle occupe une place non négligeable dans le faisceau d’indice permettant au juge de rendre sa décision. Au fil du temps, cette pratique s’est donc largement développée pour appuyer les conclusions des parties au détriment de l’enquête.

Pour autant, faut-il rappeler que dans le cadre d’un contrat de travail, un salarié est subordonné à son employeur. Il peut lui être difficile de refuser de témoigner lorsque son employeur lui demande ? Qu’à l’inverse, un salarié (ou un ex-salarié) peut rencontrer de grandes difficultés à trouver un collègue qui accepterait de témoigner contre son employeur, même s’il est établi que (sauf mauvaise foi de l’auteur), un salarié garde sa liberté fondamentale de témoigner et que le fait de témoigner en justice en faveur d’un collègue n’est ni une faute, ni une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Conscients de ces difficultés, les juges du fond, dans leur pouvoir d’appréciation ont la possibilité d’écarter les attestations testimoniales, par une décision motivée. Ce sera le cas par exemple lorsque le moyen porté devant le juge du fond a été obtenu déloyalement. Ils peuvent également procéder par voie d’enquête à l’audition de l’auteur de l’attestation.

Dans une affaire récente, les Hauts magistrats de la Cour de cassation du Luxembourg ont eu à se prononcer sur la décision rendue par les juges du fond. Dans ce cas d’espèce, un employeur a « non seulement versé les pièces comptables de nature à établir une comptabilité irrégulière et des virements frauduleux, mais qu’elle avait également versé des attestations testimoniales et formulé une offre de preuve dans le dispositif de ses conclusions […] ». Au regard du dossier, la cour d’appel a condamné l’employeur pour licenciement avec effet immédiat abusif sans se prononcer « […] sur les attestations testimoniales versées, ni sur l’offre de preuve formulée ».

Les Hauts magistrats ne l’entendent pas de cette oreille. Pour eux, « en se déterminant […] sans se prononcer ni sur l’attestation testimoniale, ni sur l’offre de preuve de la demanderesse en cassation […] les juges d’appel ont violé les dispositions visées au moyen ».

De fait, si le juge du fond détient un pouvoir d’interprétation des faits et des pièces qui lui sont communiquées, nous rappellerons qu’il ne peut les écarter qu’en justifiant cette position.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, 6 avril 2017, n°34 / 2017. Numéro 3787 du registre.

Lucas LEFEBVRE.

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