Licenciement économique – appréciation des motifs par la Cour.
L’appelant fait tout d’abord grief à la juridiction de première instance d’avoir retenu que la lettre de motivation du 18 septembre 2014 était suffisamment précise.
Il reproche notamment à l’employeur de ne pas avoir indiqué dans la motivation le chiffre d’affaires global de la société, les pertes subies par l’entreprise et le nombre de contrats actuellement conclus par l’employeur, chiffres et documents comptables à l’appui.
Il soutient qu’en l’absence de ces précisions, la situation économique de la société serait tenue sciemment dans le vague par l’employeur et ne permettrait pas à la juridiction du travail de vérifier s’il s’agit de motifs valables et légitimes.
L’employeur quant à lui conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
En décrivant dans son courrier de motivation du 18 septembre 2014 avec précision le contexte d’embauche du salarié, les missions qui lui étaient affectées et les difficultés économiques de la société à savoir :
– une perte significative de la clientèle de 2001 à 2014
– la restructuration de ses services
avec la date de chaque perte de clients, tout en donnant le nom de tous les clients ayant résilié leur contrat avec la société, en ayant fait état des comptes de la société en indiquant systématiquement pour chaque client perdu le chiffre d’affaire perdu, en ayant détaillé très précisément la restructuration opérée au sein des différents services, et précisé le nom des employés concernés ainsi que les postes qu’ils occupaient ;
après avoir encore détaillé :
– les personnes concernées par des départs naturels (retraites),
– les personnes non remplacées ayant quitté la société de leur plein gré,
– les personnes licenciées de 2005 à 2014,
et encore indiqué le type de restructuration imposée à savoir :
– une restructuration en temps horaire avec passage à 4/5e pour certains salariés,
– une affectation à d’autres postes pour d’autres salariés, nommément désignés ;
finalement, en expliquant à A les considérations qui ont fait porter le choix du licenciement sur lui, à savoir :
– une absence de compétences nécessaires à sa réaffectation sur un autre poste
– un aménagement de son temps de travail qui ne facilite pas le fonctionnement du service
– des appels de moins en moins nombreux des clients S2 dont il était en charge,
la société S1 a suffi aux exigences de précision de l’article L.124-5 du code du travail et à son obligation de révéler les mesures de restructuration et de rationalisation justifiant le licenciement de A, lequel n’a partant pas pu se méprendre sur la nature des motifs invoqués, de sorte que le jugement a quo est à confirmer sur ce point.
L’appelant fait ensuite grief aux juges de première instance d’avoir considéré les motifs invoqués comme réels et sérieux.
Il conteste que les documents versés par l’employeur à l’appui des motifs établissent la soi-disante perte de clients, dans la mesure où il prétend qu’après la résiliation des contrats, de nouveaux contrats sont régulièrement renégociés avec ces mêmes clients; que les documents versés n’attesteraient pas non plus d’une baisse du chiffre d’affaires et les attestations testimoniales ne seraient pas pertinentes alors qu’imprécises.
L’appelant conteste encore avoir été affecté uniquement au Help desk et avoir travaillé seulement pour les clients S2.
Il précise avoir eu pour activités l’analyse, le conseil et le support de la clientèle également sous contrats « S3 ».
Il conteste finalement la perte d’activités rendant nécessaire la suppression de poste alors que l’employeur aurait continué à recruter et augmenté ses investissements.
D’après l’appelant son licenciement ne serait que la réaction de l’employeur face à ses réclamations reprises dans son courrier du 4 mars 2014.
L’intimée conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a décidé du caractère régulier et légitime du licenciement de A.
Elle formule à titre subsidiaire une offre de preuve par témoins aux fins d’établir la réalité et le sérieux des motifs économiques invoqués.
A l’instar du tribunal du travail, la Cour relève que la réalité et le sérieux des motifs libellés résultent tant des déclarations de sortie de dix salariés licenciés qui figurent sur la liste reprise dans la lettre de motivation, que des lettres des clients qui ont résilié les contrats « S2 » des années 2006 à janvier 2015 et des cinq avenants à des contrats de travail de salariés dont le temps de travail, respectivement la rémunération, ont été réduits.
En outre, l’employeur a communiqué des attestations testimoniales établies par T1, T2 et T3 qui déclarent tous avoir été réaffectés à d’autres postes dans le cadre de la restructuration de la société employeuse suite à la perte des contrats du logiciel « S2 » ; lesdites attestations testimoniales versées par l’employeur confirment encore que la clientèle « S2 » a considérablement été réduite, que des postes de travail ont en conséquence dû être supprimés et n’ont jamais été remplacés, que les compétences de A ne permettaient pas de le réaffecter à d’autres postes au sein de la société et finalement, que le salarié n’a pas établi que l’employeur a recruté des salariés après son départ pour des postes qu’il aurait pu lui-même pourvoir.
L’appelant soutient finalement que son licenciement serait abusif alors que vu sa formation d’expert-comptable, il aurait pu être affecté à un autre poste au sein de la société ; que ses collègues travaillant sur les seuls dossiers S2 ont été réaffectés à d’autres postes pour d’autres produits ; qu’il avait les compétences pour être affecté au poste qui a finalement été attribué au sieur B ; que l’employeur qui ne lui a proposé aucune alternative à son congédiement l’exposant au risque de ne pas retrouver d’emploi, a exercé son droit de licenciement de manière intempestive partant fautive.
A cet égard la Cour relève que l’employeur dont la situation économique et financière est obérée et qui doit procéder à une restructuration économique pour éviter la faillite, n’est pas tenu de proposer aux salariés qu’il envisage de licencier un autre emploi s’il n’en dispose pas, ni d’en créer de nouveaux pour éviter le licenciement.
C’est dès lors à bon escient que le tribunal du travail a décidé que la société S1 SA a rapporté la preuve de la réalité et du sérieux des motifs du licenciement de A et déclaré ce dernier régulier et justifié.
C’est partant encore à bon droit qu’il a débouté le salarié de ses demandes indemnitaires. (C.S.J., 23/11/2017, 43848).