Licenciement avec effet immédiat – invocation dans le délai de 1 mois – licenciement abusif (oui).
Les faits et rétroactes de la présente affaire résultent à suffisance de droit du jugement du tribunal du travail, auquel il y a lieu de se rapporter.
Licencié avec effet immédiat en date du 18 mars 2016, A reproche au tribunal du travail d’avoir décidé que l’employeur avait, en l’espèce, respecté les dispositions de l’article L.124-10 (6) du code du travail, à savoir le délai d’invocation d’un mois.
Il relève appel incident de la décision sur ce point et maintient partant, en instance d’appel son moyen tiré du non-respect du délai d’un mois prescrit par l’article L.124-10 (6) du code du travail pour conclure au caractère abusif de son congédiement.
Si l’appelante a soutenu, contrairement au tribunal du travail, que les faits invoqués à la base du licenciement n’étaient pas trop anciens dans le temps pour justifier le licenciement de A, il n’a cependant pas pris position quant au non-respect du délai d’invocation d’un mois prévu par l’article précité.
L’article L.124-10 (6) alinéa 1 du code du travail dispose :
« Le ou les faits ou fautes susceptibles de justifier une résiliation pour motif grave ne peuvent être invoqués au-delà d’un délai d’un mois à compter du jour où la partie qui l’invoque en a eu connaissance, à moins que ce fait n’ait donné lieu dans le mois à l’exercice de poursuites pénales. »
Le susdit article comporte partant un principe et une exception, à savoir la suspension du délai d’un mois en cas de poursuites pénales.
Aucune des parties n’a fait valoir l’exception, de sorte que seul le principe du délai d’invocation d’un mois sera analysé.
Le principe ou l’exigence du délai d’invocation d’un mois pour la faute justifiant un licenciement sans préavis signifie que l’employeur ne peut pas fonder un licenciement avec effet immédiat sur des faits dont il a pris connaissance il y a plus d’un mois. La loi admet dès lors que si aucun licenciement n’est prononcé dans le mois de la prise de connaissance de la faute, il y a lieu de présumer que la ou les fautes ont été pardonnées ou qu’elle(s) n’étai(en)t pas d’une gravité suffisante pour ébranler définitivement la relation de confiance entre les parties. Ainsi, lorsque les
juridictions du travail constatent que les faits sur lesquels se base le licenciement avec effet immédiat remontent à plus d’un mois, elles déclareront le licenciement abusif sans analyser les faits.
Le délai d’un mois commence à courir à partir de la commission ou de la réalisation de la faute ou à partir du jour où l’employeur en a eu connaissance.
Pour décider que l’employeur avait bien en l’espèce respecté l’article L.124-10 (6) du code du travail, le tribunal du travail a retenu ce qui suit : « or, la partie défenderesse, qui a licencié le requérant le 18 mars 2016, reproche en dernier lieu au requérant une absence injustifiée qui s’est étendue du 7 septembre 2016 au 18 mars 2016, jour du licenciement.
La partie défenderesse a partant invoqué le dernier motif du licenciement dans le délai d’un mois prescrit par l’article L.124-10 (6) du code du travail, de sorte que le premier moyen doit être rejeté ».
Ce raisonnement est erroné et repose sur une appréciation incorrecte des faits de la cause.
En effet, dans la lettre de licenciement du 18 mars 2016, l’employeur reproche entre autres faits, et en dernier lieu à A, qui était en congé de récréation du 20 août au 4 septembre 2015 et qui aurait dû reprendre son travail le 7 septembre 2015, de ne pas s’être présenté à son lieu de travail jusqu’au jour du licenciement, soit pendant 6 mois.
L’employeur indique clairement dans son courrier de licenciement « vous êtes dès lors en absence injustifiée depuis le 7 septembre 2015, absence de plus de 6 mois portant gravement préjudice à l’employeur ».
Il indique encore que le salarié ne l’a pas informé de son absence, de sorte qu’il a été contraint de téléphoner à la mère de A qui lui a, dans la matinée du 16 septembre 2015, annoncé que son fils avait été arrêté par les forces de l’ordre marocaines en possession de drogues et qu’il était incarcéré, de ce chef, au Maroc pour une durée de dix mois.
Il résulte partant du contenu même de la lettre de licenciement, qu’au moment du licenciement prononcé le 18 mars 2016, l’absence injustifiée de A perdurait depuis le 7, respectivement le 16 septembre 2015, date à laquelle l’employeur en a eu connaissance, soit depuis six mois.
Cette absence injustifiée qui constitue, dans la chronologie des motifs invoqués, le dernier motif libellé par l’employeur pour licencier A, aurait dû conformément à l’article L.124-10 (6) du code du travail être invoquée au plus tard le 16 octobre 2015.
L’employeur qui, en l’espèce, a attendu six mois pour l’invoquer, et qui lui-même précise avoir fait preuve d’une grande patience, est supposer avoir pardonné au salarié cette longue absence, respectivement avoir considéré qu’elle n’était pas suffisamment grave pour licencier son salarié avec effet immédiat.
N’ayant pas respecté le délai d’invocation d’un mois, le licenciement est à déclarer abusif, certes pour des motifs différents de ceux retenus par la juridiction du premier degré.
La Cour constate que dans ses conclusions d’appel, l’employeur indique que « le salarié, qui est retourné du Maroc après 6 mois et non 10 mois, n’a pas jugé utile de l’en informer et ne s’était aucunement manifesté auprès de lui, que cependant il aurait appartenu à A de se présenter sur son lieu de travail dès son retour en Belgique, respectivement de contacter son employeur dès sa sortie de prison pour l’avertir de la date de sa reprise de poste et que cette seule faute est d’une gravité telle qu’elle justifie, à elle seule, un licenciement avec effet immédiat ».
Force est cependant de constater qu’un tel reproche n’est pas formulé dans la lettre de licenciement.
Or, l’employeur n’est pas autorisé à ajouter un nouveau motif de licenciement en cours d’instance, de sorte qu’il n’en sera pas tenu compte en tant que tel.
Concernant les montants réclamés par le salarié suite à son licenciement abusif, c’est à bon droit que le tribunal du travail a alloué A, compte tenu de son ancienneté de service, une indemnité compensatoire de préavis de quatre mois en application des articles L.124-3 (2) et L.124-6 du code du travail, indemnité fixée au montant de 13.595,88 euros, ainsi qu’une indemnité de départ d’un mois en application de l’article L.124-7 (1) du code du travail d’un montant de 3.398,97
euros.
C’est encore pour de justes motifs que le tribunal du travail a débouté le salarié de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour le préjudice matériel subi, préjudice dont il n’avait pas rapporté la preuve. (C.S.J., 27/06/2019, CAL-2018-00893). nction(){};s_