Injure et précisions complémentaires en cours d’instance

A.) a été aux services de la société anonyme SOC1.) en qualité de technicien maintenance (ouvrier) à partir du 8 décembre 2004. En date du 23 août 2012 l’employeur lui a notifié sa mise à pied immédiate. Par courrier recommandé du 31 août 2012, il a été licencié avec effet immédiat pour faute grave, l’employeur lui reprochant des injures graves proférées envers l’un de vos collègues de travail, fait qui s’est produit le 23 août 2012 sur le lieu de travail.

Le salarié soutient que le motif invoqué par l’employeur ne serait pas indiqué avec suffisamment de précision dans la lettre de licenciement et que de toute façon il ne constituerait pas une faute grave justifiant son licenciement immédiat après une ancienneté de services de près de 8 ans.

L’employeur estime que le reproche serait indiqué avec la précision requise, qu’il serait établi par les attestations testimoniales versées en cause et qu’il constituerait un motif grave de nature à justifier le licenciement avec effet immédiat.

Aux termes de l’article L. 124-10 (3) du code du travail la notification de la résiliation immédiate pour motif grave doit être effectuée au moyen d’une lettre recommandée à la poste énonçant avec précision le ou les faits reprochés au salarié et les circonstances qui sont de nature à leur attribuer le caractère d’un motif grave.

La possibilité offerte à l’employeur par l’article L. 124-11 (3) du code du travail d’apporter en cours d’instance des précisions complémentaires par rapport aux motifs énoncés ne saurait être interprétée dans le sens d’une atténuation de l’exigence quant à la précision des motifs. Ainsi il n’est pas permis à l’employeur d’y apporter des modifications substantielles ni des détails ou des faits nouveaux sortant du cadre des faits reprochés au salarié dans la lettre de motivation.

C’est cependant ce qu’entend faire en l’espèce l’employeur en se basant sur les attestations testimoniales soumises à la Cour et en formulant une offre de preuve tendant à établir non seulement les termes énoncés mais encore les circonstances dans lesquelles l’incident s’est produit.

Dans la mesure où la lettre de licenciement ne renferme pas la moindre indication quant aux termes utilisés par A.) à l’adresse de son collègue de travail et quant aux circonstances de nature à conférer à ses paroles le caractère de gravité suffisante pour justifier un licenciement avec effet immédiat d’un salarié bénéficiant d’une ancienneté de services de près de huit ans, l’employeur ne saurait être admis à fournir ces précisions par la suite.

Il ne faut en effet pas oublier que c’est au vu des motifs fournis à l’appui du licenciement que le salarié prend la décision d’agir ou non en justice pour voir déclarer abusif le licenciement. Ses prévisions légitimes par rapport aux chances d’aboutir d’une telle action seraient faussées si l’employeur était admis à réparer a posteriori les imperfections d’une lettre de motivation.

Dès lors le reproche invoqué par l’employeur dans sa lettre de résiliation n’a pas été indiqué avec la précision requise, de sorte que son offre de preuve est à rejeter. C’est en conséquence à bon droit que la juridiction de première instance a déclaré abusif le licenciement avec effet immédiat du 31 août 2012. (C.S.J., 30/05/2016, 42240).

Etude GIABBANI