Inaptitude au travail et obligation du salarié

Le contrat de travail n’est en effet pas suspendu par la déclaration d’inaptitude. Subsiste dès lors l’obligation pour le salarié de se présenter sur son lieu de travail.
L’article L.326-9, paragraphes (3) et (4) du Code du travail, fait interdiction à l’employeur de maintenir le salarié déclaré inapte à l’ancien poste de travail et lui impose, « dans la mesure du possible », de l’affecter à un autre poste de travail.

C.S.J, 14.03.2024, Numéro CAL-2022-00800 du rôle

Il est constant en cause que l’employeur avait confié des tâches purement administratives à l’appelant en date du 1er octobre 2019, soit à la reprise de travail du salarié après une longue période d’absence pour incapacité de travail (du 13 mars au 30 septembre 2019, à l’exception des journées du 19 et 20 août 2019) et alors que celui-ci l’avait informé qu’il ne se sentait plus apte à exécuter son travail de menuisier-monteur.
A noter que le salarié, par le biais de son organisation syndicale, avait déjà exprimé par courrier du 24 septembre 2019 ses réserves quant à « son aptitude à reprendre son ancien emploi » et demandé de prévoir un examen médical afin « de déterminer l’opportunité d’une mutation, d’une réadaptation ou d’une adaptation du poste de travail ».
Suivant décision du 12 novembre 2019, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à occuper le poste de « monteur ».
PERSONNE1.) est venu travailler les 14 et 15 novembre 2019.
Par lettre datée du 15 novembre 2019 émanant de son syndicat, l’appelant fait part à son employeur de ce qu’il se considère, à la suite de la décision du médecin du travail précitée, « en dispense de travail officielle jusqu’à nouvel ordre de votre part », tout en précisant rester « naturellement toujours à votre disposition afin de reprendre le travail à un autre poste sous condition d’obtenir l’aptitude à ce poste proposé ».
La société anonyme SOCIETE1.) réagit par courrier de son mandataire du 3 décembre 2019. Elle fait part à son salarié qu’elle est d’avis que le contrat de travail liant les parties n’est pas suspendu en raison de la décision du 12 novembre 2019, que la déclaration d’inaptitude en cause « ne le dispense en effet pas de son obligation première de se présenter sur son lieu de travail » et le rend attentif que son « comportement est constitutif d’une absence injustifiée depuis le 18 novembre 2019 ».
Le tribunal du travail a noté à juste titre que l’article L.326-9 du Code du travail ne prévoit aucune dispense de travail en cas d’inaptitude du salarié à son poste de travail pour lequel il a été engagé.


Le contrat de travail n’est en effet pas suspendu par la déclaration d’inaptitude. Subsiste dès lors l’obligation pour le salarié de se présenter sur son lieu de travail.
L’article L.326-9, paragraphes (3) et (4) du Code du travail, fait interdiction à l’employeur de maintenir le salarié déclaré inapte à l’ancien poste de travail et lui impose, « dans la mesure du possible », de l’affecter à un autre poste de travail.
L’employeur est partant obligé de rechercher un autre poste de travail, correspondant à la qualification et aux facultés résiduelles du salarié, au sein de l’entreprise et, le cas échéant, d’y affecter le salarié concerné.
Cette obligation légale n’impose pas pour autant à l’employeur de créer spécialement un poste pour le salarié inapte, ni de licencier un salarié pour le remplacer par le salarié inapte.
La recherche d’un poste adapté par l’employeur présuppose par ailleurs une collaboration de la part du salarié, ce dernier restant soumis à l’exécution de bonne foi du contrat de travail.
Du fait de la continuation des relations de travail, il n’était pas permis au salarié de refuser de se présenter sur son lieu de travail aussi longtemps que son employeur ne lui aurait pas proposé un poste de travail approprié.
Même s’il peut paraître souhaitable que l’affectation au nouveau poste de travail se fasse en concertation avec le médecin du travail, la loi ne dispose pas que cette affectation requiert l’avis conforme ou l’accord exprès préalable dudit médecin.
Le salarié ne saurait faire dépendre l’exécution de son obligation première de se présenter sur son lieu de travail d’un tel accord préalable, ce d’autant moins qu’en l’occurrence l’employeur l’avait déjà affecté à un poste administratif ne nécessitant pas d’efforts physiques.
La réaffectation du salarié, inapte à occuper son dernier poste de travail, ne peut être considérée ipso facto comme une modification en défaveur de celui- ci, donnant lieu, comme prétendu par l’appelant, à l’application des dispositions de l’article 121-7 du Code du travail.
PERSONNE1.) soutient, sans l’établir, avoir été affecté à un poste qu’il ne pouvait exercer faute de qualification.

Les tâches demandées au salarié, à savoir notamment, suivant les fiches de planning versées au débat :

  • établissement d’une nouvelle liste de matériel et de machines à commander pour avoir un montage de menuiserie complet,
  • analyse et établissement d’une liste de débit correcte dans le cadre d’un projet,
  • établissement sur base de plans fournis des méthodes techniques de montage,
  • proposition d’améliorations techniques et productives dans des opérations de
    montage,
  • mise en évidence, dans un but d’amélioration de tous les points négatifs
    apparus lors des chantiers de montage sur lesquels il a travaillé,
    ne semblent, a priori, pas excéder les compétences d’un menuisier-monteur ayant l’expérience professionnelle de l’appelant, ce d’autant moins que l’intimée lui a précisé que « le temps nécessaire est à prendre pour ces divers points » et que « tous les services et personnes de la société sont à votre disposition pour vous aider dans cette démarche importante ».
    Il ne résulte d’aucun élément du dossier que l’appelant ait sollicité de l’aide.
    L’appelant ne précise pas en quoi auraient consisté exactement les difficultés à exécuter le travail demandé, qui ne demandait aucun effort physique et qui était partant conforme aux prescriptions du médecin du travail.
    Il s’ensuit que l’employeur, en affectant PERSONNE1.) à un autre poste en raison de son inaptitude à occuper son ancien poste, a respecté les dispositions légales afférentes sans qu’une attitude déloyale ne puisse lui être reprochée.
    L’appelant ne saurait arguer de son ignorance et soutenir que son refus de travail aurait été légitime, alors qu’il a été rendu attentif à ses obligations et aux conséquences de son refus de se présenter à son lieu de travail par son employeur suivant le courrier précité du 3 décembre 2019.
    Son refus obstiné de ne pas se rendre sur le lieu de travail équivaut à un acte d’insubordination caractérisé qui, au vu de sa durée de quatre semaines, constitue à lui seul une cause justifiant son licenciement avec effet immédiat.