Harcèlement sexuel – démission avec effet immédiat – de la nécessité d’informer son employeur au préalable
Il se dégage de cet arrêt que le salarié qui se dit victime d’actes de harcèlement sexuel et qui décide de démissionner pour cette raison, doit justifier avoir porté ceux-ci à la connaissance de son employeur. Il en est de même pour le salarié qui se dit victime d’actes de harcèlement moral.
(…) La victime doit partant rapporter la preuve qu’elle avait informé l’employeur dans le mois de sa démission du comportement inadmissible de l’auteur des faits allégués de harcèlement sexuel et que l’employeur n’a pas pris immédiatement, dès qu’il en avait connaissance, des mesures pour faire cesser ce harcèlement sexuel à son égard ( Cour d’appel 9 mars 2006, n° 28379).
Il appartient en conséquence à A. d’établir non seulement la matérialité des faits susceptibles d’être qualifiés de harcèlement sexuel, mais encore de leur dénonciation à l’employeur avec une précision suffisante pour lui permettre de prendre immédiatement les mesures appropriées pour les faire cesser ( Cour d’appel, 1er juillet 2020, Cal-2020-00781).
C.S.J., 16.06.2022, Numéro CAL-2019-01186 du rôle.
Avis
Selon cet arrêt très sévère pour les victimes, si vous êtes victime de harcèlement sexuel et que vous désirez démissionner avec effet immédiat (pour ensuite agir en responsabilité contre votre employeur par exemple) vous devez prouver :
1) que vous avez informé votre employeur suffisamment précisément.
2) la matérialité des faits (!) dont on sait que la preuve est parfois impossible.
Un arrêt du 1er juillet 2021 parle plus justement de début de preuve à apporter tandis que les simples allégations ne peuvent suffire pour que l’employeur réagisse. .
« Il en découle que la victime d’un harcèlement sexuel doit rapporter un début de preuve, c’est-à-dire qu’il suffit qu’elle établisse des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement sexuel (par exemple, des gestes ou des paroles à connotation sexuelle, des attouchements etc.). Toutefois, de simples allégations ou affirmations de la part de la victime d’un harcèlement sexuel ne sont pas suffisantes, mais elle doit fournir des preuves de la matérialité des faits allégués. L’élément intentionnel étant présumé, l’auteur respectivement l’employeur devra alors établir qu’il s’agissait d’un acte involontaire non motivé sexuellement.
Si l’auteur du harcèlement sexuel n’est pas l’employeur, la victime doit en outre rapporter la preuve qu’elle avait informé l’employeur du harcèlement commis par son auteur et que l’employeur n’a pas pris les mesures pour faire cesser ce harcèlement sexuel à son égard.
Dès lors que la connaissance de faits de harcèlement sexuel par l’employeur est la condition nécessaire de son omission fautive de prendre les mesures appropriées pour les faire cesser, il incombe au salarié, en cas de contestation afférente de l’employeur, de rapporter cette preuve (Cour 28 octobre 2004, n° 28262 du rôle).
En l’occurrence, afin de pouvoir prospérer dans sa demande en dommages et intérêts dirigée contre l’employeur, il appartient dès lors à la salariée de rapporter la preuve non seulement de la matérialité des faits susceptibles d’être qualifiés de harcèlement sexuel, mais encore de leur dénonciation à l’employeur avec une précision suffisante pour lui permettre de prendre immédiatement les mesures appropriées pour les faire cesser. »
C.S.J., 1er juillet 2021, numéro CAL-2020-00781 du rôle.
Extraits de l’arrêt
Suivant arrêt du 28 avril 2016 (n° 3635), la Cour de cassation a retenu en substance « que la victime d’un harcèlement sexuel doit non seulement invoquer à l’appui de sa demande en dommages-intérêts des faits de nature à justifier sa démission pour faute grave de l’employeur, mais encore établir le fait d’avoir porté ceux-ci à la connaissance de ce dernier avec une précision suffisante pour lui permettre de prendre immédiatement les mesures appropriées pour les faire cesser, ainsi que l’omission de
l’employeur de ce faire dans le mois précédant sa démission sans préavis, conformément à l’article 27 (6) de la loi sur le contrat de travail (actuel article L. 124-10 (6) du Code du travail) (…) ».
Il se dégage de cet arrêt que le salarié qui se dit victime d’actes de harcèlement sexuel et qui décide de démissionner pour cette raison, doit justifier avoir porté ceux-ci à la connaissance de son employeur. Il en est de même pour le salarié qui se dit victime d’actes de harcèlement moral.
Aussi, indépendamment de la question de savoir si la victime peut encore invoquer des faits qui datent de décembre 2015 et d’avril 2016 à l’appui d’une démission du 30 septembre 2016, voire si les prétendus faits de harcèlement sexuel reprochés à D. remontant à décembre 2015 et avril 2016 ont effectivement été commis par ce dernier, la Cour doit au préalable se prononcer sur la question de savoir si ce salarié a effectivement porté ces faits à la connaissance de son employeur.
A. reproche à la société B., d’avoir commis des fautes, consistant d’une part en des faits de harcèlement sexuel commis par l’employeur lui-même, en la personne de D., et d’autre part, par des faits dont l’auteur serait un autre salarié de la société.
La faute grave de l’employeur s’apprécie par référence à l’article L.245-4 du Code du travail. Les obligations de l’employeur sont de trois ordres : il doit s’abstenir de tout harcèlement sexuel, il doit faire cesser immédiatement tout harcèlement dont il a connaissance et il doit prendre
des mesures de prévention.
La faute de l’employeur doit en conséquence être appréciée par référence à l’article L.245- 4 (2) et (3) du Code du travail. Dans cette hypothèse, la faute de l’employeur consiste en l’omission de sa part d’avoir pris des mesures de protection suffisantes vis-à-vis de la victime, voire des sanctions vis-à-vis de l’auteur, afin de cesser le harcèlement, ou bien de ne pas avoir pris des mesures de prévention suffisamment efficaces.
La victime doit partant rapporter la preuve qu’elle avait informé l’employeur dans le mois de sa démission du comportement inadmissible de l’auteur des faits allégués de harcèlement sexuel et que l’employeur n’a pas pris immédiatement, dès qu’il en avait connaissance, des mesures pour faire cesser ce harcèlement sexuel à son égard ( Cour d’appel 9 mars 2006, n° 28379).
Il appartient en conséquence à A. d’établir non seulement la matérialité des faits susceptibles d’être qualifiés de harcèlement sexuel, mais encore de leur dénonciation à l’employeur avec une précision suffisante pour lui permettre de prendre immédiatement les mesures appropriées pour les faire
cesser ( Cour d’appel, 1er juillet 2020, Cal-2020-00781).
Cette exigence résulte du libellé de l’article L.245-4(2) et (3), étant donné qu’afin que l’employeur puisse prendre les mesures utiles afin de faire cesser le harcèlement de manière immédiate, il faut qu’il en soit
informé avec la précision suffisante pour pouvoir mettre en place les dispositions adéquates. Or en l’espèce, A. admet ne pas avoir dénoncé à son employeur les actes de harcèlement sexuel qu’elle reproche à D.. Il importe de rappeler que contrairement à l’argumentation de l’appelante, ce dernier
n’était pas l’employeur d’A., de sorte que la salariée était tenue, en application de l’article L.245-4 (2) de dénoncer les faits à son employeur, la société B..
A. n’ayant pas établi avoir, dans le mois de sa démission, porté à la connaissance de la société B., des faits précis de harcèlement sexuel qu’elle reproche à D., sa démission n’est pas justifiée pour autant qu’elle est basée sur ces faits.
(…)
Il y a partant lieu de confirmer le jugement entrepris, quoique partiellement pour d’autres motifs, en ce que le tribunal du travail a rejeté la demande indemnitaire d’A. pour autant qu’elle se rapporte à des actes de harcèlement sexuel.