Gérance et contrat de travail
Par jugement rendu en date du 20 avril 2015 le tribunal du travail de Diekirch s’est déclaré incompétent pour connaître de la demande en fixation de la créance de A.) dans le cadre de la faillite de la s. à r. l. SOC1.).
Pour justifier cette solution le tribunal a retenu qu’un lien de subordination n’existait pas entre parties.
Par exploit du 5 juin 2015 A.) a interjeté appel contre le jugement en question qui lui a été notifié le 30 avril 2015.
Cet appel est recevable pour avoir été introduit dans la forme et endéans le délai prévus par la loi.
A l’appui de son recours A.) se prévaut des termes d’un contrat de travail non daté au moyen duquel la s. à r. l. SOC1.), représentée par les deux gérants en fonctions à l’époque, a engagé l’appelant en qualité de technicien à partir du 8 mai 2009.
Pour s’opposer à la demande le curateur de la faillite fait valoir que l’écrit invoqué aurait un caractère purement fictif et qu’en tant que co-gérant jusqu’au 20 mars 2012, et gérant unique à partir de cette date, A.) n’aurait eu de comptes à rendre à personne.
Le contrat de travail se définit comme étant une convention au moyen de laquelle une personne, dénommée salarié, s’engage à accomplir une prestation de travail pour le compte et sous l’autorité d’une autre, dénommée l’employeur, qui lui verse, en contrepartie, une rémunération.
En l’occurrence il n’est pas contesté que la rétribution renseignée par les différentes fiches de salaire produites par l’appelant a été payée.
D’un autre côté il n’est a priori pas exclu qu’un mandataire social puisse exercer des fonctions salariées. C’est ainsi que l’article 4 de la loi du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel et à certaines professions libérales prévoit expressément que le dirigeant d’une entreprise peut être un salarié. Pour cette raison le fait que A.) a signé le contrat de travail en sa double qualité de co-gérant et de salarié ne porte pas à conséquence.
Il en est de même de la circonstance, au sujet de laquelle A.) conteste de toute façon qu’il en avait connaissance, qu’à partir du 20 mars 2012 les statuts renseignaient l’appelant comme gérant unique avec pouvoir d’engager la société par sa seule signature. Le procès-verbal de l’assemblée au cours de laquelle la résolution afférente a été prise n’est en effet pas versé, de sorte qu’il n’est pas possible de vérifier qui y a participé, et la preuve que l’appelant a effectivement pris des décisions au nom de la société n’est pas rapportée.
C’est encore à tort que le curateur plaide que le contrat conclu ne précise pas les tâches qui avaient été assignées à l’appelant, cette indication n’étant, en raison de l’emploi de l’expression « le cas échéant » à l’article L. 121-4 (2) 4. du code du travail, pas requise en tout état de cause.
La Cour n’entend pas non plus retenir que l’absence de lien de subordination résulte à suffisance de droit des propres déclarations de l’appelant à l’audience du tribunal du travail de Diekirch étant donné qu’elle ignore de quelle façon les débats qui y ont eu lieu se sont déroulés exactement.
Un certain nombre d’éléments sont par contre de nature à conforter la thèse défendue par A.).
Tout d’abord, l’appelant n’a à aucun moment, détenu une quelconque participation financière dans la s. à r. l. SOC1.).
Ensuite, il a été déclaré comme salarié auprès des organismes de sécurité sociale et il n’est pas établi, ni même soutenu, que cette affiliation aurait été faite à l’insu ou contre le gré du détenteur des parts sociales de la société qui l’avait engagé.
Enfin, il verse des attestations établies par plusieurs collègues de travail dont il résulte qu’il a bel et bien été au service de la s. à r. l. SOC1.) pour le compte de laquelle il a régulièrement accompli les prestations les plus diverses et qu’à cet effet il recevait systématiquement des ordres de la part du véritable maître de l’entreprise.
Au vu de cet état de choses il convient de retenir que le contrat de travail dont A.) a bénéficié reflète la réalité, de sorte que c’est à tort que les premiers juges se sont déclarés incompétents pour connaître de la demande dont ils avaient été saisis. (C.S.J., 13/10/2016, 42466).