Employeur succursale – absence de personnalité juridique – acte entâché de nullité
Une succursale d’une société de droit étranger n’a en effet pas de personnalité juridique propre, alors qu’elle fait partie d’une société dont elle est l’agence qui se caractérise par l’indépendance de l’exploitation, mais qui ne dispose pas de droits propres à faire valoir en justice.
Il ne s’agit pas d’un simple vice de forme consistant dans une énonciation incorrecte ou incomplète de la personnalité physique ou morale, susceptible de tomber sous les dispositions de l’article 264 du NCPC, mais d’une irrégularité de fond consistant dans l’indication d’une entité juridique inexistante.
Le défaut de qualité ne saurait être couvert par l’absence de grief. La succursale étant dépourvue de personnalité juridique, l’acte introductif est entaché de nullité et doit être déclaré irrecevable (cf. Cour d’appel, VIIe Ch, 17 octobre 2012, n° 38759 du rôle ; JT Lux. No 35, p. 138).
Suivant contrat de travail du 5 novembre 2012, A a été engagé en tant que délégué commercial par la société anonyme de droit belge S1 N.V. S.A. avec succursale au Grand-Duché de Luxembourg, dénommée S1 N.V. S.A..
Le 23 septembre 2014, A a fait l’objet d’un licenciement avec préavis de deux mois pour insuffisance professionnelle. Il a été dispensé de travailler pendant le délai de préavis commençant le 15 octobre 2014 et se terminant le 15 décembre 2014.
Suivant trois requêtes déposées le 25 janvier 2016, A a fait convoquer devant le tribunal du travail de Luxembourg, les sociétés suivantes :
– la société anonyme S1 N.V. S.A., succursale d’une société de droit étranger,
– la société anonyme S1 N.V. S.A., avec succursale au Grand-Duché de
Luxembourg, dénommée S1 NV/SA
– la société anonyme S2 S.A., succursale d’une société de droit étranger, aux fins, à chaque fois, de voir déclarer son licenciement abusif, sinon irrégulier, et de voir condamner chacune de ces sociétés au paiement de dommages et intérêts consécutifs à la résiliation abusive de son contrat de travail et à une indemnité de procédure de 2.000 euros.
A l’audience des plaidoiries, A déclara diriger sa demande principalement contre la société S2 S.A., subsidiairement contre la société anonyme S1 N.V. S.A. succursale d’une société de droit étranger et plus subsidiairement, contre la société anonyme de droit belge S1 N.V. S.A. avec succursale au Grand-Duché de Luxembourg, dénommée S1 N.V. S.A.
Les parties défenderesses soulevèrent l’irrecevabilité des demandes dirigées contre la succursale S2 S.A. et contre la société anonyme S1 N.V. S.A. succursale d’une société de droit étranger au motif que la succursale est dépourvue de personnalité
juridique.
Par jugement du 28 novembre 2016, le tribunal du travail déclara irrecevables les demandes dirigées contre les succursales et recevable la demande dirigée contre la société S1 N.V. S.A. avec succursale à Luxembourg. Il déclara le licenciement de A
abusif et condamna la société anonyme de droit belge S1 N.V. S.A. avec succursale au Grand-Duché de Luxembourg à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de préjudice moral subi et le montant de 28 euros au titre d’indemnisation des chèques
repas non-remis. Le tribunal rejeta les autres chefs de la demande pour ne pas être fondés.
La demande de l’ÉTAT fut déclarée non fondée.
Pour statuer comme il l’a fait, le tribunal a relevé qu’étant donné que les succursales sont dépourvues de personnalité juridique, seule la demande dirigée contre la société anonyme de droit belge S1 N.V. S.A. avec succursale au Grand-Duché de Luxembourg est recevable.
Au vu des pièces versées en cause, le tribunal a écarté le moyen tiré de l’envoi tardif de la lettre de motivation.
Pour le surplus, le tribunal a considéré que la lettre de motivation manquait de précision, de sorte qu’il déclara le licenciement abusif et examina les différentes demandes en indemnisation présentées par le salarié.
De ce jugement lui notifié le 1er décembre 2016, A a interjeté appel suivant exploit d’huissier du 10 janvier 2017 en intimant « la société anonyme S1 N.V. S.A., succursale d’une société de droit étranger ».
L’appelant conclut, principalement, à voir réformer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré non fondée sa demande en indemnisation du préjudice matériel et en ce qu’il n’a déclaré fondée sa demande en indemnisation du préjudice moral que pour le montant de 1.000 euros. Subsidiairement, il demande à voir réformer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré non fondées sa demande en paiement d’une indemnité compensatoire pour congés non pris et sa demande relative à l’avantage en nature consistant en la voiture de fonction. Plus subsidiairement, l’appelant demande à voir réformer le jugement entrepris en ce qu’il n’a déclaré fondée la
demande relative aux chèques repas que pour le montant de 28 euros.
Il demande également une indemnité de procédure de 1.500 euros pour l’instance d’appel.
La « société anonyme S1 N.V. S.A., succursale d’une société de droit étranger », seule partie intimée en instance d’appel, soulève l’irrecevabilité de l’appel pour défaut de qualité dans son chef.
Subsidiairement, et quant au fond, elle demande à voir réformer le jugement entrepris en ce que le tribunal du travail a dit que le licenciement du 23 septembre 2014 est abusif et qu’il a dit fondée la demande de A en paiement de dommages et intérêts du chef de préjudice moral et la demande du chef de perte matérielle des chèques repas.
Elle conclut, pour le surplus, à la confirmation du jugement entrepris. Elle demande une indemnité de procédure de 1.000 euros pour la première instance et de 3.000 euros pour l’instance d’appel.
L’ÉTAT pour autant que de besoin interjette appel incident et demande la condamnation de la société S1 N.V. S.A. à lui payer le montant de 41.655,12 euros au titre des indemnités de chômage avancées au salarié pendant la période de décembre 2014 à octobre 2016.
– Quant à la recevabilité de l’acte d’appel :
L’intimée, « la société anonyme S1 N.V. S.A., succursale d’une société de droit étranger » soulève l’irrecevabilité de l’acte d’appel dirigé à son encontre pour absence de qualité dans son chef, au motif qu’il est dirigé contre une entité qui juridiquement n’existe pas, faute de disposer de personnalité juridique.
Elle soutient qu’il ne s’agit pas en l’espèce d’un simple vice de forme, mais de l’indication d’une entité juridique inexistante.
A résiste en faisant valoir qu’en assignant la société au siège de la succursale, l’acte d’appel a été valablement signifié, alors que tous les actes accomplis au courant de son contrat de travail ont pris naissance dans le ressort de la succursale. Il s’agirait tout au plus d’un vice de forme.
L’instance d’appel n’est pas une continuation de l’instance au fond, mais une instance nouvelle dont le premier acte doit contenir assignation d’après l’article 584 du NCPC.
En l’espèce, A a fait assigner en instance d’appel « la société anonyme S1 N.V.
S.A., succursale d’une société de droit étranger ». L’exploit a été signifié au siège de la susdite succursale.
Si en vertu de l’article 41 du NCPC, une société commerciale peut être valablement assignée devant la juridiction du lieu où elle a une succursale ou agence, pourvu que dans ce cas elle ait un représentant qualifié pour traiter avec les tiers et que le litige soit né dans le ressort d’activité de cette succursale ou agence, il n’en demeure pas moins que l’assignation doit être dirigée contre ladite société et non contre la succursale ou l’agence.
Il est dès lors sans incidence que l’exploit ait été signifié au siège de la succursale, voire qu’il s’agit du lieu où le contrat de travail de A a pris naissance et où il a été licencié.
Une succursale d’une société de droit étranger n’a en effet pas de personnalité juridique propre, alors qu’elle fait partie d’une société dont elle est l’agence qui se caractérise par l’indépendance de l’exploitation, mais qui ne dispose pas de droits propres à faire valoir en justice.
Il ne s’agit pas d’un simple vice de forme consistant dans une énonciation incorrecte ou incomplète de la personnalité physique ou morale, susceptible de tomber sous les dispositions de l’article 264 du NCPC, mais d’une irrégularité de fond consistant dans l’indication d’une entité juridique inexistante.
Le défaut de qualité ne saurait être couvert par l’absence de grief. La succursale étant dépourvue de personnalité juridique, l’acte introductif est entaché de nullité et doit être déclaré irrecevable (cf. Cour d’appel, VIIe Ch, 17 octobre 2012, n° 38759 du rôle ; JT Lux. No 35, p. 138).
L’irrégularité de l’acte d’appel est dès lors à sanctionner par la nullité de l’acte d’appel. Il en découle que l’appel principal est irrecevable. (C.S.J., 0/03/2018, 44404).