Demande tardive de motifs – motifs donnés à titre conservatoire – charge de la preuve (salarié)
La Cour rappelle que A, licencié avec préavis le 24 juillet 2015, a demandé les motifs du licenciement une première fois par courrier du 5 août 2015 que l’employeur conteste avoir reçu ; que n’ayant pas eu de réponse à ce premier courrier, A a réitéré sa demande par courrier du 2 septembre 2015 qui est parvenu à l’employeur, mais en dehors du délai légal d’un mois prévu par l’article L.124-5 (1)
du code du travail.
L’employeur lui a communiqué les motifs du licenciement par courrier du 8 septembre 2015 de la teneur suivante :
« Monsieur,
Nous accusons bonne réception de votre lettre du 2/09/2015, demandant les motifs gisant à la base de votre licenciement. Néanmoins, nous tenons à vous informer que vous êtes en dehors du délai légal pour de demander les motifs, cependant nous ne voyons pas d’objections à vous les transmettre.
Donc les motifs qui nous ont amené à résilier notre contrat de travail sont les suivants :
– Votre profil indiqué sur votre CV ne correspond pas à vos compétences actuelles.
– Au fur et à mesure du temps et des chantiers nous avons malheureusement
du constater que vos compétences ne sont pas suffisantes pour effectuer le
travail de couvreur.
(…). »
Aux termes de l’article L.124-5 (3) du code du travail, le salarié qui n’a pas exercé dans le délai prévu la faculté lui réservée par le paragraphe (1) conserve le droit d’établir par tous les moyens que son licenciement est abusif.
Le prédit article instaure un renversement de la charge de la preuve du caractère abusif du licenciement dans cette hypothèse.
C’est dès lors à tort que le salarié s’empare des motifs fournis par l’employeur pour les contester.
A défaut pour le salarié d’avoir demandé les motifs du licenciement dans le mois, l’employeur n’était pas tenu de répondre à sa demande du 2 septembre 2015. S’il l’a néanmoins fait, c’était comme l’a retenu à bon escient le tribunal du travail, à titre purement conservatoire après avoir mis d’une façon expresse l’accent sur la tardiveté de la demande de motifs de son ex-salarié, et pour le cas où les juridictions n’allaient pas, comme c’est le cas, admettre le moyen de la forclusion.
C’est encore de façon judicieuse que le tribunal du travail a relevé que « décider le contraire reviendrait à vider de tout sens la dérogation apportée par l’article L.124-5(3) du code du travail à la règle énoncée à l’article L.124-11(3) du même code dans la mesure où la charge de la preuve incomberait alors dans tous les cas à l’employeur »
Il suit des considérations qui précèdent que le salarié qui devait rapporter la preuve du caractère abusif de son licenciement est cependant resté en défaut de le faire, de sorte que le jugement est à confirmer en ce qu’il a rejeté sa demande en indemnisation pour licenciement abusif. (C.S.J., 26/04/2018, 45372).