Délégation du personnel – délai d’appel des ordonnances

Dans un même ordre d’idée, il faut admettre que le délai d’appel concernant les ordonnances rendues sur base de l’article L.415-10 (5) du Code du travail est le même que celui prévu au paragraphe 2 du même article, soit le délai de quarante jours à partir de la notification, qui correspond d’ailleurs au délai d’appel de droit commun prévu à l’article 150 du Nouveau Code de procédure civile concernant les décisions rendues en matière de droit du travail.

.

Présidant la chambre
de la Cour d’appel, Ordonnance N° 82/22 – III – TRAV, Numéro CAL-2020-00216 du rôle, 16.06.2022.

Extrait


La partie intimée ne remet en cause ni la compétence du magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel ayant dans ses attributions le droit du travail, pour connaître du présent litige, ni la régularité de l’appel en ce qu’il a été introduit par voie de requête. Elle fait cependant valoir qu’à défaut de dispositions légales contraires en la matière, la requête d’appel aurait dû être introduite dans le délai de quinze jours à compter de la date de la notification de l’ordonnance du président du tribunal du travail, conformément à l’article 946 du Nouveau Code de procédure civile. Elle considère que ce délai constitue le délai d’appel de droit commun en matière de décisions rendues par le président du tribunal du travail.

La procédure de référé auprès du tribunal du travail est réglementée par les articles 941 et suivants du Nouveau Code de procédure civile. Aux termes de l’article 946 dudit Code, « l’ordonnance de référé peut être frappée d’appel dans un délai de quinze jours à partir de la notification par le greffier de la
copie de la décision aux parties intéressées ». Suivant l’article 948 du même Code dispose que « les pouvoirs conférés au président par les articles 941 et 942 ne portent pas préjudice aux pouvoirs qui lui
sont conférés par d’autres dispositions légales ou réglementaires. »


Parmi ces autres dispositions conférant compétence au président du tribunal du travail statuant seul figurent, entre autres, celles du Code du travail qui, malgré le cas échéant le libellé employé – tel celui selon lequel le président du tribunal du travail « statue d’urgence comme en matière sommaire » ou simplement « statue d’urgence » -, lui attribuent compétence pour statuer au fond et définitivement,
partant, non comme juge des référés rendant des décisions de nature uniquement provisoire (cf. Cour d’appel, 4 juin 2014, numéro 40720 du rôle).


Force est de constater qu’en l’espèce, le président du tribunal du travail n’a pas connu de la demande de A en vertu des pouvoirs que lui confèrent les articles 941 et suivants du Nouveau Code de procédure civile en matière de référé auprès du tribunal du travail, mais en vertu de la compétence spéciale qui lui est attribuée par les dispositions du Code du travail en matière de protection des délégués du
personnel (cf. en ce sens : Cour d’appel, 10 mai 2017, n° 43834 du rôle ; Cour d’appel, 30 juin 2021, n° CAL-2020-00200 du rôle).


L’ordonnance du 14 janvier 2020 ne constitue, dès lors, pas une ordonnance de référé-travail, mais une ordonnance rendue en application de l’article L.415-10 du Code du travail.


L’article L.415-10 (2), alinéa 3 du Code du travail, qui concerne le cas du délégué qui a fait l’objet d’un licenciement ou d’une convocation à un entretien préalable, dispose que « l’ordonnance du président de la juridiction du travail est exécutoire par provision ; elle est susceptible d’appel qui est porté par simple requête, dans les quarante jours à partir de la notification par la voie du greffe, devant le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail. Il est statué d’urgence, les parties entendues ou dûment convoquées ».


Pour ce qui est des litiges relevant des paragraphes 1er et 4, alinéa 5, ainsi que – comme en l’espèce – du paragraphe 5, alinéa 5, du même article, qui concernent également des hypothèses dans lesquelles le président du tribunal du travail statue d’urgence et comme en matière sommaire sur des demandes émanant de délégués, le législateur n’a pas précisé quelle était la procédure d’appel à suivre.
Il est rappelé que, dans son arrêt du 3 mars 2022, la Cour d’appel, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail, s’est déclarée incompétente pour connaître de l’appel formé par A suivant exploit d’huissier du 5 février 2020, en retenant que le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel ayant à connaître des affaires de droit du travail, statuant d’urgence, est seul compétent pour
connaître de l’affaire introduite sur base de l’article L.415-10 (5) alinéa 5 du Code du travail.


Dans cet arrêt, la Cour d’appel s’est référée à une ordonnance présidentielle du 23 mars 2017 (n° 44432 du rôle) et à un arrêt du 29 avril 2021 (n° CAL-2020-00993 du rôle) qui, dans des litiges relevant respectivement des paragraphes 1er et 4, alinéa 5, de l’article L.415-10 du Code du travail, avaient retenu qu’il n’y avait pas lieu d’attribuer une compétence matérielle en instance d’appel à une autre juridiction
que celle expressément prévue au paragraphe 2 de cet article.


Dans un même ordre d’idée, il faut admettre que le délai d’appel concernant les ordonnances rendues sur base de l’article L.415-10 (5) du Code du travail est le même que celui prévu au paragraphe 2 du même article, soit le délai de quarante jours à partir de la notification, qui correspond d’ailleurs au délai d’appel de droit commun prévu à l’article 150 du Nouveau Code de procédure civile concernant les décisions rendues en matière de droit du travail.


Il résulte de ce qui précède que, contrairement aux arguments de l’intimée, l’article 946 du Nouveau Code de procédure civile n’est pas applicable en l’espèce et que l’appel introduit par requête déposée au greffe de la Cour en date du 21 février 2020, contre l’ordonnance du 14 janvier 2020, qui avait été notifiée à A le 20 janvier 2020, est recevable.