Contrat de travail fictif – charge de la preuve

L’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination ou de la qualification qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles s’exerce l’activité du prétendu salarié.
Ainsi que l’ont rappelé à bon droit les juges de première instance, lorsque les parties sont en présence d’un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui conteste l’existence d’un lien de subordination d’établir le caractère fictif du contrat.

 

Conformément à l’article 25 du Nouveau Code de Procédure Civile, le tribunal du travail est une juridiction d’exception, qui n’est compétente pour connaître que des contestations entre employeurs et salariés dans le cadre d’un contrat de travail.

Le contrat de travail est défini comme étant la convention par laquelle une personne s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant rémunération, avec la considération que pour qu’il y ait rapport de subordination juridique, il faut que le contrat place le salarié sous l’autorité de son employeur qui lui donne des ordres concernant la prestation du travail, en contrôle l’accomplissement et en vérifie les résultats.

L’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination ou de la qualification qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles s’exerce l’activité du prétendu salarié.

Ainsi que l’ont rappelé à bon droit les juges de première instance, lorsque les parties sont en présence d’un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui conteste l’existence d’un lien de subordination d’établir le caractère fictif du contrat.

Comme en l’espèce, les parties ont signé un contrat de travail, que des fiches de salaires ont été établies pour les mois de juillet 2011 à mars 2012 et que des cotisations sociales ont été payées, il appartient à la partie intimée de rapporter la preuve du caractère fictif du contrat de travail du 1er décembre 2010.

Il résulte de l’attestation testimoniale d’ T1, serveuse au « S1 » exploité par sa sœur B, qu’A n’a pas travaillé 20 heures par semaine au café, l’auteur de l’attestation précisant qu’au début il aurait seulement parfois aidé à jouer le « DJ » le soir, qu’à la fin, et il aurait travaillé un peu plus. Elle a précisé qu’A habitait au café où il a été nourri et blanchi, sans jamais payer la nourriture ou un loyer.

Ces déclarations sont corroborées par celles de T2 selon lequel A s’est activé comme « DJ » pendant le weekend et par celles de T3, également serveuse au café pendant un an et demi, qui a confirmé n’avoir jamais vu A servir derrière le bar, mais qu’au contraire elle a dû le servir « beaucoup de fois ». A lui aurait dit que son travail était de faire le « DJ » pendant le week-end.

Ces attestations ne sont pas démenties par les déclarations vagues de T4 et de T5 qui n’ont pas précisé les circonstances et la durée pendant laquelle l’appelant a servi au bar.

Ces attestations ne sont pas non plus énervées par celles de T6 et T7 qui, déclarant avoir travaillé au « S1 », l’une à partir de mars 2011 et l’autre de mars à septembre 2011, se plaignent seulement des retards dans le paiement de leurs salaires, respectivement par l’attestation de T8, selon lequel il avait eu une discussion entre B et son époux au sujet du paiement du salaire à A.

Il résulte enfin d’un courrier adressé le 29 septembre 2016 par le Parquet de Luxembourg au mandataire d’A que la plainte pénale déposée par lui contre T1, T3 et T9 a été classée sans suite au motif que « le Ministère Public n’a aucun élément permettant d’affirmer que les trois personnes visées se seraient rendues coupables de l’infraction de fausse attestation testimoniale réprimée par l’article 209-1 du code du pénal ».

Si, au vu de l’ensemble des attestations testimoniales, il n’est dès lors pas à exclure qu’A a pu travailler occasionnellement, comme il le prétend, « comme serveur, comme maçon, comme tout », à côté de son activité de « DJ », il n’en résulte cependant pas qu’A ait travaillé sous un lien de subordination et de contrôle de B.

A cela s’ajoute, tel que l’ont retenu à bon escient les premiers juges, qu’A réclame actuellement des arriérés de salaires pour l’entièreté de la durée de la prétendue relation de travail, « ce qui rend les prétentions du requérant très peu crédibles pour le tribunal du travail, notamment après avoir entendu les parties dans leurs explications respectives ».

A offre encore de prouver en ordre subsidiaire par la voie testimoniale les faits suivants :

« Du mois de décembre 2010 jusqu’au mois de mars 2012, A a travaillé régulièrement au « S1 ».

Il exerçait les fonctions de serveur-barman, respectivement DJ et effectuait également des travaux lorsque ceux-ci étaient nécessaires.
Durant cette période, A s’est plaint à plusieurs reprises du non-paiement de son salaire et avait peur de se trouver à la rue s’il agissait pendant qu’il était employé.

L’employeur avait pour habitude de ne pas honorer ses obligations de paiement des salaires envers plusieurs salariés. »

B conclut au rejet de cette offre de preuve pour être imprécise et non pertinente. A résiste aux motifs que l’offre de preuve indique la période d’occupation salariée de décembre 2010 à mars 2012 ; que les témoins appelés peuvent confirmer ou non les différents points offerts en preuve ; qu’ils peuvent donner des explications concernant le paiement de leurs salaires et que l’offre de preuve reprend ses
prestations de serveur/barman et de « DJ », sans qu’il ne soit nécessaire de détailler quelles sont les tâches effectuées par un serveur ou un « DJ ».

Force est cependant de constater que les faits offerts en preuve manquent de précision par rapport aux circonstances de fait au sujet desquelles les témoins sont appelés à témoigner, respectivement lors desquelles ils ont pu personnellement prendre connaissance des faits offerts en preuve. A défaut de plus amples précisions, une contre-preuve des faits allégués s’avère de ce fait impossible. Il n’y
a dès lors pas lieu d’y faire droit.

Il suit des développements qui précèdent que l’appel n’est pas fondé et qu’il y a lieu de confirmer, bien que partiellement pour d’autres motifs, le jugement entrepris en ce que le tribunal de première instance est venu à la conclusion que le contrat de travail du 1er décembre 2010 était un contrat fictif et qu’il s’est partant déclaré incompétent rationae materiae pour connaître de la demande d’A. (C.S.J., 21/12/2017, 44346).