Comportement déloyal – licenciement avec effet immédiat – licenciement abusif (non).
Il suit des développements qui précèdent qu’il y a lieu de retenir comme avéré le fait du 15 novembre 2013 et de dire que le comportement déloyal de A était, nonobstant son ancienneté de trois années, de nature à ébranler immédiatement et définitivement la confiance que tout employeur doit avoir dans son salarié.
Revu l’arrêt du 9 mars 2017 ayant ordonné l’audition d’T1, directeur de la stationservice Aral à X sur les faits par lui décrits dans son attestation testimoniale datée du 24 novembre 2015.
Vu le résultat de l’enquête et de la contre-enquête.
Suite à cette mesure d’instruction, A, fait valoir que l’employeur n’a pas rapporté la preuve qu’en date du 13 novembre 2013, il conduisait le camion avec la plaque no (…) et qu’il a fait le plein à la station-service Aral à X, alors que le témoin T1 ne se souvenait plus de la date des faits dont il a témoigné et qu’il n’a pas confirmé l’avoir vu faire le plein le jour en question, se contentant de dire qu’il a vu le conducteur du camion remplir le jerrycan.
Il soutient encore qu’étant donné que la lettre de licenciement ne se réfère pas aux faits relatés par le témoin T1, il ne saurait être permis à l’employeur de rajouter postérieurement au licenciement des motifs qui ne sont pas contenus dès l’ingrès dans la lettre de congédiement. Il s’y ajouterait que le ticket de caisse date du 15 novembre et non du 13 novembre 2013 et que le listing du carburant ne prouve pas qui était le chauffeur dudit camion.
A se prévaut, par ailleurs, des déclarations des témoins T2 et T3 pour dire que les chauffeurs du groupe S1 utilisaient des bidons de gazole pour pulvériser l’intérieur des bennes des camions avant de faire des enrobés de macadam sur les routes et avant de charger de la terre végétale.
Il conteste enfin avoir été en aveu devant la police et donne à considérer que les biens saisis ont tous été restitués et que l’enquête policière a été classée sans suite.
La société S1, au contraire, fait valoir que le témoin T1 a maintenu sa version des faits, à savoir qu’il a vu le chauffeur de camion immatriculé sous le numéro (…) remplir un jerrycan de gazole en plus du plein du camion et payer au moyen d’une carte UTA. Elle ajoute que si le témoin a précisé la date du 13 novembre 2013, c’est simplement une erreur qui n’empêche pas la preuve de la vérité.
Cette version des faits serait corroborée par le ticket de caisse et les listings de carburant versés en cause.
L’appelante se prévaut également de l’aveu fait par A devant la police le jour des faits et du résultat de la perquisition où furent trouvés dix bidons de 20 litres de gazole, un bidon de 10 litres et un autre de 4 litres. Il résulterait par ailleurs de l’audition de A devant la police que les faits ont été répétitifs. A l’appui de ses allégations, elle verse actuellement une copie entière du procès-verbal no 03349 de
la gendarmerie de Fameck.
La société S1 soutient enfin que la version des faits des témoins T2 et T3 relative à l’utilisation de gazole pour pulvériser les bennes de camions avant les enrobés de macadam sur les routes est totalement mensongère. Compte tenu du risque de feu engendré par l’utilisation de gazole, il serait en effet inconcevable d’utiliser du gazole pour pulvériser les camions avant les enrobés de macadam. Il serait tout aussi inconcevable de pulvériser du gazole avant de transporter des terres végétales.
Au contraire, le produit utilisé serait du « Biotecma », un produit d’origine végétale et spécifique pour les enrobés et les émulsions de terres végétales.
Il résulte de la lettre de licenciement qu’il est reproché à A d’avoir été, le 15 novembre 2013, lors d’un contrôle de sécurité effectué par l’employeur sur le site de la carrière de J. à Y, en possession d’un bidon de gazole enveloppé dans un sac poubelle noir et caché dans le coffre de la cabine gauche du camion. La lettre de licenciement relate ensuite la constatation des faits par la Gendarmerie de Fameck et l’aveu fait par A que le bidon de gazole a été payé avec la carte UTA de la société S1.
La lettre de licenciement étant précise quant aux faits reprochés à A, le fait que la société S1 entend actuellement prouver ces faits, entre autres, par le témoignage d’T1 dont les indications ont permis d’interpeler A le 15 novembre 2013 ne constitue dès lors pas un rajout postérieur d’un fait nouveau à la lettre de licenciement.
Le témoin T1 a confirmé que le jour des faits, il avait observé le conducteur du camion duquel il avait noté le numéro d’immatriculation, remplir de gazole un jerrycan qui était emballé dans un sac poubelle noir et payer avec la carte de la société S1.
Même si le témoin T1, lors de l’enquête, ne s’est plus rappelé de la date exacte des faits par lui observés et qu’il a pu se tromper sur cette date en indiquant dans son attestation testimoniale le 13 novembre 2013 au lieu du 15 novembre 2015, il n’en demeure pas moins que le témoin a confirmé qu’il avait noté le numéro d’immatriculation du camion et gardé une copie du ticket de caisse. Aucune
conséquence ne saurait être tirée du fait que le témoin a déclaré qu’il ne pourrait plus identifier aujourd’hui le chauffeur du camion.
Ces déclarations sont corroborées par les constatations faites le 15 novembre 2015 par la gendarmerie de Fameck qui, lors de son arrivée sur les lieux, a constaté la présence d’un bidon de 20 litres de gazole dans le camion conduit par A qui « reconnaît spontanément qu’il a payé ce carburant avec la carte de l’entreprise et souhaité le dérober », respectivement qu’il l’a fait « pour mon usage personnel » (cf. PV no 03349, pièces no 2 et 4).
Il ressort par ailleurs du relevé des trajets annexé au procès-verbal que le 15 novembre 2013 A était le seul chauffeur du camion.
Les déclarations de A faites le jour de son audition par l’officier de police judiciaire en rapport avec des faits antérieurs de même nature et le résultat de la perquisition domiciliaire sont cependant trop vagues pour retenir si, et dans quelle fréquence, des faits antérieurs eussent été commis.
Si l’enquête policière a finalement été classée sans suite, au motif que « nous ne parvenons pas à déterminer une certaine quantité de gazole ayant pu être volée, en raison du peu de fiabilité des données de l’ordinateur de bord et du nombre de chauffeurs ayant conduit et fait le plein de ce camion » (cf. PV no 03349, no 9), il n’en reste pas moins que le fait du 15 novembre 2013 reste établi, en l’absence d’un doute quant à la personne du chauffeur du camion en cause et de la quantité de gazole en cause.
Cette constatation n’est pas non plus démentie par les déclarations des témoins T2 et T3, alors que les faits qu’ils ont décrits, à supposer même qu’ils soient vraisemblables, sont trop vagues pour contredire le déroulement des faits du 15 novembre 2013.
Il suit des développements qui précèdent qu’il y a lieu de retenir comme avéré le fait du 15 novembre 2013 et de dire que le comportement déloyal de A était, nonobstant son ancienneté de trois années, de nature à ébranler immédiatement et définitivement la confiance que tout employeur doit avoir dans son salarié.
Il y a partant lieu de retenir, par réformation du jugement entrepris, que le licenciement du 18 novembre 2013 était justifié et que les demandes de A en paiement d’une indemnité compensatoire de préavis et de départ ainsi qu’en indemnisation des préjudices matériel et moral subis ne sont dès lors pas fondées.
Il en découle encore que l’appel incident de A en ce qu’il concerne les montants des préjudices matériel et moral alloués par les premiers juges n’est pas fondé.
La société S1 réitère sa demande reconventionnelle en paiement du montant de 18.004,48 euros du chef de carburant dérobé à son insu par A entre 2011 et 2013.
A conteste cette demande tant en son principe qu’en son montant. Il résulte des développements qui précèdent que seul le fait du 15 novembre 2013 a été retenu comme établi, de sorte que la créance de la société S1 est justifiée dans son principe.
Dès lors cependant que la quantité exacte de gazole dérobée par A en date du 15 novembre 2013 n’a pu être déterminée avec certitude, la créance de la société S1 reste incertaine dans son montant, de sorte que sa demande afférente est à rejeter.
Il y partant lieu de confirmer sur ce point le jugement entrepris. Eu égard à l’issue du litige, la demande de A sur base de l’article 240 du NCPC n’est pas fondée.
Il y a partant lieu de réformer encore sur ce point le jugement entrepris.
Pour le même motif, la demande de A en obtention d’une indemnité de procédure pour l’instance d’appel n’est pas non plus fondée.
La société S1 ne justifiant pas l’iniquité requise par l’article 240 du NCPC, sa demande en obtention d’une indemnité de procédure n’est pas non plus fondée. (C.S.J., 22/03/2018, 43403).