Détermination de la compétence territoriale du tribunal du travail.

Quel tribunal saisir lorsqu’on conteste un licenciement en justice? Luxembourg, Esch-sur-Alzette ou Diekirch?

La règle est posée par l’article 47 du Nouveau Code de Procédure civile aux termes duquel en substance :


« En matière de contestations relatives aux contrats de travail, aux contrats d’apprentissage, aux régimes complémentaires de pension et à l’assurance insolvabilité, la juridiction compétente est celle du lieu de travail.
Lorsque celui-ci s’étend sur le ressort de plusieurs juridictions, est compétente la juridiction du lieu de travail principal.
« 

Cet arrêt du 25 novembre 2021 nous enseigne que si le salarié est amené à être affecté dans un autre ressort que celui du lieu de travail habituel, même pendant une courte période avant son licenciement, le tribunal du ressort du dernier lieu de travail sera compétent.

EXTRAIT:

Aux termes de l’article 47 du nouveau code de procédure civile :


« En matière de contestations relatives aux contrats de travail, aux contrats d’apprentissage, aux régimes complémentaires de pension et à l’assurance insolvabilité, la juridiction compétente est celle du lieu de travail.
Lorsque celui-ci s’étend sur le ressort de plusieurs juridictions, est compétente la juridiction du lieu de travail principal.


Lorsque le lieu de travail s’étend sur tout le territoire du Grand-Duché, est compétente la juridiction siégeant à Luxembourg.
[…] »


Au moment de son licenciement, soit le 10 janvier 2019, le lieu de travail de A s’est situé dans le ressort de la juridiction de la justice de paix de Luxembourg.


Il faut considérer, en l’espèce, que la période d’un mois au cours de laquelle A a été affecté au site du Z à Strassen avant d’être licencié était suffisante pour créer un rapport entre le salarié et son lieu de travail, dans la mesure où il n’est pas contesté que, du moins au cours de l’année 2016, le concerné avait déjà travaillé sur ledit site, qui correspond par ailleurs au lieu de travail contractuel. En transférant le lieu de travail du salarié de Soleuvre à Strassen en décembre 2018, l’employeur a ainsi réaffecté ce dernier à un site bien connu par lui.


Le site du Z, sur lequel le salarié travaillait au moment de son licenciement, est donc à qualifier de réel et d’effectif.


Il est rappelé que le contrat de travail à durée déterminée initial conclu entre parties avec effet au 15 juin 2015, indiquait comme lieu de travail « R au Luxembourg » et que les deux avenants renouvelant le contrat de travail à durée déterminée, signés les 14 décembre 2015 et 15 mars 2016, définissaient le lieu de travail de A comme
étant au « Z Luxembourg ». Par avenant signé le 22 septembre 2016, le contrat de travail à durée déterminée a été transformé en contrat de travail à durée indéterminée avec effet au 1er octobre 2016.


Si le lieu de travail contractuellement prévu se situait ainsi au Z, il convient de noter que le contrat de travail initial ainsi que ses avenants contenaient la clause de mobilité suivante : « l’activité d’agent de sécurité implique des modifications régulières en ce qui concerne le lieu de travail, ceci en fonction des projets/chantiers de l’employeur. Le salarié accepte une telle modification de son lieu de travail et ne s‘oppose pas à une mutation temporaire à l’étranger si les besoins de l’entreprise le requièrent. »

Tel que l’a relevé le tribunal du travail, il convient, pour la détermination du lieu de travail, d’écarter les possibilités théoriques d’affectation en cours d’exécution du contrat de travail et de tenir compte de l’affectation réelle du salarié.


C’est encore à juste titre que la juridiction de première instance a dit que lorsque le déclinatoire de compétence est soulevé, il appartient au demandeur de justifier la compétence du tribunal saisi.


A soutient, à titre principal, que le tribunal du travail de Luxembourg est compétent pour connaître du litige en vertu de l’alinéa 3 de l’article 47 du Nouveau Code de procédure civile, dans la mesure où son lieu de travail se serait étendu sur tout le territoire du Grand-Duché de Luxembourg. Il résulterait, en effet, du planning pour la période du 19 janvier 2018 au 14 janvier 2019, qu’il a travaillé sur les sites X à Soleuvre, Y à Luxembourg, Z à Strassen et « Q » à Diekirch.


Force est cependant de constater, au vu de planning prémentionné, que A n’a travaillé qu’à une seule occasion, soit au cours de la soirée du 28 décembre 2018, dans le ressort du tribunal du travail de Diekirch. Cette intervention unique et isolée ne permet pas de retenir que l’activité du salarié s’est étendue sur tout le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, de sorte qu’il n’y a pas lieu à application l’alinéa 3 de l’article 47 du Nouveau Code de procédure civile.


A titre subsidiaire, A considère que la compétence du tribunal du travail de Luxembourg se justifie par le fait que l’activité de la société intimée s’organise à partir de son siège social à Contern. Ce serait à partir du siège social de la société qu’il aurait reçu les instructions quant à l’accomplissement de ses fonctions.


Le tribunal du travail est à approuver en ce qu’il a dit que le siège social de la société SOC 1) ne pouvait être retenu comme critère pour asseoir sa compétence territoriale, en relevant que « de par sa nature, la fonction de l’agent de sécurité, qui suppose une affectation à un site déterminé, ne s’exerce pas au siège social de
la société employeuse ».


A titre plus subsidiaire, A fait plaider que le tribunal du travail de Luxembourg est compétent en application de l’alinéa 1er de l’article 47 du Nouveau Code de procédure civile, son lieu de travail au moment du licenciement ayant été au Z à Strassen, situé dans le ressort de la justice de paix de Luxembourg.


C’est à bon escient que l’appelant relève que l’article 47, alinéa 2 du Nouveau Code de procédure civile ne s’applique qu’au cas où le lieu de travail s’étend simultanément sur le ressort de plusieurs juridictions et non successivement.


Au vu du planning versé en cause, A a travaillé exclusivement sur le site X à Soleuvre du 19 janvier 2018 au 13 décembre 2018, mis à part une affectation ponctuelle d’une après-midi à la Y de Luxembourg. Il a ensuite exclusivement exercé ses fonctions au Z à Strassen du 14 décembre 2018 au 14 janvier 2018, mis à
part une affectation ponctuelle d’une soirée au « Q » à Diekirch.


Le salarié n’a donc pas travaillé simultanément dans le ressort de plusieurs juridictions, mais a, pendant un certain temps, travaillé dans le ressort de la justice de paix d’Esch-sur-Alzette, pour être ensuite affecté à un site relevant du ressort de la justice de paix de Luxembourg.


C’est, dès lors, l’alinéa 1er de l’article 47 du Nouveau Code de procédure civile qui s’applique en l’espèce pour déterminer la compétence territoriale.


En prévoyant que « la juridiction compétente est celle du lieu de travail », l’article 47 du Nouveau Code de procédure civile vise manifestement et nécessairement le lieu du travail à l’époque du licenciement, et non pas un lieu où le salarié licencié aurait travaillé dans le passé, quelle que soit d’ailleurs la durée de la période de
travail en un lieu antérieur (cf. Cour, 14 juillet 2009, N° 34281 du rôle).


Contrairement aux arguments de la partie intimée, le lieu de travail à la date de la convocation à l’entretien préalable au licenciement n’est pas déterminant pour la compétence territoriale de la juridiction du travail, étant donné que cette convocation, qui a pour objet d’informer le salarié que son employeur envisage de le licencier, n’a pas pour effet de mettre fin au contrat de travail. Il s’y ajoute qu’en l’espèce, le salarié a été convoqué à un entretien préalable pour le 21 décembre 2018 par courrier du 12 décembre 2018 et que cet entretien a été reporté au 2 janvier 2019 par courrier du 20 décembre 2018. Un délai de presqu’un mois s’est partant écoulé entre la première convocation à l’entretien préalable et le licenciement avec préavis.


Au moment de son licenciement, soit le 10 janvier 2019, le lieu de travail de A s’est situé dans le ressort de la juridiction de la justice de paix de Luxembourg.


Il faut considérer, en l’espèce, que la période d’un mois au cours de laquelle A a été affecté au site du Z à Strassen avant d’être licencié était suffisante pour créer un rapport entre le salarié et son lieu de travail, dans la mesure où il n’est pas contesté que, du moins au cours de l’année 2016, le concerné avait déjà travaillé sur ledit site, qui correspond par ailleurs au lieu de travail contractuel. En transférant le lieu de travail du salarié de Soleuvre à Strassen en décembre 2018, l’employeur a ainsi réaffecté ce dernier à un site bien connu par lui.


Le site du Z, sur lequel le salarié travaillait au moment de son licenciement, est donc à qualifier de réel et d’effectif.


Il résulte de ce qui précède qu’en application de l’article 47, alinéa 1er du Nouveau Code de procédure civile, le tribunal du travail de Luxembourg est compétent pour connaître du litige.

Le jugement entrepris est donc à réformer à cet égard et il y a lieu de renvoyer
l’affaire en prosécution de cause devant le tribunal du travail de Luxembourg autrement composé.


Les parties restent en défaut d’établir qu’il serait inéquitable de laisser à leur charge l’intégralité des frais non compris dans les dépens. Le jugement est donc à confirmer en ce qu’il a rejeté leurs demandes respectives en obtention d’une indemnité de procédure pour la première instance. Les parties sont également à débouter de leurs demandes en obtention d’indemnités de procédure pour l’instance d’appel. (C.S.J., 25/11/2021, Numéro CAL-2020-00516 du rôle).