Compétence Ratione Materiae – administrateur et/ou employé – compétence du tribunal (non).
Aux termes de l’article 25 du nouveau code de procédure civile, le tribunal du travail est une juridiction d’exception, qui n’est compétente pour connaître que des contestations entre employeurs et salariés dans le cadre d’un contrat de travail.
Le contrat de travail ou d’emploi s’analyse en substance comme la convention par laquelle une personne s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant une rémunération.
En présence d’un contrat de travail écrit, signé en date du 2 mai 2013 entre l’appelant comme salarié et l’intimée comme employeur, prévoyant les obligations respectives des parties, il appartient à la société employeuse, qui invoque actuellement le caractère fictif de ce contrat de travail, d’en rapporter la preuve, par application de l’article 1315 du code civil.
À cet égard, il convient encore de relever que si le cumul dans le chef d’une même personne des fonctions d’organe social et de salarié d’une société est admis, encore faut-il que le contrat de travail soit une convention réelle et sérieuse, qui corresponde à une fonction réellement exercée, distincte de la fonction d’organe social et qui est caractérisée par un rapport de subordination de salarié à employeur, par l’exécution d’un travail sous l’autorité de cet employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements du subordonné.
La Cour constate qu’en l’espèce il ressort du contrat de travail, formé entre A d’une part et la société SOC 1), « représentée par Monsieur B, son administrateur délégué, Monsieur A, son administrateur » d’autre part, que le salarié « est engagé en qualité Administrateur Gestionnaire », sans aucune autre description des fonctions à exercer, respectivement de la nature de l’emploi. A apparaît donc comme employeur et comme salarié, dans un seul et même contrat.
A fait état, dans ses conclusions déposées au greffe de la Cour en date du 25 novembre 2019, d’une liste de devoirs qu’il a exercé en tant que salarié et d’une autre liste de tâches liées à celles de son mandat social. Ces listes, par ailleurs contestées par la société SOC 1), n’ont aucune valeur probante, pour avoir été confectionnées par A lui-même.
De plus, même à prendre ces listes en considération, les fonctions les plus « techniques » y reprises pouvaient aussi bien être exercées dans le cadre de ses fonctions d’administrateur et ne relèvent pas forcément, ni nécessairement, de l’exécution d’une tâche de salarié, surtout dans une entreprise de petite taille.
Il ressort des pièces versées en cause que la société de droit belge SOC 1) et A sont les deux seuls actionnaires fondateurs de la société de droit luxembourgeois SOC 1), la première détenant 90 actions et le second 10 actions. Lors de la première assemblée générale extraordinaire, le nombre d’administrateurs a été fixé à trois : B, A et C. B a été nommé administrateur-délégué et président du conseil d’administration. Le siège social a été fixé au domicile privé de A. Il convient de relever que B et C sont domiciliés en Belgique à (…), situé à 265 kilomètres du Luxembourg : le seul à pouvoir s’occuper de la gestion journalière de la société SOC 1) était donc bien A.
Il résulte encore des pièces versées que A a augmenté son propre salaire de 4.300 euros à 6.195,95 euros, qu’il a changé son véhicule de fonction OPEL Combo pour une AUDI A6 RS 4.0 TFSI quattro, en signant seul le contrat de location à long terme pour le compte de la société SOC 1), contrairement aux dispositions des statuts de la société, et qu’il partait régulièrement suivre des courses motos dès le jeudi, sans poser des jours de congés.
La Cour constate encore que A était le seul à émettre et signer les « notes de services » de la société SOC 1), sur des sujets aussi divers que le paiement des heures supplémentaires, l’usage des véhicules de service, le respect de la convention collective et du code du travail, l’utilisation des équipements de protection, la fixation des jours fériés et des congés, les voeux pour la nouvelle année…
De tout ce qui précède, il découle à suffisance de droit que A n’a pas exercé de fonctions distinctes de celles d’administrateur en charge de la gestion journalière.
Le simple fait de devoir respecter les décisions du conseil d’administration, en devant notamment rendre sa voiture luxueuse de service, n’est pas suffisant pour établir un lien de subordination, d’autant qu’en tant qu’administrateur, il devait également rendre compte au conseil d’administration de ses actes.
Les pièces versées ne permettent pas non plus de retenir l’existence d’une autorité, respectivement d’un contrôle exercé par l’employeur sur les activités de A.
Il suit de l’ensemble de ces considérations qu’une relation de travail salariée entre A et la société SOC 1) n’est pas établie en l’espèce.
Les éléments tels que le paiement mensuel d’un salaire et la délivrance de fiches de salaires ne sont pas suffisants à cet égard pour établir la réalité du lien contractuel de travail ; les caractéristiques essentielles, à savoir le lien de subordination, partant l’autorité et le contrôle par l’employeur, ci-avant examinées, faisant défaut.
C’est partant à tort que les juges de premier degré se sont déclarés compétents pour connaître de ce litige. (C.S.J., 16/07/2020, Numéro CAL-2018-00624 du rôle).