Absentéisme habituel pour raisons de santé – absences dues à une maladie qui a pour origine l’activité professionnelle
L’absentéisme habituel pour raisons de santé peut être une cause de rupture du contrat lorsque, d’une part, il y a des absences longues ou nombreuses et répétées et lorsque, d’autre part, il y a une gêne considérable dans le fonctionnement de l’entreprise, sans certitude ou même probabilité d’amélioration dans un avenir proche.
Dans le cadre de l’appréciation du bien-fondé d’un licenciement motivé par l’absentéisme habituel pour raison de santé, il convient de faire une différence entre les absences dues à l’état de santé déficient inhérent au salarié et les absences dues à une maladie qui a pour origine l’activité professionnelle du salarié ou qui trouve sa source dans un accident du travail étant donné que l’employeur supporte les risques engendrés par l’activité de l’entreprise. La preuve que l’absence pour maladie invoquée est directement liée à l’activité professionnelle de la salariée incombe à cette dernière.
Par réformation du jugement entrepris, le CHEM demande à la Cour de retenir que les motifs de licenciement ont été énoncés avec la précision requise par la loi et par la jurisprudence et qu’ils sont de nature à justifier le licenciement.
Il donne à considérer que sur la période de juillet 2011 à mai 2014 A, travaillant à mi-temps après un reclassement interne en 2010, reclassement confirmé en 2012, aurait remis 21 certificats de maladie correspondant à un taux d’absentéisme annuel de 30,35% en 2011, de 40,96% en 2012, de 13,50% en 2013 et de 33,12% en 2014.
Il reproche à la juridiction de première instance d’avoir écarté les absences de la salariée ayant eu pour origine un accident de travail au motif que si l’employeur supporte les risques engendrés par l’activité de l’entreprise conformément aux dispositions de l’article L.129-9 du Code du travail, cette règle ne peut avoir pour conséquence que ce dernier assume seul les risques liés à des accidents de travail dès lors que ceux-ci sont la cause d’une situation d’absentéisme habituel d’un salarié. Ainsi, toutes les absences nonobstant leur origine seraient à mettre en perspective avec la désorganisation que ces dernières causent au sein de l’entreprise concernée pour apprécier si elles peuvent justifier un licenciement.
Il reproche encore au tribunal d’avoir écarté les absences survenues entre le mois de juillet 2011 et le 19 novembre 2011, faute de pouvoir dénombrer le nombre de jours d’absence. En effet, les pièces de A produites en première instance auraient mis en
évidence le nombre de ces absences.
Le CHEM ajoute que les absences fréquentes et répétées de la salariée ont entravé le bon fonctionnement du service auquel appartenait la salariée et ce en l’absence de toute perspective d’amélioration, tel que cela résulte des propres affirmations de
la salariée et des certificats médicaux produits en cause qui lui attestent une incapacité de poursuivre l’activité de femme de charge.
Même à supposer qu’il faille exclure les absences tirant leur origine d’un accident de travail, le nombre restant des absences, à savoir 42 jours en 2013 et 27 jours entre janvier et mai 2014, serait suffisamment nombreux pour faire présumer une perturbation de l’organisation de l’entreprise, présomption non renversée par A.
La désorganisation de l’équipe de nettoyage de taille réduite à laquelle appartenait l’appelante résulterait, d’ailleurs, également des pièces versées en cause.
En effet, les certificats d’incapacités de travail étaient irréguliers, successifs et interrompus, de sorte qu’il lui était impossible de pallier aux absences impromptues de la salariée par l’embauche d’un travailleur temporaire. Les plannings auraient constamment dus être changés. Les collègues de travail de l’équipe de l’appelante, composée d’une dizaine de personnes travaillant à mi-temps entre 18 et 22 heures, auraient dû exécuter une surcharge de travail. Parfois, une partie des tâches de l’appelante n’avait même pas pu être exécutée.
A titre subsidiaire, le CHEM réitère l’offre de preuve formulée en première instance.
A réplique que suite à différents accidents de travail elle se serait « retrouvée avec des capacités physiques résiduelles ». Toutes les absences survenues après les accidents de travail à partir de 2009 trouveraient leur origine dans ces accidents de travail. Ces absences seraient dès lors à écarter dans le cadre de l’appréciation du bien-fondé du licenciement. Elle conteste, par conséquent, également le taux d’absentéisme avancé par l’employeur. La salariée conteste, en outre, la comparaison entre son taux d’absentéisme et la moyenne générale d’absentéisme des salariés du CHEM.
Le CHEM ne rapporterait pas non plus la preuve de la prétendue désorganisation interne. En effet, les certificats médicaux qu’elle aurait versés auraient toujours fait état d’une absence pour une semaine au moins, de sorte que, contrairement à ses dires, le CHEM ne se trouvait pas confronté à des incertitudes et à une impossibilité de pourvoir à son remplacement.
L’employeur aurait même sollicité qu’elle reste en état de maladie après un contrôle de l’ITM au début de l’année 2014 afin de pouvoir lancer une nouvelle procédure de reclassement pour réduire le nombre de ses heures de travail à 25% d’une tâche normale, ce qu’elle offre de prouver pour autant que de besoin par la voie testimoniale. Le CHEM serait donc mal venu d’affirmer que ses périodes
d’incapacités de travail auraient perturbé le service et son licenciement ne pourrait s’expliquer que par le fait que l’employeur se serait vu refuser une réduction de ses heures de travail.
La Cour relève d’abord qu’en instance d’appel, A ne remet plus en cause la précision de la lettre de motivation du licenciement. C’est effectivement à juste titre que la juridiction de première instance a retenu que la lettre de motivation du licenciement suffit aux conditions de précision requises par l’article L.124-5 du Code du travail, l’énoncé des motifs fournis par le CHEM étant suffisamment
précis pour permettre tant au salarié qu’à la juridiction du travail de connaître les raisons exactes ayant amené l’employeur à résilier le contrat de travail et d’apprécier leur caractère légitime.
L’employeur reproche à A un taux d’absentéisme excessif en relevant un taux de 30,35% en 2011, de 40,96% en 2012, de 13,50% en 2013 et de 28,05% en 2014, soit 329 (82,5 jours) heures entre juillet et décembre 2011, 400 heures (100 jours) en 2012, 131,79 heures (32,95 jours) en 2013 et 133,8 heures (33,45 jours) pendant la période de janvier à mai 2014 conformément au tableau reprenant les absences mensuelles de la salariée pendant cette période inclus dans la lettre de licenciement.
Les absences en tant que telles ne sont pas contestées par A. La salariée s’oppose cependant à leur prise en compte au motif que toutes les absences sont dues à des accidents de travail.
L’absentéisme habituel pour raisons de santé peut être une cause de rupture du contrat lorsque, d’une part, il y a des absences longues ou nombreuses et répétées et lorsque, d’autre part, il y a une gêne considérable dans le fonctionnement de l’entreprise, sans certitude ou même probabilité d’amélioration dans un avenir proche.
Dans le cadre de l’appréciation du bien-fondé d’un licenciement motivé par l’absentéisme habituel pour raison de santé, il convient de faire une différence entre les absences dues à l’état de santé déficient inhérent au salarié et les absences dues à une maladie qui a pour origine l’activité professionnelle du salarié ou qui trouve sa source dans un accident du travail étant donné que l’employeur supporte les risques engendrés par l’activité de l’entreprise. La preuve que l’absence pour maladie invoquée est directement liée à l’activité professionnelle de la salariée incombe à cette dernière.
Il résulte des pièces versées en cause que la salariée a fait l’objet de 18 accidents de travail déclarés entre le 21 mai 1993 et le 20 février 2014.
Concernant les absences invoquées à l’appui du licenciement à partir du mois de juillet 2011, la Cour constate sur base des certificats d’incapacité de travail versés en cause, que l’absence de A pendant la période du 20 décembre 2011 au 31 mai 2012 est à mettre en rapport avec un accident de travail subi en date du 8 octobre 2009.
Il en résulte encore que les absences pendant la période du 20 février 2014 au 4 mars 2014 et du 18 au 28 avril 2014 sont en relation causale avec un accident subi par la salariée en date du 20 février 2014.
La Cour constate, en revanche, que la salariée ne verse pas de certificat d’incapacité de travail permettant à la Cour de retracer l’origine des absences invoquées entre le mois de juillet et de décembre 2011.
Les certificats d’incapacité de travail versés en cause ne permettent pas non plus de retenir que les absences au cours de l’année 2013, couvertes par 5 certificats d’incapacités de travail, sont à mettre en relation causale avec un accident de travail. Il en est de même des absences du 29 au 30 janvier 2014, du 17 au 21 mars 2014 (2 certificats) et du 28 avril au 18 mai 2014. La mention relative à un accident de travail du 19 juillet 2011 a été biffée sur le certificat d’incapacité de travail du 15 octobre au 4 novembre 2012, de sorte que les pièces versées en cause ne permettent pas non plus de mettre cette absence en relation causale avec un accident de travail.
A fait cependant valoir que le CHEM ne pourrait raisonnablement affirmer que ses absences aient perturbé le service auquel elle était affecté alors qu’au début de l’année 2014, lors d’une réunion avec l’ITM, après un contrôle de l’adaptation de son poste de travail à son état de santé, les représentants du CHEM ont demandé que ses incapacités de travail se poursuivent afin de favoriser le lancement d’une nouvelle procédure de reclassement pour réduire ses heures de travail de 20 à 10 heures par semaine.
Le CHEM conteste avoir formulé une telle demande.
L’offre de preuve formulée à cet égard par la salariée est à rejeter pour défaut de pertinence, alors que, même à admettre que les parties aient discuté d’un éventuel nouveau reclassement, il appartient, d’une part, au seul médecin traitant de la salariée de juger si son état de santé justifie une mise en congé de maladie. D’autre part, il faut un avis du médecin de travail compétent pour introduire une procédure de reclassement. Il est par ailleurs hautement improbable qu’une telle suggestion ait été prononcée devant des représentants de l’ITM chargés de contrôler si le poste à mi-temps occupé par la salariée était encore compatible avec son état de santé.
Il se dégage, par contre, des éléments qui précèdent que les absences répétées à des intervalles irréguliers et pour des durées variables ont nécessairement causé des problèmes d’organisation alors que l’employeur a non seulement dû changer de façon récurrente son planning, mais les collègues de travail de A étaient, en outre, appelées à fournir un surcroît de travail. La gêne au fonctionnement du service auquel était affecté la salariée résulte, par ailleurs, des attestations versées en cause.
Il devient donc redondant de statuer sur l’offre de preuve formulée par l’employeur.
Il se dégage encore de l’historique des absences de A qui ont augmentées depuis 2010, des certificats médicaux versés à la Cour et des propres explications de la salariée que son état de santé au moment du licenciement ne permettait pas d’espérer une amélioration dans l’avenir. Les certificats médicaux postérieurs préconisent d’ailleurs plutôt une mise en invalidité.
L’employeur ne pouvait donc, en l’espèce, plus compter sur une collaboration suffisamment régulière de la salariée, de sorte que, par réformation du jugement entrepris, le licenciement avec préavis est à déclarer régulier et A est à débouter de ses prétentions indemnitaires. Le CHEM est dès lors à décharger du paiement de la somme de 6.663,40 euros.
Eu égard à la décision à intervenir, la demande de l’Etat dirigée contre l’employeur est à rejeter. Par réformation du jugement entrepris, le CHEM est dès lors également à décharger du paiement du montant de 16.653,48 euros à l’ÉTAT.
A vu du résultat du litige, la demande de A en allocation d’une indemnité de procédure pour la première instance est, par réformation du jugement entrepris, à rejeter.
N’ayant pas établi en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge l’intégralité des frais dépensés non compris dans les dépens, la demande du CHEM en allocation d’une indemnité de procédure pour la première instance est à déclarer non fondée.
Il en suit que l’appel principal de A est à déclarer non fondé tandis que l’appel indicent du CHEM est à déclarer partiellement fondé.
Les demandes en allocation d’une indemnité de procédure pour l’instance d’appel de A, qui n’a pas obtenu gain de cause, et du CHEM, qui n’a pas établi l’iniquité requise, sont à rejeter. (C.S.J., 29/03/2018, 43515).