Absence injustifiée et licenciement abusif malgré tout

La Cour retient que dans ces circonstances, l’employeur n’a pas pu ignorer les problèmes de santé du salarié. Bien qu’il soit établi que PERSONNE1.) ait manqué à l’obligation d’information légale lui imposée par l’article L.121-6 du Code du travail, la Cour retient, par réformation, qu’en procédant à son licenciement le 2 avril 2019, soit le deuxième jour de son absence injustifiée, l’employeur a agi de façon intempestive.

Arrêt N°23/24 – VIII – TRAV, 29.02.2024, Numéro CAL-2021-00957 du rôle

La présence sur le lieu de travail, aux heures prévues dans le contrat de travail, constitue pour le salarié une obligation de résultat.
Lorsque le salarié est empêché de se présenter sur son lieu de travail ou de rester sur son lieu de travail pour raison de santé, il doit en avertir son employeur, dans les conditions définies aux deux premiers paragraphes de l’article L.121-6 du Code du travail qui se lisent comme suit :
« Le salarié incapable de travailler pour cause de maladie ou d’accident est obligé, le jour même de l’empêchement, d’en avertir personnellement ou par personne interposée l’employeur ou le représentant de celui-ci.
L’avertissement visé à l’alinéa qui précède, peut être effectué oralement ou par écrit.
Le troisième jour de son absence au plus tard, le salarié est obligé de soumettre à l’employeur un certificat médical attestant son incapacité de travail et sa durée prévisible. »
Le paragraphe (3) de ce même article ajoute que « l’employeur averti conformément au paragraphe (1) ou en possession du certificat médical visé au paragraphe (2) n’est pas autorisé, même pour motif grave, à notifier au salarié la résiliation de son contrat de travail. »
Pour bénéficier de la protection contre le licenciement prévue par le paragraphe (3) cité ci-dessus, le salarié doit avoir rempli les conditions prévues par les deux premiers paragraphes de ce même article.
Tant que le salarié n’a pas satisfait à l’obligation d’information définie ci-dessus, celui-ci n’est pas protégé et l’employeur peut lui notifier son licenciement ou, le cas échéant, sa convocation à un entretien préalable (article L.121-6 (4) du Code du travail).
Les deux informations susmentionnées doivent être parvenues à l’employeur, autrement dit, avoir été reçues par ce dernier dans les délais prévus par l’article L.121-6 du Code du travail.

Ce n’est que grâce à ces informations que l’employeur saura qu’il ne doit plus compter sur ce salarié jusqu’à obtention de l’information contraire et que l’employeur sera en mesure de pourvoir à son remplacement ou aux mesures qui s’imposent du fait de son absence. D’autre part, face au risque d’un licenciement abusif comportant indemnisation du salarié, l’employeur doit impérativement être informé de ce que le salarié se trouve dans une période de protection entraînant une interdiction de licencier (Cour d’appel, 9 décembre 2021, n° du rôle Cal-2020 -01046 ; Cour d’appel, 11 octobre 2007, n° du rôle 31390).


Ces règles valent également en cas de prolongation d’une période d’incapacité (Cour d’appel 9 juillet 2015 n°37895 du rôle).


PERSONNE1.) se trouvait en absence injustifiée depuis le 1er avril 2019, étant donné qu’il avait omis d’informer son ancien employeur de la prolongation de son incapacité de travail dès la date du 1er avril 2019 et il n’a remis à son ancien employeur le certificat de prolongation de l’incapacité de travail qu’en date du 4 avril 2019, soit après l’expiration du délai de trois jours légalement requis.
La réalité de l’absence injustifiée lui reprochée par son ancien employeur ne saurait partant être valablement contestée.
La cause sérieuse est celle qui revêt une certaine gravité et qui rend impossible, sans dommage pour l’entreprise, la continuation des relations de travail. Le critère décisif de cette faute, justifiant le licenciement avec préavis, est l’atteinte au bon fonctionnement de l’entreprise.
PERSONNE1.) reproche au tribunal du travail d’avoir retenu que son absence injustifiée à partir du 1er avril 2019 constitue une cause suffisamment sérieuse pour justifier son congédiement.
Il soutient d’abord que son ancien employeur l’aurait licencié de façon intempestive en présence d’une maladie justifiée depuis le 5 février 2019, que l’ancien employeur aurait dû le contacter pour savoir s’il allait reprendre son travail le 1er avril 2019 ou si le médecin lui avait prescrit une prolongation de l’incapacité de travail et qu’en omettant de ce faire, l’ancien employeur l’aurait privé d’une chance de régulariser sa situation.
PERSONNE1.) soutient ensuite que son absence injustifiée n’aurait en aucune façon impacté l’organisation de l’entreprise.
Il reproche au tribunal du travail d’avoir retenu qu’il était à qualifier de cadre supérieur, soutenant n’avoir rempli que des fonctions de technicien et que la société SOCIETE2.) n’aurait pas eu à faire des efforts considérables pour pallier à son absence, étant donné que suivant facture invoquée par l’employeur, ce dernier aurait eu recours aux services de SOCIETE3.), technicien qui aurait figuré sur le plan prévisionnel de l’ancien employeur pour le mois d’avril 2019, au même titre que PERSONNE2.), auquel l’ancien employeur prétend avoir eu recours aux termes de la lettre de motivation.
La société SOCIETE2.) invoque qu’il n’appartiendrait pas à l’employeur de s’enquérir auprès de son salarié s’il entend reprendre le travail à l’expiration de la période d’incapacité de travail justifiée à l’égard de l’employeur, mais au salarié de se plier à ses obligations légales découlant du prédit article L.121-6 du Code du travail, en se référant à une jurisprudence ayant retenu qu’ « imposer à l’employeur de prendre l’initiative lors de l’absence d’un salarié et de s’enquérir du caractère justifié ou non de cette absence irait à l’encontre du sens et de la lettre de l’article L.121-6 du Code du travail qui impose des obligations précises au salarié et non pas à l’employeur » (Cour d’appel, 16 février 2012, n°35554 et 37536 du rôle).


La société SOCIETE2.) invoque ensuite une facture émise le 9 avril 2019 par la société SOCIETE4.) pour un montant de 1.924,73 euros en raison de la mise à disposition des services de SOCIETE3.) pendant la période du mardi 2 avril au vendredi 5 avril 2019, soutenant ainsi fournir la preuve de l’effort organisationnel et des frais considérables engendrés par l’absence injustifiée de PERSONNE1.).


Appréciation de la Cour:
La Cour relève que PERSONNE1.) ne prétend pas en l’espèce devoir bénéficier des dispositions protectrices inscrites à l’article L.121-6 alinéa 3 du Code du travail, mais qu’il fait appel à une certaine largesse de son ancien employeur eu égard aux circonstances ayant précédé son absence injustifiée d’un seul jour.
La société SOCIETE2.) admet qu’en ce qui concerne des périodes antérieures d’incapacité de travail, PERSONNE1.) s’est toujours conformé aux prédites dispositions. La Cour retient que dans ces circonstances, l’employeur n’a pas pu ignorer les problèmes de santé du salarié. Bien qu’il soit établi que PERSONNE1.) ait manqué à l’obligation d’information légale lui imposée par l’article L.121-6 du Code du travail, la Cour retient, par réformation, qu’en procédant à son licenciement le 2 avril 2019, soit le deuxième jour de son absence injustifiée, l’employeur a agi de façon intempestive.
Il convient d’ajouter à titre surabondant, au vu du planning prévisionnel de la société SOCIETE2.) concernant le mois d’avril 2019 versé par le salarié, non autrement contesté par l’ancien employeur, que tant PERSONNE2.) que SOCIETE3.) figurent sur ce plan prévisionnel, le
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premier pour la période du 1er au 15 avril 2019, le second pour la période du 1er au 6 avril 2019.
En l’absence d’explications précises de l’employeur concernant la prévision de ces salariés sur ledit planning, la Cour retient que la société SOCIETE2.) reste en défaut d’établir si le recours aux services de SOCIETE3.), tel que résultant de la facture de la société SOCIETE4.) produite en cause trouve sa cause dans une surcharge de travail, et que les frais occasionnés par le recours à ce salarié auraient de toute façon été engagés, ou si le recours aux services de SOCIETE3.) trouve sa cause dans l’absence de PERSONNE1.).
La Cour retient dès lors, par réformation du jugement entrepris que la société SOCIETE2.) reste en défaut de justifier d’une cause sérieuse de licencier avec préavis PERSONNE1.) dès le deuxième jour de son absence.
Le licenciement avec préavis prononcé le 2 avril 2019 à l’encontre de PERSONNE1.) est partant abusif.
L’appel de PERSONNE1.) est fondé sur ce point spécifique.