Compte épargne temps et heures supplémentaires
Tel que relevé à bon droit par le tribunal du travail, les dispositions légales et conventionnelles précitées combinées prévoient, le paiement d’une majoration de salaire pour chaque heure supplémentaire et la compensation des heures supplémentaires prestées par du temps de repos. Il n’est fait état ni de la perte
automatique des heures supplémentaires après l’écoulement d’une certaine période de référence, ni de la comptabilisation des heures supplémentaires dans un compte épargne temps.
L’argumentation de l’employeur qu’en l’absence de telles dispositions, les parties auraient pu contractuellement prévoir la perte automatique des heures supplémentaires non compensées par des heures de repos à l’échéance d’un certain délai est à écarter.
En effet, les dispositions légales et conventionnelles prises dans le domaine du droit du travail présentent un caractère d’ordre public en tant qu’elles garantissent aux salariés des avantages, lesquels ne
peuvent en aucun cas être supprimés ou réduits, mais ne font pas obstacle à ce que ces garanties ou avantages soient accrus.C.S.J., III, 24.10.2024, Numéro CAL-2021-01038 du rôle
Il importe de préciser qu’en décembre 2004, aucune disposition légale ou conventionnelle applicables ne mentionnaient le principe du compte épargne temps.
Cette notion de compte épargne temps apparaît pour la première fois aux alinéas (1) et (2) de article L.211-27 du Code du travail introduit dans ledit Code par la loi du 13 mai 2008. Ce n’est qu’avec la loi du
12 avril 2019 portant introduction d’un compte épargne-temps, que le régime même du compte épargne-temps a reçu un cadre légal précis sous les articles L.235-1 du Code du travail et que les modalités d’alimentation et d’utilisation du compte épargne temps ont été définis.
Le tribunal du travail a correctement reproduit les dispositions relatives aux heures supplémentaires inscrites à l’article 16 de la loi modifiée du 9 décembre 1970 portant réduction et réglementation de la durée du travail des ouvriers dans les secteurs public et privé de l’économie, telle qu’en vigueur en 2005 ainsi que les articles 6.3. et 7.2.2. de la CCT du 28 avril 2003 et celle du 9 mai 2006 portant toutes les deux
sur les transports professionnels de marchandises par route, et la Cour s’y réfère.
Tel que relevé à bon droit par le tribunal du travail, les dispositions légales et conventionnelles précitées combinées prévoient, le paiement d’une majoration de salaire pour chaque heure supplémentaire et la compensation des heures supplémentaires prestées par du temps de repos. Il n’est fait état ni de la perte
automatique des heures supplémentaires après l’écoulement d’une certaine période de référence, ni de la comptabilisation des heures supplémentaires dans un compte épargne temps.
L’argumentation de l’employeur qu’en l’absence de telles dispositions, les parties auraient pu contractuellement prévoir la perte automatique des heures supplémentaires non compensées par des heures de repos à l’échéance d’un certain délai est à écarter.
En effet, les dispositions légales et conventionnelles prises dans le domaine du droit du travail présentent un caractère d’ordre public en tant qu’elles garantissent aux salariés des avantages, lesquels ne
peuvent en aucun cas être supprimés ou réduits, mais ne font pas obstacle à ce que ces garanties ou avantages soient accrus.
Tel que relevé à juste titre par le tribunal du travail, il ne peut en conséquence être dérogé à ces dispositions légales ou conventionnelles que dans un sens plus favorable aux salariés. Or une
disposition d’un accord entre employeur et délégation du personnel qui prévoit la perte automatique d’heures supplémentaires inscrites dans un compte épargne temps après un certain délai est défavorable
aux salariés, dès lors qu’elle réduit leurs droits garantis par les dispositions précitées.
Si l’article 6.3. de la CCT du 28 avril 2003 prévoit « la compensation des heures complémentaires sous forme d’heures chômées ou d’heures supplémentaires à régulariser au plus tard au courant du
mois suivant », et l’article 7.2.2. de cette même convention, que « les heures supplémentaires sont majorées avec un taux de 25% conformément aux dispositions de la loi du 9 décembre 1970 », ces
dispositions ne prévoient pas pour autant la perte automatique des droits des salariés relatifs aux heures supplémentaires en cas d’absence de régularisation après le délai d’un mois.
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La Cour approuve en conséquence le tribunal d’avoir retenu que le régime du compte épargne temps mis en place par la société SOCIETE1.) qui a prévu une perte automatique des heures supplémentaires après une période de référence annuelle à solder au plus tard le 31 mars de l’année suivante est contraire aux dispositions légales et conventionnelles en vigueur.
Concernant les dispositions en vigueur en cours d’existence du compte épargne temps mis en place par la société SOCIETE1.), l’article L.211-27 qui a été introduit dans le Code du travail par la loi
du 13 mai 2008 est libellé comme suit :
(1) Les heures supplémentaires sont soit compensées par du temps de repos rémunéré, à raison d’une heure majorée d’une demi heure de temps libre rémunéré par heure supplémentaire travaillée soit comptabilisées au même taux sur un compte épargne temps dont les modalités peuvent être fixées par la
convention collective applicable ou par tout autre accord entre partenaires sociaux conclu au niveau approprié. ou
(2) Dans les entreprises qui appliquent une période de référence légale conventionnelle, les heures supplémentaires constatées en fin de période de référence sont compensées au courant de la période de référence suivante en application du taux de majoration ci-dessus ou comptabilisées au même taux sur un compte épargne temps tel que visé ci-dessus.
C’est à tort que l’employeur fait grief au tribunal du travail d’avoir dénaturé le sens de l’article L.211-27 (2) du Code du travail. L’article en question prévoit en effet deux possibilités pour les entreprises qui
appliquent une période de référence légale ou conventionnelle : ou bien «les heures supplémentaires constatées en fin de période de référence sont compensées au courant de la période de référence
suivante (…) ou bien elles sont « comptabilisées (…) sur un compte épargne temps». L’argumentation de la société SOCIETE1.) que les heures supplémentaires comptabilisées dans un compte épargne
temps seraient automatiquement perdues après une période de référence ne résulte aucunement de cette disposition légale.
Tel que relevé encore à bon droit par le tribunal du travail, ce n’est que par la loi du 23 décembre 2016 concernant l’organisation du temps de travail et portant modification du Code du travail, entrée en vigueur le 31 décembre 2016 que l’article L.211-27 a été complété par l’ajoute, sous l’alinéa 2 de la disposition suivante :
«Pour les heures supplémentaires constatées en fin de période de référence, celles résultant du non-respect des délais de préavis fixés au paragraphe 3 de l’article L. 211-7 ou du dépassement des limites
fixées au paragraphe 4 du même article le moment de la compensation est fixé en principe selon le désir du salarié, à moins que les besoins du service et les désirs justifiés d’autres salariés de l’entreprise ne s’y opposent. Dans ce cas, les heures supplémentaires non encore compensées à la fin de l’année de calendrier peuvent être reportées exceptionnellement jusqu’au 31 mars de l’année qui suit».
La Cour approuve encore le tribunal du travail d’avoir retenu que cette disposition ne s’applique pas aux heures supplémentaires qui ont été comptabilisées dans un compte épargne temps, mais uniquement aux heures supplémentaires constatées en fin de période de référence, et à celles non encore compensées à la fin de l’année de calendrier.
C’est partant à tort que la société SOCIETE1.) excipe de cette disposition pour soutenir que les modalités de fonctionnement du compte épargne temps et notamment la disposition relative à la perte
automatique des heures supplémentaires comptabilisées dans ledit compteur seraient conforme à l’article L.211-27 du Code du travail.
La société SOCIETE1.) reproche encore au tribunal du travail de n’avoir mentionné que l’article 33.2.2. de la SOCIETE3.) et de ne pas avoir retenu que le système de la perte automatique des heures
comptabilisées dans un compte épargne temps résulterait des articles 19.1 et 33.1 de la CCT du 1er février 2010.
L’article 19 de la CCT ne fait que définir la durée de travail hebdomadaire des salariés qui sont affectés à des activités de transport.
L’article 33.1 de la SOCIETE3.) est libellé comme suit :
« Sont considérées comme heures supplémentaires : toutes les heures de travail qui dépassent le temps de travail fixé dans le contrat de travail. Le décompte des heures de travail supplémentaires prestées au cours du mois est effectué sur la base de la période de référence du mois en cours et de ses journées de travail,
toutes les heures qui dépassent l’amplitude fixée à l’article 32. Lorsqu’au cours du mois il y a dépassement des heures de travail effectif telles que prévues à l’article 18 ainsi que de l’amplitude
mensuelle définie dans l’article 32, alors les heures supplémentaires ne sont prises en compte qu’une seule fois, en l’occurrence pour le nombre d’heures supplémentaires le plus élevé ».
L’article 33.1 précité définit ce qu’il faut entendre par heures supplémentaires.
Contrairement à ce que fait plaider la société SOCIETE1.), il ne résulte ni de l’article 19, ni de l’article 33.1 de la CCT que les heures supplémentaires qui n’ont pas été compensées seraient perdues. Par
ailleurs, aucun des deux articles ne mentionne le compte épargne temps.
La Cour approuve en conséquence le tribunal d’avoir relevé que le seul article qui se rapporte à la rémunération des heures supplémentaires est l’article 33.2.2. de la CCT qui dispose qu’ « en
vertu de la loi, les heures supplémentaires sont majorées avec un taux de 40% ».
Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que c’est à bon droit que le tribunal du travail a retenu que le régime du compte épargne temps tel que mis en place par la société SOCIETE1.) est
contraire aux dispositions légales et conventionnelles en vigueur tant au moment de la mise en place qu’en cours d’exécution du compte épargne temps.
Dès lors que lesdites modalités sont contraires aux dispositions légales et conventionnelles en vigueur, et qu’il est établi au regard de pièces versées que par la suite, l’employeur n’a rien modifié dans un
sens plus favorable aux salariés par rapport aux modalités de fonctionnement du régime du compte épargne temps mis en place en décembre 2004, il est inutile de rechercher, au regard des pièces versées par la société SOCIETE1.), si la délégation du personnel était d’accord à voir réduire la période de référence initialement convenue.