L’imprécision des motifs équivaut à une absence de motifs

A l’instar du tribunal du travail, la Cour constate que la susdite lettre de motivation pêche par son imprécision, dès lors que les reproches y énoncés le sont en des termes vagues et imprécis, empêchant ainsi le salarié et les juridictions du travail de vérifier leur caractère réel et sérieux, respectivement empêchant le salarié de faire la preuve de leur fausseté.

Force est en effet de constater que si l’employeur retrace dans la lettre de motivation de façon exhaustive l’évolution du parcours professionnel de B au sein de A S.A. en énonçant les différents postes par lui occupés et les projets lui confiés à partir de l’année 2009, la lettre de motivation, outre le fait qu’en raison de son jargon hautement technique elle est en partie incompréhensible pour un non-initié,  ne permet pas de déceler des manquements concrets dans le chef du salarié.

Ainsi, la référence par l’employeur aux feuilles d’appréciation de 2009 et 2010  est manifestement insuffisante, alors que les termes de ces  évaluations,  tels qu’ils sont repris dans la lettre de motivation  sont vagues et imprécis et ne contiennent pas d’éléments concrets permettant d’identifier les insuffisances reprochées  à B en relation avec son poste de PMO ( Projet-Management-Officer) au sein du département de l’Organisation, respectivement dans « la conduite du projet d’optimisation de la chaîne de gestion des entrants de la VNI » et de la « mission de contrôle de la VNI ».

Il en va de même en ce qui concerne l’insuffisance de résultats reprochée au salarié, l’employeur se limitant à indiquer que, «  les résultats début 2010 sont largement insuffisants en termes de livrables, de motivation et d’autonomie », sans autres explications, ni précisions.

Tel que relevé à juste titre par les premiers juges, l’employeur ne saurait par ailleurs illustrer une « absence de motivation » dans le chef du salarié par le fait qu’il a fait une demande de congé parental à temps partiel de douze mois, alors que le salarié n’a usé que d’un droit prévu par la loi.

La référence par l’employeur à un entretien de B avec son responsable en date du 1er septembre 2010 et au compte rendu y afférent ne permet pas non plus de déceler un manquement concret, les parties ayant uniquement convenu que B arrêterait la mission « gestion de l’entrant du programme POP le 30 septembre 2010 » et qu’il lui était demandé d’assurer « une seconde mission d’appui technique auprès du responsable des opérations de reporting (PEP) ».

La référence à un comportement désinvolte et nonchalant et à des propos négatifs de la part de B, respectivement à une attitude déplacée et une appréciation très critique, sans  précisions quant au contexte dans lequel les propos ont été tenus et sans détails quant au comportement et à l’attitude reprochés à B, est encore trop vague et imprécise pour connaître la nature et la portée exactes des motifs invoqués et d’apprécier leur caractère réel et sérieux.

La même constatation s’impose finalement en ce qui concerne les griefs faits à B en rapport avec le projet de mise en place d’une plateforme d’intégration centralisée PFI sur le périmètre FAS qu’il s’était vu confier après son congé parental. Le libellé de ce reproche, sans référence à des incidents concrets de nature à illustrer en quoi le manque d’intérêt et l’absence d’efforts reprochés au salarié consistaient,  manque encore de précision.

L’imprécision des motifs équivalant à une absence de motifs, l’offre de preuve formulée par l’employeur est à rejeter, ce dernier ne pouvant être admis à pallier par une mesure d’instruction aux lacunes et carences de sa lettre de motivation. Le licenciement de B est partant à déclarer abusif.

Le jugement entrepris est dès lors à confirmer sur ce point. (C.S.J., 21/04/2016, n°40904 du rôle).