Calcul des indemnités et notion d’unité économique et sociale

Tel que relevé par les premiers juges, l’indemnité compensatoire de préavis et l’indemnité de départ à allouer au salarié licencié sont fonction de son ancienneté, concept qui repose essentiellement sur l’idée de fidélité à l’entreprise.

Des sociétés juridiquement distinctes peuvent constituer en matière de droit du travail une unité économique et sociale, considérée comme une seule entreprise. Les critères distinctifs, qui ne sont pas forcément identiques pour les diverses institutions et varient selon la finalité et l’intérêt du bon fonctionnement de l’institution en cause, sont : au plan économique, une concentration des pouvoirs de direction et des activités identiques et/ou complémentaires ; au plan social, une communauté de travailleurs liés par les mêmes intérêts, par un statut social semblable. Les deux types d’unité sont indispensables pour qu’il y ait une unité économique et sociale.

Le simple fait qu’une société appartienne à un groupe ou au même administrateur unique ne suffit pas pour constituer une unité économique et sociale.

Face aux contestations de l’employeur, il incombe à l’appelante de prouver l’existence de cette unité économique et sociale.

Or, s’il résulte des pièces versées en cause par l’appelante, notamment des extraits du site Internet de D, que : « D is the brand under which tens of thousands of dedicated professionals in independent firms throughout the world collaborate to provide audit, consulting, financial advisory, risk management, and tax services to select clients. » et que « these firms are members of D Touche Tohmatsu Limited (DTTL) », il en résulte également que : « Each member firm provides services in a particular geographic area and is subject to the laws and professional regulations of the particular country or countries in which it operates.

DTTL does not itself provide services to clients.

DTTL and each DTTL member firm are separate and distinct legal entities, which cannot obligate each other, DTTL and each DTTL member firm are liable only for their own acts or omissions and not those of each other.

Each DTTL member firm is structured differently in accordance with national laws, regulations, customary practice, and other factors, and may secure the provision of professional services in its territory through subsidiaries, affiliates, and/or other entities”. 

Il en ressort en outre que : « The partners of D member firms are generally the sole owners of their respective member firms. The member firms are organized on an individual country or regional basis, and each operates within the legal and regulatory framework of its particular jurisdiction. They are separate and independent firms they are owned and managed locally (…) It also reflects the fact that the member firms are not subsidiaries or branch offices of a global parent. Rather they are separate and distinct locally formed legal entities that have voluntarily joined the network to coordinate their approach to client service”

Si au vu des extraits ci-avant reproduits, il est avéré que les différents cabinets exerçant sous la marque “D” sont membres de la société de droit anglais  D Touche Tohmatsu Limited (DTTL), partagent un savoir faire, collaborent entre eux et respectent des lignes directrices reflétant l’image de la marque, ces éléments ne suffisent cependant pas pour conclure à l’existence d’une unité économique et sociale entre ces différentes sociétés. Il résulte, au contraire, des pièces versées en cause que les différents cabinets membres constituent des entités juridiquement distinctes et indépendantes les unes des autres, qu’ils disposent de structures spécifiques dépendant des lois, réglementations et usages propres au pays où ils sont implantés, qu’ils n’ont pas de gestion financière commune, ni une concentration des pouvoirs de direction, ni des bénéficiaires économiques identiques.

Il ne ressort en outre pas des éléments soumis à la Cour qu’il y aurait une communauté de travailleurs liés par les mêmes intérêts ou ayant le même statut social. Une gestion centralisée de l’ensemble du personnel des cabinets membres de DTLL avec une interchangeabilité du personnel ou des mutations de personnel d’une société à l’autre laisse d’être établie, la possibilité d’un transfert ponctuel et temporairement limité d’un salarié d’un cabinet membre de DTLL à un autre cabinet membre dans le cadre d’un programme de mobilité offert par D est insuffisant à cet égard. Le fait qu’il n’existe pas d’interchangeabilité automatique des salariés des cabinets membres de DTTL résulte encore de la propre embauche de A par B S.àr.l., la signature du contrat de travail entre parties ayant été précédée de la démission de A auprès de son ancien employeur D LLP et d’un processus d’embauche avec dépôt de candidature, entretien, offre d’emploi et discussion des conditions de travail. Le contrat signé entre parties est par ailleurs muet concernant une éventuelle reprise d’ancienneté de A,  mais prévoit au contraire une  période d’essai de six mois.

L’appelante n’a partant pas établi que les cabinets membres de DTTL, dont D LLP et B S.àr.l., forment une unité économique et sociale.

La demande de l’appelante en production par la partie intimée de tous les documents relatifs à la politique de mobilité des salariés au sein du groupe D, bien que recevable conformément aux articles 348 et 349 du NCPC,  est à rejeter, les pièces en cause n’étant, au vu des développements qui précèdent, pas pertinentes pour la solution du litige.

Le jugement entrepris est dès lors à confirmer en ce qu’il a déclaré non fondée la demande de A tendant à l’allocation d’une indemnité de préavis de quatre mois et d’une indemnité de départ. (C.S:J., 21/04/2016, n°41832 du rôle).