Conditions du bénéfice du salaire social minimum qualifié
Si l’article L. 222-4.(3) du code du travail permet aux salariés non titulaires d’un certificat reconnaissant officiellement leurs capacités professionnelles dans un domaine déterminé de bénéficier du salaire social minimum qualifié à condition d’établir avoir travaillé dans le domaine concerné pendant dix années, c’est parce que le législateur admet qu’après avoir travaillé pendant dix années dans le même métier, le salarié a acquis, du fait de la pratique professionnelle, des capacités professionnelles équivalentes à celui qui a appris la profession par un enseignement ou une formation (cf. Cour d’appel 26 février 2015, No 40118 du rôle).
Comme la maîtrise de travaux de nettoyage simples n’exige aucun enseignement ou formation, il est à exclure qu’il puisse exister en la matière un certificat officiel.
Dès lors qu’A n’admet pas avoir exécuté des travaux de nettoyage simples pour lesquels l’existence d’un certificat officiel est à exclure, il y a lieu d’examiner en premier lieu s’il y a en matière de nettoyage de bâtiments des certificats officiels.
Il résulte du règlement grand-ducal du 19 février 1990 ayant pour objet : 1. d’établir la liste des métiers principaux et secondaires, prévue à l’article 13(1) de la loi d’établissement du 28 décembre 1988 ; 2. de déterminer les conditions de qualification professionnelle requises pour l’exercice des métiers secondaires, conformément à l’article 13(3) de la loi d’établissement du 28 décembre 1988 et du règlement grand-ducal du 4 février 2005 ayant pour objet : 1. d’abroger le RGD du 19 février 1990 … ; 2. d’établir une nouvelle liste des métiers principaux et secondaires, prévus à l’article 13(1) de la loi modifiée du 28 décembre 1988 ; 3. de déterminer les nouvelles conditions de qualification professionnelle requises pour l’exercice des métiers secondaires, conformément à l’article 13(3) de la loi modifiée du 28 décembre 1988, règlements grand-ducaux comprenant parmi l’énumération des métiers principaux et secondaires le métier de nettoyeur de bâtiments, ainsi que des règlements ministériels portant, entre autres, fixation des indemnités d’apprentissage des nettoyeurs de bâtiments et s’échelonnant du 23 décembre 1988 au 26 juillet 2010 que pour la période litigieuse le métier de nettoyeur de bâtiments comporte une qualification professionnelle sanctionnée par un certificat officiel acquis en principe après une période d’enseignement ou de formation.
Il ressort par ailleurs de l’arrêté ministériel du 26 mars 1998 portant approbation du programme de formation pratique en entreprise pour les apprenti(e)s dans le métier de nettoyeur de bâtiments et du profil du nettoyeur de bâtiments élaboré par la Chambre des Métiers sous l’égide de laquelle se fait l’apprentissage, pièces versées par A, ainsi que du règlement grand-ducal du 4 février 2005 déterminant le champ d’activité des métiers principaux et secondaires du secteur artisanal, que les travaux sur lesquels porte l’enseignement ou la formation pour obtenir les certificats officiels de nettoyeur de bâtiments, soit le Certificat d’Aptitude Technique et Professionnelle (C.A.T.P.) ou le certificat de Capacité Manuelle (C.C.M.), sont des travaux divers, d’une certaine complexité dont la maîtrise ne s’acquiert pas intuitivement mais exige une formation poussée, tels que des travaux de nettoyage, pouvant être dangereux, de toutes sortes de bâtiments, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, d’éléments des bâtiments de toute nature, d’installations techniques sophistiquées (ordinateurs, climatisation) et de véhicules, des travaux de stérilisation et de décontamination, tous travaux à exécuter avec les produits les plus divers et en utilisant des machines d’une technicité certaine.
Ces travaux ne sont pas, ou ne sont que très accessoirement, des travaux de nettoyage courants et réguliers ne nécessitant aucune connaissance ou formation spécifique.
Pour prouver qu’elle a pendant la durée requise effectué les travaux sur lesquels porte la formation et l’enseignement pour obtenir le certificat de nettoyeur de bâtiments, A, à qui incombe la charge de la preuve, verse diverses attestations émanant d’elle-même, de C, de D, de E, d’F, de G, de H et de I.
L’attestation émanant d’A est à écarter en raison de l’incapacité de témoigner d’une partie en cause.
C’est à tort que la société B s.à r.l. soutient que les attestations émanant de C, de D, de E, d’F et de G sont à écarter pour émaner de parties en cause dès lors que ces personnes ont introduit des litiges contre elle ou d’autres employeurs portant exactement, ou du moins largement, sur les mêmes points que ceux débattus en l’espèce.
En effet si ces personnes peuvent avoir intérêt à l’issue du présent litige et qu’une plus grande circonspection est dès lors de mise dans l’appréciation de leurs déclarations, il n’en demeure pas moins qu’elles ne sont pas parties au procès opposant A et la société B s.à r.l..
L’attestation de H est à écarter, cette attestation portant la remarque « Texte rédigé par la fille de H sur les indications de celle-ci » n’émanant pas avec certitude de son prétendu auteur.
C a attesté avoir été la collègue d’A de 1993 à 2000 et avoir effectué avec celle-ci des travaux de nettoyage. Il résulte des descriptions et énumérations données qu’il s’agissait de travaux courants impliquant l’utilisation de produits de nettoyage courants.
Elle fait état de périodes de formation, semblant être des formations sur le tas, sans préciser la durée de celles-ci et sans préciser si A y a participé.
D qui a travaillé ensemble avec A a fait des déclarations similaires à celles de C. Il est à noter qu’elle décrit la prétendue complexité des travaux en termes imprécis et stéréotypes.
C, E, F, G et I ont attesté qu’A a travaillé avec une machine mono-brosse et une auto-laveuse et qu’elle a fait des travaux de décapage.
Les témoins n’ont cependant pas donné de précisions quant à la complexité de maniement de ces machines et quant à la durée d’utilisation des machines par A.
Il ne résulte partant pas des attestations, qui ne sont pas déjà à écarter de prime abord, qu’A ait pendant dix ans effectué des travaux divers, d’une certaine complexité dont la maîtrise exige une formation poussée.
La société B s.à r.l. conclut à l’irrecevabilité de l’offre de preuve par témoins faite dans un ordre subsidiaire par A. Puisque l’offre de preuve porte dans sa partie introductive, non sur des faits précis, mais sur une appréciation globale de qualités professionnelles, puisque le surplus de l’offre de preuve porte en majeure partie sur des travaux de nettoyage courants et réguliers ne nécessitant pas de formation poussée et puisque, dans la mesure où l’utilisation d’appareils de nettoyage est alléguée, A ne précise pas les difficultés de maniement de ces machines et ne donne pas d’indications quant à la durée d’utilisation de ces appareils, l’offre de preuve par témoins est à déclarer irrecevable pour ne pas être pertinente.
Dès lors qu’A n’a pas établi une pratique professionnelle d’au moins dix ans répondant aux critères de l’alinéa (2) de l’article L.222-4 du code du travail, sa demande en tant que basée sur l’alinaé (3) de cet article n’est pas fondée. (C.S.J., 12/05/2016, n°36251 du rôle).