Contre-examen médical de l’employeur

Le comportement de PERSONNE1., qui ne s’est pas mis en mesure de recevoir les convocations à des contre-expertises médicales pourtant valablement envoyées à l’adresse qu’il avait lui-même communiquée, constitue une faute grave. Cette faute a empêché l’employeur d’exercer légitimement son droit de contrôle sur l’incapacité de travail alléguée et a entraîné une absence injustifiée. Compte tenu de la gravité de cette obstruction, de l’absence de justification fournie, et du trouble engendré au sein de l’entreprise, le licenciement avec effet immédiat prononcé le 30 juin 2017 est fondé et justifié. En conséquence, aucune indemnité compensatoire ni réparation pour préjudices moral ou matériel ne saurait être accordée au salarié.

C.S.J., 21.11.2024, Numéro CAL-2022-00647 du rôle

Il est constant en cause que PERSONNE1.) a fait parvenir à son employeur deux certificats de maladie couvrant les périodes respectives du 15 au 22 juin 2017 et du 23 juin au 2 juillet 2017 et qu’à la suite de la réception du deuxième certificat médical, la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) a convoqué son salarié à deux contre-expertises médicales en date des 28 et 29 juin 2017. La production d’un certificat médical ne constitue qu’une présomption simple de la justification de l’absence.

L’employeur, pour vérifier l’incapacité de travail invoquée, peut, comme en l’occurrence, demander à son salarié de se soumettre à des visites médicales supplémentaires que le travailleur ne peut refuser sans motifs valables. PERSONNE1.) affirme qu’il n’aurait pas encore habité à sa nouvelle adresse à Remich au moment de l’envoi des lettres recommandées l’invitant à se présenter aux visites médicales. Il aurait toujours demeuré au logement, mis à sa disposition par l’employeur, situé à Waldwisse en France. Il n’aurait ainsi pas eu connaissance de ces convocations.

Au vu du premier certificat d’incapacité de travail et de l’enveloppe contenant le deuxième certificat médical renseignant tous les deux la nouvelle adresse du salarié à Remich, ainsi que du fait que le certificat de résidence transmis à l’employeur indique que PERSONNE1.) habite depuis le 7 juin 2017 à Remich, l’employeur pouvait légitimement admettre que son salarié avait déjà déménagé.

Les avis de réception et le document « track and trace » des courriers recommandés de convocation aux contre-expertises mentionnent par ailleurs que le salarié en a été avisé. Une éventuelle non-réception de ces courriers recommandés ne peut dès lors être imputée à l’appelante, mais résulte des informations précitées lui communiquées par l’intimé quant à son domicile, dont ce dernier doit supporter les conséquences.

Dans son jugement du 16 novembre 2021, le tribunal du travail a observé encore qu’il ne résulte pas des témoignages de l’enquête que l’employeur avait, au moment de l’envoi des convocations aux contre-examens médicaux, été informé que le salarié habite toujours à Waldwisse. Il a retenu qu’en ne se mettant pas en mesure de réceptionner les prédits courriers, l’intimé a commis une faute ayant eu pour conséquence de faire obstruction au droit de contrôle de son employeur.

La Cour ne saurait approuver le jugement déféré du 17 mai 2022 d’avoir retenu qu’« au regard des certificats médicaux versés et eu égard au fait que l’absence du [salarié] aux contre-examens médicaux s’explique en l’espèce par le fait qu’il n’a pas reçu les convocations à ces contre-examens », l’employeur « n’a pas renversé la présomption de maladie ».

En effet, il résulte des développements qui précèdent que la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) pouvait légitimement estimer que PERSONNE1.) avait été valablement touché par les convocations. Informée par les médecins du fait que l’intimé ne s’était pas rendu aux rendez-vous fixés et en l’absence de toute information ou justification de la part de ce dernier quant à un éventuel empêchement, l’appelante pouvait considérer avoir renversé la présomption de maladie et estimer que son salarié était apte au travail à partir de la date fixée pour le premier examen médical, soit le 28 juin 2017.

PERSONNE1.) n’était partant plus protégé par les dispositions de l’article L.121-6 du Code du travail au moment du licenciement.

Il n’en demeure pas moins que le licenciement avec effet immédiat exige un fait ou une faute d’une particulière gravité dans le chef du salarié. La présence au travail constitue une obligation de résultat, de sorte qu’en cas d’absence, le salarié est en principe en faute.

En l’occurrence, la faute de PERSONNE1.) consiste à ne pas s’être mis en mesure de pouvoir donner suite à un contrôle éventuel de son incapacité de travail alléguée, empêchant ainsi son employeur d’exercer son droit de contrôle et entraînant une absence injustifiée de son lieu de travail. Ce comportement est contraire à l’obligation du salarié d’exécuter de bonne foi son contrat de travail et dénote, eu égard encore à la faible ancienneté de l’intimé de seulement quelques mois, dans son chef une désinvolture inadmissible à l’égard de son employeur.

Il constitue, au vu des circonstances de l’espèce, une faute grave rendant immédiatement et définitivement impossible le maintien des relations de travail, ce d’autant plus que toute absence inexcusée apporte nécessairement un trouble à l’entreprise concernée, l’employeur n’ayant pas besoin d’établir spécialement une désorganisation dans ce contexte.

Il justifie, en conséquence, le renvoi immédiat de PERSONNE1.). Le licenciement avec effet immédiat de l’intimé, intervenu le 30 juin 2017 est dès lors, par réformation du jugement déféré, à déclarer justifié.

Eu égard au caractère régulier du licenciement en cause, les demandes en obtention d’une indemnité compensatoire de préavis, ainsi que celle en réparation du préjudice moral subi sont, par réformation, à déclarer non fondées.

Le jugement déféré est à confirmer, quoique pour d’autres motifs, en ce qu’il a déclaré non fondée la demande de l’intimé en réparation du préjudice matériel subi.