Délégation du personnel – modification du contrat de travail
Ordonnance N°45/23 – VIII – TravailNuméro CAL-2021-00890 du rôle
Aux termes de l’article L.415-10 (1) du Code du travail, « pendant la durée de leur mandat, les membres titulaires et suppléants des délégations du personnel et le délégué à la sécurité et à la santé ne peuvent faire l’objet d’une modification d’une clause essentielle de leur contrat de travail rendant applicable l’article L.121-7. Le cas échéant, ces délégués peuvent demander, par simple requête, au président de
la juridiction du travail qui statue d’urgence et comme en matière sommaire, les parties entendues ou dûment convoquées, d’une demande en cessation d’une modification unilatérale d’une telle
clause. »
Ce texte a consacré le principe jurisprudentiel selon lequel la protection de la liberté d’action du délégué sur le plan syndical doit être assurée non seulement par l’interdiction de licenciement du délégué du personnel mais également par l’assimilation de la modification unilatérale par l’employeur des conditions essentielles du contrat de travail dans un sens défavorable pour le délégué à un licenciement qui est prohibé.
Si en principe la modification prévue par l’article L. 121-7 du Code du travail vise les clauses essentielles du contrat de travail, qui ne peuvent être modifiées dans un sens plus défavorable au salarié, force est de constater, que les conditions de travail, soit les conditions dans lesquelles le travail du salarié ont été exécutées, tombent cependant également sous l’égide du prédit article, de sorte que la modification des fonctions du salarié qui porte une atteinte à la qualification professionnelle de ce dernier, est qualifiée de modification du contrat de travail, qui ne peut intervenir en sa défaveur.
Il est encore admis, que la déqualification du salarié par la perte de tout ou partie de ses responsabilités constitue une telle modification en défaveur du salarié, sujette à sanction par les juridictions du travail
saisies. L’enlèvement ou la restriction des activités normalement inhérentes à la qualification professionnelle du salarié peuvent être retenus comme une modification d’une condition essentielle de son contrat de travail, c’est-à-dire comme une dégradation.
La modification d’une clause essentielle du contrat de travail, voire des conditions de travail, s’apprécie au regard des fonctions réellement exercées.
Il est sans intérêt dans la situation du délégué d’examiner si la modification est intervenue dans les formes et délai prévus par l’article précité, ou si elle est nulle, respectivement si le délégué continue à
être dans l’entreprise et touche son salaire.
Il n’y a qu’à examiner s’il y a modification d’une condition substantielle du contrat de travail et si la modification intervenue est en sa défaveur.
Dans la situation particulière de délégué du personnel, la modification unilatérale par l’employeur des conditions essentielles du contrat de travail dans un sens défavorable pour le délégué équivaut en fait à un licenciement qui est prohibé par l’article L.415-11-(1) du Code du travail. En effet une telle modification unilatérale des conditions de travail peut avoir pour effet que le délégué, à défaut de vouloir
l’accepter, soit amené à démissionner, situation que l’article L.121-7 du Code du travail assimile à un licenciement.
Une modification du contrat de travail n’est pas substantielle lorsqu’elle porte sur un élément non déterminant de la volonté des parties, soit dans une certaine limite, lorsque les parties avaient prévu
d’emblée la possibilité d’une modification ultérieure.
Ainsi, il n’y a pas de révision proprement dite des conditions de travail du salarié et partant du contrat de travail en cas de simple mesure relevant du pouvoir de direction de l’employeur ou, lorsque le contrat
de travail, le règlement intérieur, la convention collective, le statut ou l’usage prévoient eux-mêmes la possibilité d’apporter des modifications aux conditions initiales de travail telles qu’un
changement d’attributions, un changement du lieu de travail ou un changement de l’horaire de travail.
Le chef d’entreprise bénéficie du pouvoir de direction et décide seul de la politique économique de son entreprise, de son organisation interne et il est en principe autorisé, en raison de son pouvoir de direction, à changer le salarié de service, à moins d’abuser de son droit. L’abus de droit est une faute dans l’exercice du droit, soit que le droit est exercé en outrepassant les conditions prévues à sa mise en
œuvre, soit que le droit est exercé à des fins autres que celles en vue desquelles il a été reconnu, soit enfin que l’on s’en serve pour nuire à autrui.