Remboursement à l’entreprise des investissements en formation professionnelle
Les parties s’accordent pour dire que le salarié, au service de la société A depuis le 1er août 2011 en qualité de pilote, partant soumis à l’obligation de suivre annuellement une formation afin de bénéficier des autorisations pour pouvoir continuer à piloter, a suivi du 12 au 16 avril 2012 une formation à New-York, dispensée par la société « C», ainsi que du 23 au 29 mars 2013 d’une formation à Dubaï dispensée par la société « D », les deux formations ayant eu un coût pour l’employeur de 23.419,52 euros ; qu’il a démissionné avec préavis en date du 12 avril 2013, soit quatorze jours seulement après son retour de formation, de sorte que l’employeur lui réclama par application de l’article L.542-15 du code du travail par plusieurs courriels des 24 et 30 avril 2013, le remboursement de ces frais de formation, ce que le salarié refusa de faire.
Concernant le remboursement des frais de formation, l’intimé soutient que son ancien employeur a renoncé à tout remboursement en vertu de l’article L.121-3 du code du travail, en précisant explicitement qu’il prendra ces frais à sa charge et qu’il a donc fixé des modalités de remboursement plus favorables au salarié, ce qui est formellement contesté par la partie appelante.
Il est de principe que « la renonciation ne se présume pas », mais qu’elle se prouve.
Il incombe partant à celui qui invoque la renonciation à un droit par son titulaire de la prouver, soit en l’occurrence au salarié.
La susdite maxime constitue une directive d’interprétation stricte qui s’impose au juge, aussi bien lorsqu’il doit déterminer la portée d’une déclaration expresse que celle d’un comportement (renonciation tacite).
L’article 9 du contrat de travail liant les parties stipule :
« The Employee herewith confirms to hold a valid JAR FCL flight crew licence and to comply with all further requirements from EASA, JAA and the Luxembourg Civil Aviation Authorities to perform his flight duties as well as all other specific ICAO or medical requirements.
The Employee and the Company will be responsible for maintaining the Employee’s JAR FCL flight crew licence and the Employee will comply with recurrent training, checks and medical requirements.
(…)
Cost in relation to recurrent training and medical examinations as well as vaccinations will be paid by the Company.”
L’article L.542-15 du code du travail, quant à lui, est de la teneur suivante: « (…) un salarié ne peut être obligé de rembourser à l’entreprise les investissements en formation professionnelle continue réalisés à son profit, que dans le cas de résiliation du contrat de travail à l’initiative du salarié lui-même, à moins que cette résiliation ne soit intervenue à la suite d’une faute grave de l’employeur et en cas de licenciement du salarié pour faute grave.
Le remboursement porte sur une formation réalisée par l’entreprise, lorsque cette formation a été agréée conformément aux dispositions du Chapitre II. du titre IV du code du travail ».
L’article 9 litigieux du contrat de travail est clair et ne nécessite partant aucune interprétation pour en définir la véritable portée.
En s’engageant à payer les frais de formation du salarié, l’employeur n’a pas expressément formulé une renonciation à faire valoir l’article L.542-15 du code du travail, dans la mesure où il n’y indique pas clairement renoncer au bénéfice du susdit article du code du travail, de demander le remboursement des frais de formation, prérogative stipulée en sa faveur.
Par ailleurs, le silence des parties à cet égard n’équivaut pas à une renonciation.
En effet, l’abstention d’invoquer, comme en l’espèce, une prérogative, ne constitue pas en principe l’abdication de cette prérogative en l’absence d’une manifestation positive de la volonté de son titulaire.
La renonciation tacite, quant à elle, suppose l’interprétation d’un comportement ou d’une déclaration non spécialement destinée à exprimer une volonté abdicative.
La règle « la renonciation ne se présume pas », signifie alors que les juges ne sauraient déduire de ces comportements, que les renonciations qu’ils impliquent d’une manière certaine et non équivoque.
Or, le salarié, auquel incombe la charge exclusive de la preuve de la renonciation de l’employeur, dont il se prévaut pour s’opposer à la demande de ce dernier, reste en l’espèce en défaut de prouver un quelconque comportement, respectivement un comportement induisant sans équivoque possible une renonciation de sa part, ni une manifestation positive de la volonté de ce dernier, allant dans le sens d’une abdication de sa prérogative qu’il tient de la loi sur le contrat de travail, de sorte que c’est à tort que le tribunal du travail a retenu que l’employeur a entendu déroger à l’article L.542-15 du code du travail dans un sens plus favorable au salarié.
Il est finalement faux de prétendre, comme le fait le salarié, que les formations suivies par lui l’ont été uniquement dans l’intérêt de l’employeur, dès lors que la formation professionnelle proposée au salarié est effectuée pour permettre à ce dernier d’améliorer ses compétences et performances personnelles et surtout, comme en l’espèce, de respecter les normes internationales en matière de pilotage, pour justement lui permettre d’exercer ou de continuer à exercer sa profession.
Les conditions de l’article L.542-15 du code du travail, à savoir une résiliation à l’initiative du salarié, non causée par une faute grave de l’employeur, une formation dispensée au profit du salarié qui, en sa qualité de pilote, est tenu, d’après la règlementation en vigueur, de renouveler annuellement son certificat d’aptitude à exercer sa profession et finalement, une formation qui, d’après les pièces versées, a été agréée par le Ministre de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle, sont partant remplies en l’espèce, de sorte que le jugement est à réformer en ce qu’il a rejeté la demande de la société A pour ne pas être fondée. (C.S.J., 04/02/2016, n°42099 du rôle)