Résiliation d’un commun accord – vice du consentement – nullité (non).
Quant à la validité de la résiliation d’un commun accord
L’employeur conclut à la validité de la convention de résiliation d’un commun accord qui, selon lui, aurait eu pour conséquence d’annuler et de remplacer le licenciement avec effet immédiat. Le salarié, auquel incomberait la charge de la preuve, ne rapporterait pas la preuve concrète de l’existence d’un vice de consentement.
L’employeur conteste formellement avoir exercé une quelconque pression sur le salarié – que ce soient des pressions psychologiques ou des pressions quant à un éventuel licenciement, alors que la lettre de licenciement avec effet immédiat avait déjà été mise à la poste – afin d’obtenir sa signature dudit document. Le salarié aurait été entièrement libre de signer cette résiliation de commun accord et, en tant que « People Officer » faisant partie du département des ressources humaines de l’entreprise, il aurait parfaitement compris le contenu de cette convention. Par ailleurs, le salarié maîtriserait parfaitement l’anglais qui, en tant que langue véhiculaire utilisée dans l’entreprise, aurait été utilisée quotidiennement par le salarié dans ses correspondances avec ses collègues.
L’employeur fait encore plaider que le salarié aurait lui-même, après avoir compris les raisons de son licenciement avec effet immédiat, demandé s’il n’était pas possible que son contrat de travail soit terminé d’une autre façon. A la suite de la signature de la convention, Monsieur B) aurait laissé le salarié retourner dans les locaux pour récupérer ses affaires avant de se quitter en bons termes en se serrant la main. Le lendemain, le salarié aurait adressé à l’employeur un courriel lui demandant de compléter un certificat de travail afin qu’il puisse bénéficier des indemnités de chômage, en joignant un certificat prérempli par ses soins où il avait indiqué que le contrat de travail avait été résilié d’un commun accord. Le salarié ne saurait dès lors prétendre qu’il n’avait pas conscience de la portée du document signé le 23 novembre 2017.
A l’appui de son argumentation, l’employeur invoque un arrêt de la Cour d’appel du 4 décembre 2012 (n°40478 du rôle) n’ayant pas retenu le vice de consentement dans le chef d’un salarié ayant signé une convention similaire avec son employeur.
L’employeur relève encore que le témoignage de la mère du salarié n’est pas objectif et qu’elle n’était pas présente lors de l’entrevue du 23 novembre 2017.
La convention de résiliation de commun accord aurait par ailleurs été établie conformément aux prescriptions de l’article L.124-13 du Code du travail de sorte qu’elle serait valable.
Le salarié fait état de pressions morales concrètes et graves ayant entraîné un vice de consentement dans son chef de nature à justifier l’annulation de la convention signée entre parties.
Il fait valoir que le 23 novembre 2017 vers 09:40 heures, il aurait été interpellé dans le hall du bureau par Monsieur B) qui lui aurait signifié, contre toute attente, son licenciement avec effet immédiat pour faute grave. B) lui aurait annoncé qu’il existerait une autre option, à savoir une rupture conventionnelle du contrat de travail avec l’assurance que le licenciement pour faute ne serait plus considéré.
Lorsque le salarié aurait demandé à pouvoir consulter les représentants du personnel, il lui aurait été expliqué qu’une telle consultation annulerait l’accord transactionnel.
Il n’aurait pas disposé du temps nécessaire pour prendre connaissance de tous les documents qui lui étaient soumis, à savoir la lettre de licenciement et la convention, rédigés en anglais qui n’est pas sa langue maternelle et, selon lui, dans un style plutôt lourd et compliqué.
Pris de cours et se trouvant dans un état de choc consécutif à la nouvelle qu’il venait d’apprendre, le salarié, croyant que la convention anéantirait les motifs contestés à la base de son licenciement avec effet immédiat, aurait signé la transaction qui lui aurait assuré un revenu pour le mois de décembre.
A l’issue de la réunion à 10:15 heures, il aurait été invité à rassembler ses affaires et à quitter immédiatement l’entreprise.
Le salarié fait valoir que la lettre de licenciement avec effet immédiat lui a été communiquée seulement lors de son entretien avec B) et qu’il n’était pas informé au préalable de cet entretien. En outre, l’employeur n’aurait pu ignorer la situation financière délicate du salarié.
A l’appui de ses arguments, le salarié invoque un arrêt rendu par la Cour d’appel en date du 10 décembre 2015 (n°41238 du rôle) confirmant une décision rendue par le tribunal du travail de Luxembourg qui a annulé une transaction conclue entre un employeur et sa salariée en raison du fait que la signature de cette dernière avait été obtenue sous la violence et de façon non éclairée.
Le salarié estime qu’il s’est trouvé dans un cas similaire à celui exposé dans cette jurisprudence, en raison du rapport de force inégalitaire existant entre lui et l’employeur et du fait qu’il aurait été impressionnable et vulnérable.
L’entretien n’aurait duré qu’à peine une demi-heure, le texte de la convention aurait déjà été établi à l’avance et aucun temps de réflexion ne lui aurait été accordé. Le fait que la transaction ait été préparée au moment de la notification du licenciement et signée pratiquement à la même heure que l’envoi de la lettre de licenciement la rendrait caduque. La promesse que la transaction anéantirait les motifs contestés à la base de son licenciement l’aurait contraint à signer un document auquel il n’adhérait aucunement.
Le fait qu’il n’ait pas eu conscience de ce qu’il signait serait encore corroboré par le fait qu’il a adressé le lendemain à son employeur un courriel lui demandant de compléter un certificat de travail en vue de bénéficier des indemnités de chômage malgré le fait qu’une résiliation du contrat de travail d’un commun accord ne lui ouvrait pas le droit au chômage.
Le salarié renvoie pour le surplus à la motivation du jugement entrepris et conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
Par le document intitulé « termination agreement by mutual consent », les parties ont convenu notamment que la lettre de licenciement est considérée comme « null and void », que l’employeur paie au salarié une indemnité équivalente à un mois de salaire brut, soit 4.270 euros, ainsi que les heures supplémentaires et jours de congé et que le salarié renonce à toute demande en relation avec la résiliation du contrat de travail (tel par exemple les indemnités de départ et de préavis, indemnité pour préjudices matériel et moral, le treizième mois et autres).
Aux termes des articles 13) et 14), le salarié déclare avoir eu suffisamment de temps de réflexion pour comprendre le sens et la portée de la convention et de ne pas avoir subi de contraintes.
La Cour retient, à l’instar du tribunal du travail, que la convention litigieuse, établie en deux exemplaires signés par l’employeur et le salarié, répond aux exigences de l’article L.124-13 du Code du travail.
On entend par violence le fait d’inspirer à une personne la crainte d’un mal considérable de nature à peser sur son consentement, ayant eu pour effet que sa volonté déclarée diffère de sa volonté réelle. Pour qu’un acte juridique soit vicié par la contrainte, il ne suffit pas qu’il y ait eu dans celui-ci une discordance entre la volonté déclarée et la volonté réelle de son auteur, mais il faut également que cette discordance ait eu pour origine la crainte d’un mal considérable. Il n’y a violence que lorsque celle-ci atteint un degré de gravité suffisant et qu’il existe un danger raisonnable pour la personne ou les biens du cocontractant.
Il résulte des articles 1109 et 1111 du Code civil que le consentement d’une personne est vicié s’il a été obtenu suite à l’exercice de violences. Aux termes de l’article 1112 du même code la violence doit être de nature à faire impression sur une personne raisonnable et doit lui inspirer la crainte d’un mal considérable et présent, étant précisé qu’ « on a égard, en cette matière, à l’âge, au sexe et à la condition des personnes ».
Celui qui prétend qu’il a été victime d’une violence doit démontrer par tous moyens que sont réunies les conditions exigées pour que ce vice du consentement existe : celui qui l’invoque doit prouver sa matérialité, son caractère injuste, un sentiment de crainte existant au moment de la conclusion du contrat et le caractère suffisamment grave de la crainte. Cette gravité s’apprécie de deux façons : in abstracto, par référence au modèle abstrait du bon père de famille ; in concreto, par rapport à la capacité de résistance de la personne concernée. L’article 1112 du Code civil fait successivement référence à chacune de ces méthodes. En exigeant que la violence soit « de nature à faire impression sur une personne raisonnable », l’alinéa 1er adopte un critère objectif, abstrait ; en ajoutant « on a égard en cette matière à l’âge, au sexe et à la condition des personnes », l’alinéa 2 adopte une approche subjective, concrète.
En jurisprudence, c’est l’appréciation in concreto qui l’emporte. Il en résulte une individualisation judiciaire de la violence. Le seuil à partir duquel la violence devient une cause de nullité peut varier d’un individu à l’autre, en fonction notamment de sa force de caractère, de son âge, de son sexe, de ses capacités professionnelles et de sa situation sociale. Il convient d’ajouter qu’il a été décidé que la subordination de l’employé à son patron ne constitue pas à elle seule une violence susceptible de vicier les contrats passés entre eux. Néanmoins, la violence a parfois été retenue lorsque cette situation se double de pressions caractérisées. (Droit Civil, Les Obligations, François TERRE, Philippe SIMLER, Yves LEQUETTE, p.245 et 246).
C’est à juste titre que le tribunal du travail a retenu que le salarié a la charge de la preuve du vice de consentement qu’il prétend avoir subi.
En l’espèce, les circonstances de l’entrevue sont décrites dans une attestation testimoniale de B).
Si dans ses conclusions du 12 mai 2020, le salarié indique qu’il se réserve le droit de porter plainte contre Monsieur B) pour faux témoignage, une telle plainte n’a cependant pas été déposée. Le salarié n’apporte par ailleurs aucun élément de nature à mettre en doute la sincérité et la crédibilité du témoin.
Il résulte de cette attestation que la réunion s’est déroulée en la seule présence de B) et du salarié. Au début de la réunion, B) a fait part au salarié de son licenciement avec effet immédiat en lui expliquant les motifs de son licenciement et en lui signalant que la lettre de licenciement venait d’être envoyée par courrier recommandé à son adresse personnelle. Après avoir lu la lettre, le salarié a reconnu qu’il était d’accord avec une partie de la lettre. Le salarié a expliqué que si son contrat était résilié pour faute grave, il risquerait de perdre ses droits aux indemnités de chômage et il a demandé s’il pouvait être licencié d’une autre façon ce qui lui permettrait de conserver les allocations de chômage. B) lui a expliqué que ce n’était pas possible compte tenu de la gravité des actes du salarié. Il a signalé qu’une résiliation du contrat de travail d’un commun accord était possible et a demandé au salarié s’il souhaitait l’envisager, ce que celui-ci a confirmé. B) a alors remis au salarié une convention de résiliation d’un commun accord en lui disant qu’il pouvait prendre tout le temps qu’il souhaitait pour la lire et réfléchir à la marche à suivre. Après avoir lu le contrat de résiliation d’un commun accord, le salarié a expliqué que cet accord ne l’aiderait pas à percevoir des allocations de chômage. B) lui a rappelé que compte tenu de la gravité de ses actes, il était licencié pour faute grave et qu’il pouvait envisager la résiliation d’un commun accord s’il le souhaitait. Après une réflexion plus approfondie, le salarié a signé le contrat de résiliation d’un commun accord. Il a ensuite demandé s’il pouvait aller chercher ses affaires à son bureau sans avoir l’air de s’être fait licencier, ce que B) a accepté. Ensuite, le salarié et B) se sont serré la main et B) lui a souhaité bonne chance pour la suite.
Il résulte encore des pièces versées par l’employeur que par courriel du 24 novembre 2017, le salarié s’est adressé – en anglais – au service des ressources humaines afin de lui demander de compléter le certificat de travail U1 en vue de garder sa couverture sociale, en indiquant comme motif de la cessation de travail : « résiliation d’un commun accord / par consentement mutuel ».
Il résulte de l’attestation testimoniale établie par la mère du salarié, C), qu’en date du 23 novembre 2017, vers 11.30 heures, son fils l’a appelée via « face time » depuis son domicile pour l’informer des évènements intervenus lors de la réunion avec l’employeur. Le salarié lui aurait expliqué que « son employeur ne lui avait pas laissé d’autre alternative que de devoir hâtivement choisir entre un licenciement pour faute grave ou un accord transactionnel de résiliation de son contrat de travail ». Elle aurait pu constater le « profond désarroi » et l’« incompréhension » de son fils « tant sur le choix cornélien devant lequel il avait été placé et le temps imparti pour prendre une telle décision que sur les raisons invoquées par son employeur et les perspectives inhérentes à la perte de son emploi ».
Si les déclarations de la mère du salarié concordent avec celles de B) en ce que le salarié s’est vu proposer le choix entre un licenciement pour faute grave et une résiliation du contrat de travail d’un commun accord, il n’en découle pas pour autant que le salarié ait dû prendre sa décision à la hâte, sans pouvoir consulter une tierce personne.
En effet, s’il est établi que la durée de l’entrevue n’a pas dépassé une heure, ce fait ne saurait, à lui seul, prouver l’existence d’un vice de consentement dans le chef du salarié dès lors qu’il n’est pas établi que l’employeur ait incité le salarié à prendre la décision endéans un court laps de temps.
Aucune menace n’a été proférée à l’égard du salarié, ce d’autant moins que la lettre de licenciement avec effet immédiat avait déjà été remise à la poste avant l’entretien.
S’il est vrai que le salarié a pu être pris au dépourvu par les déclarations de B), il n’est cependant pas établi qu’il ait été intimidé et n’ait pas pu résister à « l’empressement » de celui-ci.
En effet, la réunion s’est tenue entre les deux hommes seuls, sans la présence d’autres membres de la direction ou d’un avocat de l’employeur. L’affirmation du salarié, selon laquelle il se serait vu refuser l’assistance d’un représentant du personnel, reste à l’état d’allégation.
En outre, s’il est vrai que le salarié n’était pas prévenu d’avance de l’entretien, il résulte cependant de l’attestation testimoniale de Témoin 1), supérieure hiérarchique directe du salarié, que lors d’un entretien téléphonique du 15 novembre 2017, celle-ci s’était déjà entretenue avec le salarié au sujet de la modification de la lettre qui constitue le motif du licenciement. Même si la lettre de licenciement était rédigée en anglais, le salarié était parfaitement capable de comprendre ce qu’on lui reprochait – ce qui est confirmé par le fait qu’il discutait du motif de licenciement avec B) – et dès lors de savoir si les reproches à la base du licenciement étaient fondés ou non.
Eu égard à sa formation professionnelle, à ses bonnes connaissances en anglais et au fait qu’il occupait un poste de « People Officer », il faut encore admettre qu’il était capable de comprendre quelles étaient les conséquences d’un licenciement pour faute grave, d’une part, respectivement de la signature de la convention de résiliation d’un commun accord, d’autre part. Il résulte d’ailleurs de sa discussion avec B) ainsi que de l’entretien avec sa mère qu’il avait bien compris le choix qui s’offrait à lui, même s’il eut préféré que l’employeur lui propose une autre solution.
Dans la mesure où B) a remis le « termination agreement » au salarié lorsque celui-ci a demandé s’il n’y avait pas d’alternative à un licenciement pour faute grave, ce document a nécessairement été préétabli par l’employeur. Il ne résulte cependant d’aucun élément du dossier que le salarié n’ait pas compris l’objet du document signé ou n’en ait pas compris la portée et les conséquences.
S’il est aisément concevable que le salarié se trouvait dans une situation délicate, la pression qu’il a pu ressentir ne saurait toutefois constituer, à défaut de preuve de violences morales concrètes et graves exercées par l’employeur, un vice de consentement de nature à entraîner l’annulation de son accord.
Le salarié a, par ailleurs, le lendemain, à un moment où il avait pu réfléchir de manière plus approfondie à sa situation, adressé un courriel à l’employeur dans lequel il se référait à la résiliation d’un commun accord, approuvant ainsi la signature de la convention.
L’argument du salarié, selon lequel l’employeur lui aurait promis qu’il n’y aurait plus de licenciement avec effet immédiat s’il signait la convention malgré le fait qu’au moment de la signature de la convention, la lettre de licenciement avait déjà été envoyée, manque de pertinence dans la mesure où la convention stipulait expressément que la lettre de licenciement serait considérée comme « null and void ». Le fait que le salarié ait, par la suite, encore reçu la lettre de licenciement avec effet immédiat, mise à la poste avant l’entrevue ayant abouti à la signature de la transaction, ne prête dès lors pas à conséquence.
Au vu des développements qui précèdent, le salarié, à qui incombe la charge de la preuve du vice de consentement allégué, n’a établi aucune erreur ou violence constitutive d’un vice du consentement.
Par réformation du jugement entrepris, il y a dès lors lieu de retenir que le contrat de travail a valablement pris fin d’un commun accord entre parties.
La demande du salarié tendant à voir qualifier le licenciement intervenu en date du 23 novembre 2017 d’abusif et à se voir allouer des dommages et intérêts de ce chef, est dès lors irrecevable.
Il en découle que les parties appelantes sont à décharger des condamnations prononcées à leur encontre par le jugement entrepris et que l’appel incident du salarié n’est pas fondé.
Eu égard à l’issue du litige, le salarié est à débouter de sa demande en obtention d’une indemnité de procédure.
Aucune des parties appelantes ne justifiant de l’iniquité requise par l’article 240 du Nouveau code de procédure civile, il y a lieu de rejeter leur demande en allocation d’une indemnité de procédure tant pour la première instance que pour l’instance d’appel. (C.S.J., (8ème, 03/12/2020, numéro CAL-2019-00968 du rôle).