Responsabilité du salarié du fait des dégâts occasionnés (oui) – licenciement abusif (non).
Il se dégage de l’article L.121-9 du code du travail que l’employeur qui tire le bénéfice économique du travail du salarié, doit en contrepartie assumer les risques engendrés par l’activité de l’entreprise et que le salarié ne peut être tenu responsable que des dégâts causés par « ses actes volontaires et par sa négligence grave ».
Il en découle que l’appréciation de la gravité de la (des) faute(s) du salarié doit être faite au cas par cas.
En ce qui concerne d’abord la cause de la panne du 12 novembre 2014, il ressort des déclarations des témoins T1 et T2 que le camion conduit par A était tombé en panne parce que les écrous de la roue arrière droite étaient dévissés. T2, mécanicien et marchand de voitures, ayant vu l’état de la roue sur place, avait conseillé à A d’appeler la dépanneuse. Selon le témoin, « la roue était de travers. Il y avait qch.de cassé à l’intérieur et il aurait fallu démonter tout ».
Le témoin a ajouté qu’il était étonné que le chauffeur n’avait pas le matériel nécessaire (clef ou cric) pour réparer le camion, mais que « de toute façon, au vu de l’état de la roue, cela n’aurait servi à rien ». T2 a confirmé que si les écrous sont desserrés, il est possible
de le voir à l’œil, mais que surtout le chauffeur le sent en conduisant. Il a ajouté que les chauffeurs de camion sont capables de faire eux-mêmes le resserrage, sans avoir besoin de passer nécessairement par un garage.
T1 a confirmé que selon les informations du garagiste et du marchand de pneus, l’état de la roue était tel que les écrous étaient nécessairement dévissés depuis un moment.
Ces déclarations sont corroborées par la facture de réparation X du 24 novembre 2014 et qui renseigne comme motif d’intervention « problème perte de roues ar. droit » et qui indique, parmi d’autres pièces, le remplacement de 12 écrous de roue.
Le fait que la facture renseigne également une « préparation contrôle technique » prévu pour le 15 novembre 2014 (changement de propriétaire) n’est pas de nature à énerver la cause de la panne du 12 novembre 2014. S’il appert des déclarations d’T3, ancien collègue de travail de A que le camion conduit par ce dernier était un vieux camion, l’allégation de A qu’à d’itératives reprises il a rencontré des problèmes d’embrayage et de freins, n’a cependant pas été confirmée par le témoin qui ne s’est rappelé que d’une seule panne, sans pouvoir décrire plus précisément ni la date, ni la cause de cette panne. Ledit témoin a, par contre, confirmé que les chauffeurs font un contrôle visuel des écrous avant de prendre le volant. Il a relaté que si un écrou est desserré, le chauffeur le resserre.
Le témoin a également confirmé qu’après le changement des roues, le chauffeur est obligé après 50-100 km de trajet effectués de faire un resserrage.
Les attestations d’T4 et de T5 au sujet de l’engagement au travail de A et des problèmes de son camion ne sont pas versées en cause.
Il résulte, par contre, des déclarations de T1 qu’interpellé au sujet de la panne, A avait admis qu’il avait effectivement entendu un bruit depuis deux semaines, mais qu’il n’en avait pas fait état sur les fiches « procédure chauffeur » et n’en avait pas non plus averti son employeur. Aucune remarque particulière ne figure en effet sur la fiche « procédure chauffeur » sous « Contrôles à effectuer chaque jour » au sujet de l’état des pneus ou des écrous.
Or, le 31 décembre 2013, la société S1 avait remis à tous ses salariés une lettre leur rappelant l’obligation de rapporter immédiatement chaque problème ou panne survenant au cours de la journée de travail. En outre, le 11 novembre 2014 A avait signé la réception d’un document intitulé : « HSE Hygiène, Sécurité et Environnement » sur la prévention des risques professionnels.
Il s’avère encore que les faits du 12 novembre 2014 se sont produits à peine un mois, après que A avait, en reculant son camion, renversé des monolithes qui sont tombés sur des palettes contenant des pierres porphyres, de sorte que le matériel a été en partie cassé.
Il résulte, par ailleurs, des déclarations de T1 que, suite à la panne du 12 novembre 2014, aucune livraison n’avait pu être faite, ce qui avait entraîné le mécontentement du client Z.
Il résulte enfin des pièces versées que A avait déjà fait l’objet d’un avertissement le 2 octobre 2013 pour des faits similaires, en ce qu’il n’avait « pas contrôlé le serrage des roues, ni la pression des pneus, en perdant trois écrous sur les cinq qui tiennent les roues arrières et en roulant comme ça(…) ».
Finalement, s’il résulte des déclarations de T1 que si les chauffeurs de la société S1 peuvent, le cas échéant, faire des échanges de colis, il leur est cependant interdit de le faire avec des chauffeurs d’autres sociétés sous-traitantes, ce qui fut néanmoins le cas pour la livraison du 22 mai 2013 pour le client F.G. où il s’est avéré que A avait donné la marchandise à un chauffeur d’une autre société sous-traitante de Z et signé à la place du client sur le scan.
Il se dégage de l’ensemble de ces faits dommageables, que A a eu un comportement désinvolte, en ce qu’il a continué, malgré avertissement, à se montrer négligent et n’a pas respecté les instructions et notes de service de son employeur et s’est même
montré malhonnête, de la sorte à ébranler la confiance que tout employeur doit avoir dans son salarié et à rendre impossible le maintien de la relation de travail.
A supposer même établi que A se soit présenté le 19 novembre 2014, soit après le dernier fait du 12 novembre 2014, auprès d’un garagiste pour le resserrage des roues de son camion, cet élément ne saurait énerver les constatations faites au sujet
de son comportement antérieur.
Il en découle que le licenciement avec préavis de A du 11 décembre 2014 est, nonobstant son ancienneté de presque trois ans, à déclarer justifié et que A est à débouter de ses demandes en indemnisation de préjudices matériel et moral subis.
Il y a partant lieu de réformer en ce sens le jugement entrepris. (C.S.J., 07/06/2018, 45037).