Surveillance de la correspondance au travail

Si en vertu de son pouvoir de gestion et de direction, l’employeur peut surveiller l’activité de ses salariés, tous les modes de preuve ne sont pas admissibles er notamment l’intimité de la vie privée limite les marges de manœuvre de l’employeur.

Il est en effet de principe que le salarié a droit, même au temps et lieu de travail, au respect de sa vie privée qui implique en particulier le secret de la correspondance dont font partie les courriers électroniques reçus et envoyés par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur.

Cependant, il est apparu que la formulation trop absolutiste du susdit principe pourrait ne pas laisser de place à l’atteinte licite.

Il a dès lors été décidé par la jurisprudence luxembourgeoise d’écarter la sphère d’ingérence de l’employeur uniquement les fichiers personnels des salariés.

Partant, si les intérêts de l’entreprise l’exigent et que certaines conditions sont remplies, il doit être permis à l’employeur de porter à la vie privée de son salarié, ce d’autant plus que l’inviolabilité absolue des correspondances risque d’inciter des salariés indélicats à y loger des dossiers plus ou moins illégaux.

Il s’en suit, d’une part, que pour constituer une preuve illicite, le document versé aux juridictions du travail pour preuve des agissements fautifs du salarié doit porter sur des données à caractère personnel et privé du salarié, dans lequel cas, l’ingérence commise par l’employeur dans la sphère privée du salarié est illégitime et disproportionnée, d’autre part, qu’il n’est pas permis à un employeur de mettre le poste de travail du salarié, à savoir toutes les applications de son ordinateur, y compris sa messagerie, sous un contrôle exclusif et régulier.

En effet, le fait d’enregistrer des données de manière non occasionnelle et d’en déterminer le comportement du salarié est à qualifier de surveillance au sens de l’article 2 de la loi modifiée du 1er aout 2002 relative à la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel.

En effet, aux termes de l’article L 261-1 du code du travail, le traitement des données à caractère personnel à des fins de surveillance sur le lieu de travail peut être mis en œuvre, conformément à l’article 14 de la loi du 2 aout 2002 relative à la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel, par l’employeur s’il en est le responsable.

Un tel traitement n’est possible que s’il est nécessaire :
1. Pour les besoins de sécurité et de santé des salariés
2. Pour les besoins de protection des biens de l’entreprise
3. Pour le contrôle du processus de production portant uniquement sur les machines
4. Pour le contrôle temporaire de production ou des prestations du salarié, lorsqu’une telle mesure est le seul moyen pour déterminer le salaire exact
5. Dans le cadre d’une organisation de travail selon l’horaire mobile conformément au présent code.
À noter que le consentement de la personne concernée ne rend pas légitime le traitement mis en œuvre par l’employeur.

Si la jurisprudence luxembourgeoise faisait l’économie de cette autorisation lorsqu’il ne s’agissait que de contrôles ponctuels, il semblerait que L’arrêt Barbulescu c/ Roumanie (requête n° 61496/08) rendu par la grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme vienne non seulement renforcer l’information préalable qui doit être faite au salarié, mais le généralise, que la surveillance s’opère de façon continuelle ou ponctuelle.

La grande chambre précise en effet dans son arrêt, que s’agissant de la surveillance de la correspondance professionnelle du salarié (un compte yahoo avait été ouvert pour les besoins de l’entreprise), le salarié doit être préalablement averti de la possibilité que son employeur ait accès au contenu même de ses messages.

Les Etats doivent veiller à ce que, lorsqu’un employeur prend des mesures pour surveiller les communications de ses employés, ces mesures s’accompagnent de garanties adéquates et suffisantes contre les abus.

Pour que ces mesures puissent être jugées conformes aux exigences de l’article 8 de la convention, la notification doit préciser :

– La nature de la surveillance et être faite à l’avance.
– L’étendue de la surveillance par l’employeur (continue ou ponctuelle par exemple),
– le degré d’intrusion.
– Les raisons légitimes de la surveillance.
– en quoi la surveillance se présente comme étant la mesure la moins intrusive pour arriver au but recherché.
– Les sanctions (licenciement, avertissement etc…) afin que le salarié puisse bénéficier de garanties adéquates maximales.

David GIABBANI

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