Arrestation sur le lieu de travail

A partir du 14 juin 2010, M. A.) a été engagé par la société SOC1.) en tant que barman/serveur pour 20 heures par semaine.

Le 7 décembre 2011, l’employeur a procédé au licenciement avec effet immédiat pour faute grave.

Le licenciement est motivé comme suit :

Le 7 décembre 2011, vers 10 heures, le salarié a été arrêté sur son lieu de travail par la police judiciaire.

  1. Il a dû quitter son lieu de travail accompagné de trois policiers, « menottes aux mains ».
  2. Ces circonstances de l’arrestation font obstacle à une réintégration.
  3. L’image donnée aux collègues et à l’employeur est indigne et ébranle la confiance nécessaire entre l’employeur et le salarié.

Le salarié soutient qu’il aurait été arrêté avant l’ouverture du restaurant, à un moment où aucun client n’était présent

Il aurait été absent de son lieu de travail pendant une demi-journée en raison de son audition dans le cadre d’une enquête. Dès la fin de son interrogatoire, au courant de l’après-midi, il aurait téléphoné à son employeur pour l’informer qu’aucune mesure n’aurait été prise à son égard par l’autorité judiciaire et qu’il pourrait immédiatement reprendre son travail. L’employeur lui aurait répondu qu’il n’avait pas à se représenter, vu qu’il serait licencié avec effet immédiat.

L’arrestation n’aurait pas eu de suites pénales.

Il considère que sa courte absence n’aurait pas entravé la bonne marche de l’entreprise et ne s’opposerait pas à une reprise du travail. Une perturbation du service du fait de l’arrestation et du départ avec les policiers ne serait pas établie.

Tant qu’il était au service de la société SOC1.), il aurait été un employé exemplaire et n’aurait pas fait l’objet de critiques de la part de l’employeur.

Un motif grave justifiant un licenciement immédiat ne serait pas établi.

L’employeur conclut à la confirmation du jugement.

Il n’est ni affirmé ni établi qu’au moment de l’interpellation au restaurant vers 10 heures du matin des clients aient été présents au restaurant.

L’interpellation et l’arrestation de M. A.) à son lieu de travail vers 10 heures du matin, en présence de membres du personnel, à un moment où le restaurant n’était pas ouvert et où aucun client ne se trouvait au restaurant, le fait que les policiers l’ont menotté, l’ont emmené en l’obligeant à quitter son lieu de travail pour plusieurs heures constituent un fait unique.

Aucun fait pénal concret et aucun soupçon de commission d’un fait pénal concret ne sont ni allégués ni prouvés.

Il est établi que la police a procédé à l’arrestation de M. A.) sur son lieu de travail et qu’elle l’a emmené, menottes aux poignets.

Cependant, il n’est ni affirmé ni établi que le salarié ait fait l’objet d’une  poursuite pénale et que l’arrestation ait eu d’autres suites que l’audition pendant quelques heures.

Certes, l’arrestation sur le lieu de travail et la conduite forcée au poste sont de nature à créer des soupçons quant à la conduite et à l’honorabilité du salarié.

Il n’est cependant pas contesté qu’après l’audition, le salarié était libre de ses mouvements dès l’après-midi du jour de l’arrestation.

Il n’est établi ni que cette arrestation ait été causée par la commission d’infractions par le salarié ni que le comportement même du salarié ait été à l’origine de l’arrestation et de la forme de la conduite au poste.

Dès lors, le fait unique de l’arrestation sur le lieu de travail vers 10 heures et la conduite au poste, poignets menottés, et de ce fait l’absence pendant le service de ce jour, qui suivant le contrat de travail était prévu de 10 heures à 14 h 30, moins une demi-heure de pause, ne constitue pas un fait grave de nature à justifier le  licenciement avec effet immédiat le jour même.

Le licenciement est donc abusif et l’appel afférent du salarié est justifié. (C.S.J., 04/02/2016, n°41208 du rôle)