Licenciement avec effet immédiat – faute grave – avertissement antérieur – remboursement à l’Etat – licenciement abusif (non).
L’article L.124-3 du Code du travail dispose que « L’employeur qui décide de licencier doit, sous peine d’irrégularité pour vice de forme, notifier le licenciement au salarié par lettre recommandée à la poste. Toutefois, la signature apposée par le salarié sur le double de la lettre de licenciement vaut accusé de réception de la notification ».
En l’espèce, il ressort du courrier de la société SOC 1) relatif au licenciement avec préavis de A, daté du 15 décembre 2017, (pièce 2 de la farde de pièces de Maître Mathias PONCIN), que ce dernier n’a pas apposé sa signature sur ce document, qui ne lui a pas non plus été notifié par la voie postale.
C’est dès lors à bon droit et sur base d’un raisonnement que la Cour fait sien, que le tribunal du travail a retenu que, la société SOC 1) étant restée en défaut d’établir la date de la remise en main propre de la lettre de licenciement avec préavis, la relation de travail avait pris fin en date du 5 février 2018, par la notification du licenciement avec effet immédiat.
Aux termes de l’article L.124-10 paragraphe 3) du Code du travail, la lettre notifiant le licenciement avec effet immédiat, doit énoncer avec précision le ou les faits reprochés au salarié et les circonstances qui sont de nature à leur attribuer le caractère d’un motif grave.
A la lecture de la lettre de licenciement, il apparaît que la société SOC 1) a notamment reproché des faits repris dans l’avertissement écrit, remis en main propre à A en date du 3 février 2018. Ces faits datant du 2 février 2018, concernent un comportement agressif envers la hiérarchie, le refus réitéré à plusieurs reprises d’effectuer certaines tâches considérées comme n’entrant pas dans le cadre de son travail, tel que le nettoyage du poste de travail et le maintien de la cuisine dans un état de propreté, respectueux des normes d’hygiène.
Il est de principe que l’employeur ne peut fonder le licenciement sur des motifs qui ont déjà fait l’objet d’un avertissement, ce dernier étant une sanction en soi.
Toutefois, lorsque l’employeur licencie un salarié sur base d’un fait qui n’a pas encore été sanctionné par un avertissement, l’employeur peut invoquer à l’appui du licenciement des faits antérieurs qui avaient fait l’objet d’un avertissement.
Le tribunal du travail a dès lors retenu à bon droit, qu’en l’espèce, l’employeur était admis à invoquer des incidents anciens à l’appui des derniers faits, à condition de les énoncer de façon suffisamment précise.
« L’énoncé des motifs de licenciement doit être suffisamment précis, non seulement pour permettre le contrôle des juges mais aussi pour permettre « au salarié » de vérifier le bien-fondé des motifs invoqués et de rapporter, le cas échéant, la preuve de leur fausseté (CSJ Cassation, 12 novembre 1992, n° 30/92).
Sur base d’une motivation qu’il serait superfétatoire de paraphraser, la Cour retient que le tribunal du travail a décidé à bon droit que le motif en relation avec une absence injustifiée en date du 2 février 2018 manquait de précision, tout comme les motifs ayant trait à un comportement agressif, respectivement une gestuelle agressive de la part de l’appelant, le refus d’exécuter « certaines tâches », l’usage du téléphone portable dans la cuisine et les absences injustifiées «subitement à répétition ».
Dans la suite de ce raisonnement, l’attestation testimoniale, ainsi que l’offre de preuve en relation avec ces faits, ont été rejetées à raison par le tribunal du travail.
C’est encore à bon droit que le tribunal du travail a retenu que « le reproche relatif aux absences pour maladie ne saurait constituer une faute grave et être invoqué comme motif d’un licenciement avec effet immédiat ».
Le fait que les différents certificats de maladie, invoqués par l’appelant à l’appui d’une faute grave dans le chef de l’intimé, (pièces 4 à 8 de la farde de pièces de Maître Mathias PONCIN) couvrent quatre périodes de maladie, du 23.12.2017 au 29.12.2017, du 25.01.2018 au 27.01.2018, du 29.01.2018 au 30.01.2018 et du 31.01.2018 au 1.02.2018, est partant irrelevant.
Cependant, il en est autrement en ce qui concerne les reproches fondés sur le refus de considérer que le maintien d’un état de propreté de la cuisine, respectueux des normes d’hygiène, entrait dans les fonctions de l’intimé, l’absence d’étiquetage de certains produits de la chambre froide et la présence de moisissures sur de la tapenade.
En effet, aux termes de l’article L.124-10 paragraphe 2) alinéa 1 , le motif grave est défini comme «tout fait ou faute qui rend immédiatement et définitivement impossible le maintien des relations de travail ».
Il résulte notamment de l’attestation testimoniale de T1 (pièce 1 de la farde de pièces de Maître Grégori TASTET) que
«…D’août 2017 à février 2018, j’étais commis de cuisine et le chef était Monsieur A j’ai pu constater régulièrement qu’il ne respectait pas certaines règles sanitaires et d’hygiène de base. Par exemple il décongelait des jambons cuits ou crus, découpait des tranches et les recongelait. Il ne datait pas forcément les plats qu’il préparait à l’avance et les mettait soit au congélateur soit au réfrigérateur. Donc quelques fois je lui conseillais de les jeter car on ne savait pas depuis combien de temps ils étaient là. Il ne faisait jamais le tour du frigo ou du congélateur pour certifier les dates des produits. Lorsque je n’étais pas en poste certains soirs par rapport à mes horaires, le matin la cuisine n’était ni rangée, ni nettoyée. Tout était entreposé n’importe comment et séché dans les assiettes et les casseroles. Certains plats n’étaient pas remis au froid… ».
Cette attestation, qui emporte la conviction de la Cour quant à la réalité des faits décrits ci-avant, est encore illustrée par des photos jointes au dossier (pièce 2 de la farde de pièces de Maître Grégori TASTET).
La contestation de l’intimé quant à la prise de ces photos « le 3 février 2018 ou juste après », est indifférente, dans la mesure où l’intimé était employé depuis le 23 mars 2017 en tant que chef-cuisinier et que les manquements documentés photographiquement par l’appelante, tombaient nécessairement sous sa responsabilité durant l’exécution du contrat de travail.
Ces faits tels que retenus par la Cour, sont d’une gravité telle qu’à eux seuls ils justifient un licenciement pour faute grave.
Le jugement entrepris est partant à réformer en ce qu’il a déclaré abusif le licenciement avec effet immédiat de A intervenu le 5 février 2018.
Les demandes indemnitaires de A sont dès lors à rejeter, car non fondées.
La demande de l’appelante basée sur l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile n’est pas fondée, pour les deux instances, étant donné qu’elle n’établit pas l’iniquité requise par cet article.
Eu égard au caractère justifié du licenciement avec effet immédiat intervenu le 5 février 2018, la créance de l’ETAT, en sa qualité de gestionnaire du Fonds pour l’emploi, d’un montant brut de 14.541,24 euros, est justifiée à l’encontre de A en application de l’article L.521-4 du Code du travail. (C.S.J., 25/02/2021, numéro CAL-2020-00245 du rôle).