Faute grave durant le préavis – présence sur le lieu de travail (obligation de résultat).

La présence du salarié à son lieu de travail constituant pour le travailleur une obligation de résultat et A restant en défaut de justifier ses absences des 4, 5, 6 et 7 juillet 2006, celle-ci a commis une faute rendant immédiatement et définitivement impossible le maintien des relations de travail au sens de l’article L-124-10 (2) du Code du travail.

Le 5 septembre 2005, A a été engagée par la société S1 en qualité d’« ouvrière polyvalente restaurant ».

Elle a été licenciée avec préavis le 31 mai 2006, le préavis débutant le 1er juin 2006 pour se terminer le 31 juillet 2006. Les motifs dudit licenciement lui ont été notifiés sur demande du 29 juin 2006 le 26 juillet 2006 et le licenciement en question n’a pas été contesté par la salariée. Par courrier recommandé du 7 juillet 2006, A a été licenciée avec effet immédiat au motif que tout en n’étant pas dispensée de travailler pendant le préavis légal, elle ne s’est pas présentée à son poste de travail, malgré demande en ce sens de l’employeur, les 26 et 27 juin 2006, ainsi qu’à compter du 3 jusqu’au 7 juillet 2006.

1)Quant au bien-fondé du licenciement :

La société S1 explique que, suite à son licenciement avec préavis, la salariée avait été informée de ce qu’elle pouvait rester à son domicile durant la période de préavis, mais qu’elle devait se présenter à son travail dès que son employeur le lui demandait et que même si le restaurant était fermé, elle avait été chargée d’effectuer les préparatifs afin de permettre la reprise du fonds de commerce par le nouvel exploitant.

Elle reproche aux juges de première instance de ne pas avoir tenu compte dans l’appréciation du fondement du licenciement avec effet immédiat du 7 juillet 2006 des absences de la salariée de son lieu de travail les 26 et 27 juin 2006, ainsi que de celles des 4, 5, 6 et 7 juillet 2006, malgré demande expresse de l’employeur qu’elle se présente à son travail. Ces absences se trouveraient établies par les déclarations des témoins entendus par le tribunal du travail.

La charge de la preuve de la réalité des motifs invoqués à la base du licenciement incombe à l’employeur.

Dans ce but, la société S1 avait offert en preuve devant les juges de première instance que « suite à son licenciement avec préavis, Madame A a été informée de ce qu’elle pouvait rester à son domicile durant la période de préavis mais qu’elle n’était pas dispensée, de sorte qu’elle devait se présenter à son travail dès que son employeur lui demanderait.

Même si le restaurant était fermé, Madame A avait été chargée d’effectuer les derniers préparatifs afin de permettre la reprise du fonds de commerce.

Madame A a été convoquée dans les bureaux administratifs de son employeur le lundi 26 juin et le mardi 27 juin, sans qu’elle se soit présentée à ces convocations ».

A ces égards le témoin T1 a déclaré : «Je confirme les deux premiers alinéas de l’offre de preuve. Je ne saurai vous confirmer avec certitude l’alinéa 3 de l’offre de preuve. Je pense que la requérante est venue au 2ième rendez-vous avec Monsieur B, l’ancien gérant de la société ».

Les autres témoins T2, T3 et T4 n’ont pas été en mesure de fournir des précisions au sujet des absences reprochées à la salariée des 26 et 27 juin 2006.

Au vu des déclarations de T1, il est établi que malgré l’absence de dispense de travail d’A pendant le préavis légal, celle-ci a été autorisée par l’employeur à rester à son domicile, mais qu’elle devait se présenter à son lieu de travail dès que l’employer le lui demandait.

Au vu de l’imprécision sur ce point de la déposition de T1, il n’est, par contre, pas prouvé que la société S1 ait demandé à la salariée de se présenter dans ses bureaux administratifs les 26 et 27 juin 2006, de sorte que le caractère fautif d’une éventuelle absence de la salariée dans ces lieux n’est pas établi. Il s’ajoute que le témoin « pense » même qu’A était présente le 27 juin 2006.

La réalité du motif de licenciement tiré des prétendues absences de la salariée les 26 et 27 juin 2006 n’est donc pas établie.

En ce qui concerne les absences d’A à partir du 3 juillet 2006, la société S1 a offert de prouver que lors d’un entretien le 29 juin 2006, « il fut expliqué à Madame A qu’elle devait venir travailler à partir du lundi 3 juillet à 08.15 heures, et ce jusqu’à la .fin de sa période de préavis, afin de terminer les derniers préparatifs nécessaires à la cessation de l’exploitation de l’activité de

l’entreprise.

Elle était plus particulièrement chargée de participer à la remise en état de la cuisine et à l’inventaire du stock.

Lors de cette réunion du 29 juin, Madame A a marqué son accord mais a simplement demandé à ce que ses horaires de travail soient modifiés afin de lui permettre de considérer au mieux son activité professionnelle avec sa vie de famille.

Ainsi, l’employeur a été d’accord à ce qu’elle commence à travailler à 08.15 heures et ce durant 8 heures de suite, afin de lui permettre de quitter son travail à 16.15 heures.

L’employeur a néanmoins dû constater que Madame A ne s’est pas présentée le 3 juillet, sans l’avoir contacté des motifs de cette absence.

Madame A n’a plus donné signe de vie à son employeur jusqu’à l’envoi de la lettre de licenciement du 7 juillet dernier. »

A ce sujet le témoin T1 a confirmé la demande de l’employeur adressée à la salariée et tendant à ce que celle-ci vienne travailler, il a précisé que la salariée était chargée de nettoyer la cuisine et qu’elle avait demandé de partir plus tôt aux fins de pouvoir récupérer son fils à la crèche.

A n’apporte aucun élément de preuve en sens contraire, de sorte que ces faits se trouvent établis par la déposition circonstanciée de T1 En ce qui concerne les absences de son lieu de travail d’A à partir du 3 juillet 2006, ce témoin a encore relaté : « quant aux deux derniers alinéas, je tiens à préciser que le nouveau exploitant (Monsieur C) m’a contacté pour me dire que la requérante n’est pas venue et qu’il avait besoin de qn pour nettoyer.

Finalement il a dû demander à une société de nettoyage pour venir travailler. Le contact avec la requérante se faisait toujours par Monsieur B ».

Il se dégage cependant de la déclaration du témoin T3 qui a personnellement accompagné la salariée et qui a été entendu lors de la contre-enquête, qu’A était présente au restaurant « X » le 3 juillet 2006 à 8.30 heures, qu’elle a visité les lieux pour se présenter au nouveau parton, mais qu’elle n’a pas travaillé parce que le local était fermé.

Au vu de ces déclarations contradictoires concernant la présence sur son lieu de travail d’A de deux témoins dont l’un est un témoin indirect et le second est un témoin direct ayant accompagné A sur son lieu de travail le 3 juillet 2006, la société S1 reste en défaut de prouver que la salariée était absente de son travail à cette date.

En ce qui concerne les absences reprochées des 4, 5 ,6 et 7 juillet 2006, le témoin T1 a déposé que le nouvel exploitant du restaurant s’est plaint auprès de lui de ce que qu’A ne s’est pas présentée à son lieu de travail et qu’elle n’a pas participé à la remise en état de la cuisine et à l’inventaire du stock.

A offre de prouver par l’audition du témoin T3 « qu’il est vrai qu’en date du 3, 5, 6 et 7 juillet 2006, à 8.30 heures sans préjudice quant à l’heure exacte, Madame A était présente sur son lieu de travail Restaurant X, qu’il est vrai que Madame A a été engagée en tant que serveuse, qu’il est vrai que le Restaurant X était déjà fermé au moins deux mois avant le 31juillet 2006 et que, partant, le restaurant n’avait pendant toute cette période aucune activité, mettant ainsi Madame A dans l’impossibilité absolue de prester ses heures de travail ».

Cette offre de preuve qui ne vise pas la date du 4 juillet 2006 à laquelle A devait travailler, tend à faire réentendre le témoin T3, qui a déjà été entendu par le tribunal du travail et qui a déclaré avoir accompagné A à son lieu de travail le 3 juillet 2006.

Ce témoin ne s’est exprimé au sujet des présences d’A à son lieu de travail les 5, 6 et 7 juillet 2006 ni dans sa déclaration du 17 août 2006 invoquée par l’intimée à titre d’attestation testimoniale, ni lors de son audition à l’occasion de la contreenquête le 4 juin 2007.

Or, il n’appartient pas à la Cour de procéder à une mesure d’instruction supplémentaire pour pallier à la carence d’A de faire interroger le témoin par elle proposé et entendu lors de la contre-enquête en première instance sur les faits actuellement offerts en preuve qui étaient déjà dans les débats devant le tribunal du travail (Cour 31 janvier 2008, n° 32012 du rôle pour des témoins qui n’ont pas été entendus en première instance).

Il s’y ajoute que les faits offerts en preuve remontent à plus de 12 ans, que l’offre de preuve est dores et déjà contredite par les pièces versées dans la mesure où le contrat de travail du 5 septembre 2005 indique qu’A a été engagée comme « ouvrière polyvalente restaurant » et non exclusivement comme serveuse, où il est constant en cause que le restaurant était fermé pendant le délai de préavis d’A et où il est établi par la déposition du témoin T1 que l’employeur avait demandé à celle-ci d’aider à la remise en état de la cuisine et à l’inventaire du stock et que cette activité n’a pas nécessité l’ouverture du restaurant « X ».

Il s’ensuit que la société S1 a établi qu’A ne s’est pas présentée à son lieu de travail les 4, 5, 6 et 7 juillet 2006, malgré demande expresse de son employeur.

La présence du salarié à son lieu de travail constituant pour le travailleur une obligation de résultat et A restant en défaut de justifier ses absences des 4, 5, 6 et 7 juillet 2006, celle-ci a commis une faute rendant immédiatement et définitivement impossible le maintien des relations de travail au sens de l’article L-124-10 (2) du Code du travail.

L’appel de la société S1 est dès lors fondé et il convient, par réformation du jugement entrepris, de dire que le licenciement avec effet immédiat du 7 juillet 2006 est régulier. (C.S.J., III, 11/10/2018, 43116).