Preuve du contrat de travail fictif – contrat apparent – lien de subordination

Conformément à l’article 25 du Nouveau Code de Procédure Civile, le tribunal du
travail est une juridiction d’exception, qui n’est compétente pour connaître que des
contestations entre employeurs et salariés dans le cadre d’un contrat de travail.

Le contrat de travail est défini comme étant la convention par laquelle une personne
s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre, sous la subordination de
laquelle elle se place, moyennant rémunération, avec la considération que pour qu’il
y ait rapport de subordination juridique, il faut que le contrat place le salarié sous
l’autorité de son employeur qui lui donne des ordres concernant la prestation du
travail, en contrôle l’accomplissement et en vérifie les résultats.

L’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les
parties, ni de la dénomination ou de la qualification qu’elles ont donné à leur
convention, mais des conditions de fait dans lesquelles s’exerce l’activité du salarié.
S’il n’existe pas d’incompatibilité de principe entre un contrat de travail et un
mandat social, le contrat de travail doit cependant être une convention réelle et
sérieuse qui correspond à une fonction technique effectivement exercée et
nettement dissociable de celle découlant du mandat social, caractérisée par un
rapport de subordination de salarié à employeur.

La Cour rappelle à cet égard que le simple fait de devoir respecter les décisions du
conseil d’administration de la société ne permet pas de retenir un lien de
subordination.

En principe, il appartient à celui qui invoque l’existence d’un contrat de travail d’en
rapporter la preuve. Cependant, lorsque les parties sont en présence d’un contrat de
travail apparent, il incombe à celui qui conteste l’existence d’un lien de
subordination d’établir le caractère fictif du contrat.

Comme en l’espèce, les parties ont signé un contrat de travail et que des fiches de
salaires ont été établies, il appartient à la partie intimée de rapporter la preuve du
caractère fictif du contrat de travail du 15 avril 2010.

Suivant ledit contrat, A a été engagé en qualité de « directeur, délégué à la gestion
journalière » avec le pouvoir d’engager la société S1 SA par sa signature
individuelle.

Or, il résulte des pièces versées en cause que c’est A qui, en sa qualité de
représentant de la société S2 LTD, avait demandé au notaire instrumentaire de
dresser les statuts de la société S1 SA. en date du 28 septembre 2008. Il a également
représenté, outre la société S2 LTD, les sociétés S3 SA et S4 SA nommées toutes
les trois administrateurs de la société S1 SA.

Lors de la constitution de la société S1 SA, A a encore été nommé délégué à la
gestion journalière avec le pouvoir d’engager la société par sa signature individuelle
dans le cadre de cette gestion journalière. Il a disposé en outre d’un pouvoir de cosignature
obligatoire pour tous les actes de commerce.

Contrairement à l’affirmation de l’appelant, les tâches de la gestion journalière
telles que retenues au contrat de travail ne sont pas incompatibles avec sa qualité
d’administrateur-délégué et ne relèvent pas nécessairement de l’exécution d’une
tâche de salarié, d’autant plus que la société S1 SA, était une très petite structure
n’ayant à son effectif, outre l’appelant, qu’une secrétaire.

Par ailleurs, le contrat de travail a été signé par l’appelant non seulement en sa
qualité de salarié, mais également en sa qualité de représentant de la société S1 SA.
Le contrat de travail ne précise pas d’horaire de travail.

Les autres pièces versées par l’appelant de sont pas non plus de nature à établir une
activité salariale distincte du mandat social exercé par l’appelant.

En effet, les mails de B adressés à « St.S » ne permettent pas d’établir qu’ils sont
effectivement à mettre en relation avec la société S1 SA.

Si A a indiqué aux auteurs des attestations testimoniales C et D qu’il n’était pas
compétent pour décider d’effectuer des prépaiements avant l’envoi de
marchandises, ce fait est insuffisant pour retenir que B lui donnait des ordres dans
le cadre d’un contrat de travail conclu avec la société S1 SA, d’autant plus que tant
C que D ont précisé qu’ils avaient non seulement contact avec A pour discuter des
relations d’affaires entre leurs sociétés et la société S1 SA mais également des
relations avec une société « S6 ».

A cela s’ajoute que le mail de E fait état d’une situation conflictuelle entre
associés : « …c’est vous, Monsieur B, qui avez stoppé le développement du projet
pour cause de divergence entre vous et A selon vos propos tenus lors de notre
entrevue… » et « ..la situation conflictuelle avec votre associé ne nous concerne
pas et ne peut être opposée au non règlement des sommes qui nous sont dues ».
C’est dès lors à juste titre que le tribunal de travail a retenu que l’existence d’un
contrat de travail effectif laisse d’être établie et qu’il s’est déclaré incompétent pour
connaître de la demande de A. (C.S.J., 9/11/2017, 43514).