Notion de loyauté envers une Banque: licenciement immédiat.

Après avoir examiné le contenu des différents témoignages, le tribunal a retenu en guise de conclusion : 

« Il résulte des dépositions d’E, d’F, de G et de H que la requérante a fait croire au management de la société qu’elle connaissait le client qu’elle présentait à la banque de par ses relations auprès de son ancien employeur, alors que tel n’était pas le cas. Il est encore établi que les recommandations de la requérante qui, en tant que « relationship manager » occupait un poste à responsabilité, ont joué un rôle déterminant dans l’acceptation du fonds « World Bonds Arbitrage » par la société défenderesse.

Il y a lieu de retenir que la requérante a agi de la sorte pour cacher au management de la banque que le trader D lui avait demandé de présenter ledit client. Qu’elle ait ou non été au courant de la nature exacte de ses relations d’affaires entre D et les responsables du fonds « World Bonds Arbitrage », elle a nécessairement compris qu’un conflit d’intérêts existait dans le chef de son collègue de travail qui voulait éviter que la banque ne soit au courant du fait qu’il était à l’origine de l’introduction du client.

Le fait de mentir à d’itératives reprises au management de la banque sur les circonstances dans lesquelles elle était entrée en contact avec les responsables du fonds a constitué un manquement grave de la requérante à son devoir de loyauté et a été de nature à rompre définitivement la confiance que la partie défenderesse avait en elle.

Il est indifférent de savoir, dans ce contexte, si la rupture des relations avec le client concerné était ou non liée à la manière dont il avait été introduit auprès de la banque.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante a commis une faute grave de nature à rendre irrémédiablement et immédiatement impossible le maintien des relations de travail. » 

Par exploit d’huissier du 29 juillet 2015, A a régulièrement interjeté appel du jugement.

L’appelante conclut, par réformation, à voir déclarer le licenciement avec effet immédiat du 31 octobre 2012 abusif, partant à s’entendre décharger des condamnations intervenues à son encontre, notamment de celle à prendre en charge les débours de l’Administration de l’emploi. Elle demande dès lors à voir faire droit à ses demandes en paiement des montants de 18.210,84 € du chef d’indemnité de préavis, de 10.000 € à titre de préjudice moral et de 48.105,56 € du chef de préjudice matériel, ces montants avec les intérêts légaux à partir du jour de la demande en justice jusqu’à solde. Elle demande enfin une indemnité de procédure de 2.500 € pour la première instance et 3.000 € pour l’instance d’appel.

La BANQUE B conclut à la confirmation du jugement entrepris par adoption de ses motifs.

L’ETAT conclut à la confirmation du jugement entrepris, sinon à la condamnation de la BANQUE B au règlement du montant de 16.757,01 euros du chef des indemnités de chômage versées à la salariée pendant la période de novembre 2012 à février 2013.

A fait grief aux premiers juges d’avoir considéré que son comportement constituait un manquement grave à son devoir de loyauté vis-à-vis de son employeur de nature à rompre définitivement et irrémédiablement la confiance de la Banque envers elle et justifiant son licenciement avec effet immédiat. Elle conteste cette analyse en faisant valoir que les motifs de son licenciement ne sont nullement précis, ni réels ni sérieux.

A l’instar des premiers juges, la Cour constate d’abord que la lettre de licenciement du 31 octobre 2012 relate de façon circonstanciée les faits reprochés à A en relation avec l’introduction du fonds « WORLDS BONDS ARBITRAGE » comme nouveau client de la Banque, de sorte à permettre à la salariée de juger, en connaissance de cause, de l’opportunité d’une action en justice aux fins de voir déclarer le licenciement abusif et aux juges d’apprécier si les faits lui reprochés sont à considérer comme faute grave au sens de l’article L.124-10 (3) du code du travail.

A qui ne conteste pas les faits à la base du litige, conteste cependant que son agissement soit constitutif d’une violation de son obligation de loyauté à l’égard de son employeur. Elle soutient que l’obligation générale de loyauté dont est débiteur le salarié vis-à-vis de son employeur se définit comme l’obligation de s’abstenir de concurrencer l’employeur, respectivement d’agir pour le compte d’une entreprise concurrente ou d’exercer une activité concurrentielle pour son propre compte. Or, elle n’aurait fait que présenter un nouveau client à la Banque, sans porter préjudice à celle-ci, étant donné que la Banque a touché des commissions et autres frais dans le cadre de l’administration de ce  compte bancaire et qu’il n’existait aucun conflit d’intérêt dans son chef ou même dans celui de son collègue de travail D. Le fait que ce dernier ait pu, après sa démission auprès de la Banque, travailler directement pour le compte du fonds d’investissement ne saurait lui être reproché alors qu’elle ignorait totalement au moment de la présentation du fonds d’investissement à son employeur, qu’D y travaillerait dans le futur.

A soutient encore que conformément à l’article 3 de son contrat de travail elle était chargée d’ « …offrir la gamme complète des services de banque privée à la clientèle, élargir les activités de la banque auprès de la clientèle existante et potentielle… ». En acceptant d’introduire le fonds d’investissement litigieux auprès de la Banque, elle serait restée dans sa stricte mission pour compte de son employeur, elle n’aurait vu aucun problème à introduire ce client auprès de la Banque, ce d’autant moins que le client était recommandé par un autre salarié de la Banque, aucune manœuvre frauduleuse n’étant établie dans son chef.

Elle en déduit que l’employeur ne prouve aucunement une violation d’une quelconque obligation de loyauté à son égard, ni la perte de confiance immédiate et définitive à son encontre, ce d’autant moins qu’elle a toujours travaillé à la satisfaction de son employeur.

La BANQUE B, au contraire, fait valoir que le fait de mentir à d’itératives reprises à la direction et aux collègues responsables de la Banque sur les circonstances dans lesquelles elle était entrée en contact avec les responsables du fonds, a constitué un manquement grave de A à son devoir de loyauté à l’égard de la Banque et a été de nature à rompre définitivement la confiance que la Banque avait en elle.

En vertu de l’article 1134 du code civil, toute convention légalement formée doit être exécutée de bonne foi. En droit du travail, ce principe a une portée particulière. En effet, il ne s’agit pas seulement du strict respect des engagements que se doivent entre elles les parties contractantes, il s’agit aussi du respect d’une éthique comportementale que se doivent l’employeur et le salarié dans l’exécution de leur contrat. Ce qui caractérise au principal le contrat de travail, c’est qu’une personne, le salarié, se place sous les ordres d’une autre, l’employeur, pour exécuter à son profit un travail prédéfini en contrepartie d’une rémunération. Ce n’est donc pas seulement les obligations réciproques mais leur exécution successive dans le temps qui fonde le contrat de travail. La bonne foi des contractants ne s’arrête pas à la volonté de faire, elle va au-delà : à l’obligation de bien exécuter ce que l’on a décidé de faire. A la différence des autres contrats, le retour à l’état antérieur qui est dû en cas de non respect de l’obligation contractuelle n’est pas possible. D’où l’impératif de bonne foi qui préside à l’exécution d’un contrat de travail (cf. Haiba Ouasissi : Droit du travail : De l’individuel au collectif. Ed. Larcier 2015, no 155, p.126).

De par sa portée générale, l’obligation de loyauté ne se limite dès lors pas à une obligation de s’abstenir de concurrencer l’employeur, ou d’agir pour le compte d’une entreprise concurrente ou d’exercer une activité concurrentielle pour son propre compte.

En l’espèce, il résulte des déclarations concordantes des témoins E, F, G que A avait faussement fait croire à son employeur qu’elle connaissait le fonds « World Bonds Arbitrage » de son emploi précédent auprès de son ancien employeur C, alors que le client avait en réalité été introduit par l’intermédiaire de son collègue de travail D qui était l’un des « traders » auprès de la Banque et qui voulait éviter que la Banque soit au courant du fait qu’il était à l’origine de l’introduction du client. Il ressort encore des déclarations des témoins que les dires de A ont eu un rôle déterminant dans l’acceptation du client qui n’avait pas le profil du client type de la Banque, mais que la Banque a cependant accepté parce qu’elle avait confiance en A et en ses explications, laquelle ne pouvait ignorer l’existence d’un conflit d’intérêt dans le chef de son collègue de travail D, même à supposer qu’elle ne connaissait pas la nature exacte de la relation d’affaires entre D et les responsables du fonds d’investissement et qu’elle ne savait pas qu’D allait travailler pour le fonds dans le futur.

Les considérations de A tirées du fait que la Banque avait, en définitive, pris la décision d’accepter ce client et qu’elle avait encore continué à travailler pendant un certain temps avec le fonds pour lui permettre de s’organiser différemment, ne sont pas de nature à influer sur le comportement déloyal que A avait manifesté à l’égard de son employeur lors de l’acceptation du client et de l’ouverture de son compte bancaire, comportement qui était de nature à ébranler immédiatement et définitivement la confiance de l’employeur en la salariée.

C’est partant à juste titre et pour les motifs que la Cour adopte que les premiers juges ont déclaré justifié le licenciement avec effet immédiat de A et qu’ils ont déclaré non fondées sa demande en paiement d’une indemnité compensatoire de préavis et sa demande en paiement de dommages et intérêts pour préjudices matériel et moral. (C.S.J., 10/11/2016, 42819).