Délégué du personnel – apparence de régularité de la mise à pied- demande de maintien du salaire

Aux termes de l’article L.415-11 (2) ancien du code du travail applicable au moment des faits: « … en cas de faute grave, le chef d’entreprise a la faculté de prononcer la mise à pied immédiate de l’intéressé en attendant la décision définitive de la juridiction du travail sur sa demande en résolution du contrat de travail. » 

La mise à pied immédiate d’un salarié membre de la délégation du personnel en cas de faute grave ne constitue pas un licenciement ou une résiliation du contrat de travail opérée par l’employeur, mais une mesure provisoire autorisée par la loi, qui est prise par l’employeur en attendant la décision définitive de la juridiction du travail sur sa demande en résolution du contrat de travail.

Il s’ensuit que la mise à pied du 27 mai 2015 ne devait pas être motivée dans la lettre de mise à pied. Il suffisait que les motifs en fussent exposés dans la requête déposée en vue d’obtenir la résolution du contrat de travail.

Le président du tribunal du travail, statuant sur la demande en maintien de la rémunération, doit se fonder sur les apparences de régularité de la mise à pied. Sans pouvoir préjuger le fond du litige, il apprécie les éléments de fait lui soumis pour admettre ou refuser la demande en maintien de la rémunération.

La Cour retient que la faute grave ne requiert pas la constatation de la mauvaise foi dans le chef du salarié. Il faut et il suffit que celui-ci commette une faute qui a pour effet de rompre immédiatement et irrévocablement la confiance de l’employeur et qui rend impossible la continuation des relations de travail.

Par jugement du 24 mars 2016 le tribunal du travail de Luxembourg s’est déclaré territorialement incompétent pour connaître de la demande de la société SOC1.) en résolution du contrat de travail existant entre parties.

Par requête datée du 21 avril 2016, la société SOC1.) a saisi le tribunal du travail de Saarlouis de la demande en résolution du contrat de travail. A cette requête fut annexée comme seule pièce la lettre de mise à pied du 27 avril 2015.

Force est de constater que le seul grief soumis à la juridiction du travail allemande amenée à statuer sur le fond du litige est l’incident du 23 avril 2015.

Il appartient en conséquence à la Cour d’examiner si ce reproche unique est de nature à conférer à la mise à pied une apparence de régularité et de légitimité.

A l’appui de sa demande l’employeur produit une attestation testimoniale de B.) déclarant qu’en date du 23 avril 2015 à 15.17 heures A.) lui a remis le véhicule 5008 immatriculé YV6380 sur lequel l’intimé avait remplacé les freins ; qu’au moment où Monsieur B.) a voulu freiner, il n’y avait pas de pression de freinage, de sorte que le véhicule ne s’est pas arrêté et qu’il a heurté la porte du garage.

Or, même à supposer que A.) ait en date du 23 avril 2015 oublié de « mettre le circuit de freinage » du véhicule accidenté «en pression», il n’est pas établi que la faute lui reprochée constitue une faute grave de nature à rompre immédiatement et irrévocablement la confiance de l’employeur et rendant impossible la continuation des relations de travail, ceci notamment au vu du fait que A.) a une ancienneté de services de près de trente ans auprès de la société SOC1.).

C’est dès lors à juste titre que la présidente du tribunal du travail a retenu qu’il n’est pas établi que la mise à pied a une apparence de régularité et qu’elle a fait droit à la demande de A.) en maintien du salaire.

L’ordonnance du 14 juillet 2015 est partant à confirmer et la demande de l’employeur en restitution des salaires touchés par A.) est à rejeter. (C.S.J., 30/05/2016, 42851).