Ancienneté (20 ans) – vol domestique – somme modique – licenciement abusif (non)

En ce qui concerne la gravité du fait du 6 décembre 2014, la Cour rejoint l’analyse judicieuse faite par les premiers juges au sujet du comportement déloyal de A qui, nonobstant le caractère modique de la somme subtilisée, était de nature à ébranler définitivement et irrévocablement la confiance de son employeur lequel ne pouvait tolérer un tel agissement de la part d’un de ses salariés, même si celui-ci avait une ancienneté de presque vingt ans.

A réitère son moyen tiré de l’imprécision de la lettre licenciement, au motif que l’employeur utilise des termes vagues et imprécis tels que « ce genre de comportement », « plusieurs montants suspects » et « maintes reprises », sans autres précisions.

Or, c’est à bon escient et pour les motifs que la Cour adopte que les premiers juges ont retenu que la lettre de licenciement correspondait au degré de précision requis par la loi. Le fait que l’employeur ait qualifié les faits reprochés au salarié de « ce genre de comportement » ou encore les irrégularités lui reprochées de « plusieurs montants suspects », respectivement comme s’étant produit « à maintes reprises » ne tire pas à conséquence quant à la précision des agissements plus amplement décrits dans la lettre de licenciement.

En ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement, la S1 fait valoir que les cartes essence mises à disposition étaient destinées au seul usage professionnel et plus précisément pour faire le plein des véhicules de service et que le salarié ne pouvait ignorer leurs conditions d’utilisation. Elle soutient, qu’au contraire, ce dernier a tout mis en oeuvre pour tromper l’employeur et pour dissimuler les vols dont il s’est rendu coupable, notamment qu’il s’est rendu dans les locaux de son employeur, à un moment où il ne travaillait pas, pour y soustraire la carte essence de la camionnette de service, et pour la replacer dans la camionnette une fois le vol d’essence consommé, tout en espérant passer inaperçu.

Il s’y ajouterait que selon les relevés de la carte essence de la camionnette en question, celle-ci aurait consommé 30 litres de carburant par 100 kilomètres, ce qui serait tout simplement impossible. Il s’y ajouterait que les dates de paiement étaient beaucoup trop rapprochées afin de pouvoir justifier le nombre considérable de pleins effectués.

A, de son côté, maintient ses contestations quant au caractère réel et sérieux des faits lui reprochés, « si ce n’est le plein du 6 décembre 2014 qu’il a proposé de rembourser à l’employeur ». Il soutient que les dires de l’employeur quant à la commission de plusieurs vols domestiques restent à l’état de pures allégations et ne sauraient résulter ni de la simple lecture des relevés de la carte essence Aral, ni des conclusions hasardeuses y relatives faites par l’employeur, ni non plus des attestations testimoniales « manifestement » imprécises.

Selon A, le licenciement n’était de ce fait pas fondé sur des motifs graves rendant immédiatement et définitivement impossible la continuation des relations de travail et justifiant la résiliation du contrat de travail avec effet immédiat, ce d’autant moins qu’il avait une ancienneté de 19 ans auprès de la S1.

A l’instar des premiers juges, la Cour constate que si l’utilisation de la carte essence le 6 décembre 2014 à des fins privées résulte des photos émises par la station service et du relevé de la carte essence, fait par ailleurs non contesté par A, il n’en va pas de même des faits identiques qui lui sont reprochés entre le 16 janvier 2014 et le 20 novembre 2014.

En effet, ni le fait que A, après avoir été confronté à ces autres faits, ait quitté le bureau de son employeur sans prendre position, ni le relevé de la carte essence relative à la camionnette immatriculée sous le numéro (…) ne permettent de retenir que la carte essence eût été usurpée par A de la même façon par le passé. Aucun élément de la cause ne permet en effet d’établir que les dates qui sont marquées en gris sur les relevés de la carte essence correspondent à des jours où A aurait effectué des pleins d’essence à titre privé. La comparaison des dates d’utilisation de la carte essence et des quantités facturées, voire le fait que les cartes essence mises
à disposition n’étaient destinées qu’au seul usage professionnel, ne permettent pas non plus de déduire une telle conclusion. Il ne ressort finalement pas des attestations testimoniales que A eût été le seul salarié qui avait accès à la carte de carburant de la camionnette immatriculée sous le numéro (…).

Il en découle qu’il y a lieu de confirmer encore sur ce point le jugement entrepris.

En ce qui concerne la gravité du fait du 6 décembre 2014, la Cour rejoint l’analyse judicieuse faite par les premiers juges au sujet du comportement déloyal de A qui, nonobstant le caractère modique de la somme subtilisée, était de nature à ébranler définitivement et irrévocablement la confiance de son employeur lequel ne pouvait tolérer un tel agissement de la part d’un de ses salariés, même si celui-ci avait une ancienneté de presque vingt ans.

Il y a partant lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré le licenciement justifié et débouté A de ses demandes en paiement d’une indemnité compensatoire de préavis et d’une indemnité de départ ainsi que de ses demandes en indemnisation des dommages matériel et moral. (C.S.J., 08/03/2018, 45135)