Validité de la clause attributive de compétence

La S.A. SOC1.) étant établie à Differdange au Grand-Duché de Luxembourg, la société de droit allemand SOC2.) GmbH à (…) en Allemagne et A.) étant domicilié à Bertrange au Grand-Duché de Luxembourg, il y a lieu à application des dispositions du règlement (CE) N° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, qui était en vigueur au moment de l’introduction de la demande et dont A.) invoque en ordre subsidiaire plus particulièrement les articles 18 à 21.

L’article 19 de ce règlement prévoit :

« Un employeur ayant son domicile sur le territoire d’un Etat membre peut être attrait :

1) devant les tribunaux de l’Etat membre où il a son domicile, ou

2) dans un autre Etat membre :

  1. a)  devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, ou
  2. b)  lorsque le travailleur n’accomplit pas ou n’a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l’établissement qui a embauché le travailleur ».

Le point 1 de cet article, qui s’applique en rapport avec la S.A. SOC1.), édicte une règle de compétence générale et renvoie aux règles internes de compétence pour la désignation de la juridiction spécialement compétente dans l’ordre juridique de l’Etat d’établissement de l’employeur.

En application des deux premiers alinéas de l’article 47 du nouveau code de procédure civile la juridiction compétente est celle du lieu de travail et lorsque celui-ci s’étend sur le ressort de plusieurs juridictions, celle du lieu de travail principal.

Le lieu de travail principal de A.) ayant, aux termes de l’article 1.5 du contrat du 11 mai 2001 (conclu avec la S.A. SOC1.)), été établi à Differdange, c’est à bon droit que l’action à l’encontre de la S.A. SOC1.) a été introduite devant le tribunal du travail d’Esch/Alzette.

Contrairement au point 1 de l’article 19 du règlement 44/2001, le point 2 a) de ce texte, qui s’applique en rapport avec la société de droit allemand SOC2.) GmbH, renferme une règle de compétence spéciale et désigne un ressort juridictionnel déterminé, à savoir le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail.

En vertu de l’article 2.1 du contrat de travail du 16 novembre 2009 (conclu avec la société de droit allemand SOC2.) GmbH), le lieu de travail principal de A.) était à Differdange.

Sur base de l’article 19 du règlement 44/2001 la société de droit allemand SOC2.) GmbH pouvait dès lors être actionnée soit devant la juridiction compétente en Allemagne, le siège de la société y ayant été établi, soit devant le tribunal du travail d’Esch/Alzette.

L’article 21 du règlement 44/2001 ne permet de déroger au principe énoncé à l’article 19 que par des conventions attributives de juridiction qui sont postérieures à la naissance du différend ou qui autorisent le travailleur à saisir d’autres tribunaux que ceux indiqués à l’article 19.

L’article 14.8 du contrat de travail du 16 novembre 2009 est libellé comme suit :

« This agreement is exclusively governed by Luxembourg law. In case of litigation the labour court of Luxembourg City has exclusive jurisdiction, without prejudice to the provisions of article 20.1 of the Council regulation (EC) 44/2001 ».

Il est à préciser que l’article 20.1 du règlement 44/2001 a uniquement trait aux actions à introduire par l’employeur.

Dans la mesure où la clause attributive de juridiction, qui donne compétence exclusive au tribunal du travail de Luxembourg, a été conclue avant la naissance du litige et prive A.) de la faculté de saisir les juridictions désignées par l’article 19 du règlement 44/2001, elle contrevient aux dispositions de l’article 21 de ce règlement et n’est pas valable.

C’est partant à tort que les juges de première instance l’ont appliquée pour se déclarer incompétents pour connaître de la demande de A.), de sorte que la décision du 16 décembre 2014 est à réformer sur ce point.

A.) est encore à décharger de la condamnation au paiement d’une indemnité de procédure et des dépens de première instance prononcée à son encontre.

La S.A. SOC1.) et la société de droit allemand SOC2.) GmbH n’obtenant pas gain de cause, elles ne peuvent pas prétendre à une indemnité de procédure pour l’instance d’appel et les dépens de cette instance sont à mettre à leur charge. (C.S.J., 24/04/2016, n°42093 du rôle).